Hier, mardi à la mi-journée, les deux barils de référence, Brent et WTI, ont relevé la tête, certes timidement mais de manière bonne à prendre après le nouveau «plus bas niveau» atteint, à la fin de la séance de lundi, lorsque les prix de clôture, à Londres et à New York, affichaient des cours jamais aussi bas depuis un peu plus de quatre ans. A un moment de cette autre fameuse séance de lundi, le Brent est même tombé à 29,75 dollars, au moment où les pires scénarios étaient évoqués concernant la demande et les conséquences sur les pays producteurs, notamment ceux du niveau de l'Algérie. En effet, pour ce qui a trait à la demande, thème sur lequel se succèdent à un rythme jamais atteint analyses et prévisions, il y a un consensus qui se dégage au fil des semaines sur le fait que l'on est parti pour un déclin de la demande mondiale. «La perte potentielle de la demande en mars-avril pourrait éclipser tout ce que le monde a jamais vu, juste au moment où les producteurs de l'Opep+ ouvrent les vannes pour la nouvelle offre sur le marché», estime Rystad Energy, cabinet indépendant de conseil pour toutes les questions liées à l'énergie. Plus sombres encore sont les prédictions de IHS Markit, le spécialiste américain de l'information économique, qui s'attend à ce que le marché pétrolier se dirige, au premier semestre 2020, vers la plus grande surabondance de brut jamais enregistrée, qui pourrait être entre deux et quatre fois plus importante que le plus gros excédent enregistré à ce jour. En effet, selon la même source, la surabondance de pétrole au premier semestre 2020 pourrait atteindre entre 800 millions de barils et 1,3 milliard de barils, soit près de quatre fois plus que la plus grande surabondance précédente de 360 millions de barils enregistrée fin 2015 - début 2016. En somme, selon l'analyse d'IHS Markit, la demande de pétrole brut au cours de ce trimestre enregistrera probablement «la plus forte baisse jamais enregistrée», plus que ce fut le cas lors de la conjoncture impactée par la crise financière de 2008. Des prédictions qui font trembler jusqu'aux Etats-Unis où la survie de dizaines de producteurs de schiste fait plus que jamais connaissance avec la menace de la faillite, malgré le coup de main du Président Trump qui a voulu booster autant qu'il le pouvait, au moment où l'épidémie de Covid-19 atteignait son pays, en annonçant que les Etats-Unis allaient acheter du pétrole pour alimenter leur réserve stratégique et «la remplirait à ras-bord». Un coup d'épée dans l'eau puisque les prix du pétrole ont, bel et bien, augmenté vendredi dernier, mais ils se sont remis fortement à la baisse à la réouverture du marché, il y a trois jours, pour atteindre leur plus bas niveau depuis février 2016. Des soubresauts du marché qui de plus, entre vendredi et lundi, n'avaient pas encore pris en compte la nouvelle tombée hier, lorsque les agences de presse spécialisées ont fait état de l'annulation de la réunion du Comité technique composé des pays de l'Opep et celui qui était jusqu'à quelques jours encore leur allié, la Russie. La réunion prévue pour aujourd'hui à Vienne a été en effet annulée, les tentatives de médiation, notamment algériennes, entre l'Arabie Saoudite et la Russie après l'échec de la réunion des 6 et 7 mars à Vienne, se sont révélées vaines. Un accord de réduction de la production qui semble désormais enterré, les alliés d'hier étant pleinement engagés dans une guerre de parts de marché au détriment du prix, au point de mettre en péril même le schiste américain. C'est dans ce contexte donc que les prix des deux barils de référence ont plongé lundi, renouant avec un plus bas niveau qu'ils n'ont pas connu depuis février 2016 avec les perspectives d'une demande d'or noir en chute libre en raison des réponses à la pandémie de nouveau coronavirus qui touchent de plein fouet l'activité économique mondiale. Cet autre lundi noir a vu le baril de Brent clôturer à 30,05 dollars à Londres, se dépréciant de plus de 11% par rapport à la clôture de vendredi, tandis qu'à New York, le baril de WTI a perdu 9,5% de son prix de vendredi puisqu'il était cédé à 28,70 dollars. Une configuration du marché du pétrole qui a incité le secrétaire général de l'Opep et le directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) à exprimer, à travers un communiqué commun du genre que l'on voit très rarement, leurs craintes d'impacts économiques et sociaux «majeurs» pour les pays producteurs de pétrole en particulier les plus vulnérables, dont l'Algérie, en expliquant que si les conditions de marché actuelles persistent, les revenus issus du gaz et du pétrole de ces pays chuteront de 50 à 85% en 2020. Et aux deux dirigeants de l'AIE et de l'Opep d'appeler à «trouver des moyens de minimiser l'impact» sur ces Etats producteurs de pétrole dits «vulnérables». Azedine Maktour