Le chanteur andalou Abbas Righi a rendu, à Alger, un vibrant hommage à son mentor, cheikh Kaddour Darsouni, un des maîtres formateurs de la chanson malouf, à travers un cocktail de chansons dans le genre constantinois. Le nombreux public de l'Opéra d'Alger Boualem-Bessaih a pu apprécier, deux heures et demie durant, un florilège de chansons malouf, brillamment interprétées par Abbas Righi, venu en «élève», a-t-il déclaré, pour dire «merci» à son maître, cheikh Kaddour Darsouni, qui lui a «tout appris», selon lui. Absent à cet hommage pour «des raisons de santé», cheikh Kaddour Darsouni, enseignant et fin pédagogue, a formé «quatre générations d'artistes», entre musiciens et interprètes. Lui rendre hommage à Alger est une manière de «donner à cet évènement qui compte beaucoup pour moi une dimension extra locale», a expliqué l'artiste. «C'est grâce à lui que je suis devant vous ce soir (...), je lui dois toute ma carrière», a déclaré Abbas Righi devant le public qui a accueilli cet «aveu de grand homme» avec des youyous et une salve d'applaudissements. Accompagné par une dizaine de musiciens virtuoses dont Samir Benkredera au violon et Hakim Benchafra au qanun, l'artiste a interprété avec une voix présente et étoffée Nouba Raml K'bir-Chems el âchiya, «premier enseignement» du maître à son élève, a encore expliqué Abbas Righi. Parmi la quinzaine de pièces qui ont constitué le programme de la soirée, Chems el âchiya, âla ch'houb el âchiya, Boâd ad'diyar, Bahistibari, Harramtou bik nouâssi, Lawn el assel, Dhalma, men frag gh'zali, Aâchiq menhoun, Sid Et'taleb, Hamma ya Hamma et Ksentina. Les sonorités aiguës des violons et du nay (flûte arabe), la densité des notes émises par le oûd et la cadence rythmique maintenue par les Nekkaret (petite percussion à deux tambours) ont dessiné dans l'espace de la salle les traits et donné le ton du genre malouf. Vendredi dernier, dans une ambiance des grands soirs, Abbas Righi, époustouflant d'énergie, a livré une prestation pleine, où il a généreusement mis en valeur le patrimoine musical du registre constantinois, faisant part, tout en sourire, de son «bonheur» de chanter pour un public «aussi réceptif et accueillant». Cédant au déhanchement, les spectateurs ont accompagné le chanteur durant tout le long du concert en battant la mesure avec les mains et en reprenant ses refrains. Présents à la cérémonie, les proches et les membres de la famille de cheikh Kaddour Darsouni se sont vu remettre le trophée honorifique, la compilation en quatre CD du chanteur ainsi que quelques cadeaux symboliques par Abbas Righi et le directeur de l'Opéra d'Alger, Noureddine Saoudi, sous les applaudissements et les youyous de l'assistance. Né en 1984, Abbas Righi s'est, dès son jeune âge, intéressé à la musique andalouse dans sa variante malouf qui constitue l'Ecole de Constantine, aux côtés de celles des genres çanaâ à Alger et El Ghernati à Tlemcen. Après un passage à la zaouïa Rahmania et à l'association El Aqiqia El Aïssaouia où il s'est imprégné du genre soufi, il opte pour le malouf qui deviendra vite son genre de prédilection. En 2002, il intègre l'association des Elèves de l'Institut du malouf, dirigée alors par cheikh Kaddour Darsouni qui verra vite en lui une «future grande voix» et l'initiera à la maîtrise de la percussion, préalable nécessaire à l'acquisition d'une bonne musicalité. Quelques années plus tard, il est chanteur et luthiste de son propre orchestre pour arriver au prix de plusieurs années de travail à participer à nombre de manifestations artistiques en Algérie et à l'étranger notamment, au Kazakhstan, Corée du Sud, Japon, Tunisie, Canada et au Qatar entre autre. Abbas Righi compte sur le marché quatre albums, Mejrouh (2010), Zadni hwak ghram (2012), Ama sebba lahbab (2016), Salah Bey, (2017) et une synthèse de quatre CD sur la chanson constantinoise «dans ses différents genres», selon l'artiste, présentée sous le titre de «Couleurs de Constantine».