Le comédien, metteur en scène et réalisateur Abdelkader Djeriou fait actuellement l'objet d'une polémique tenace sur les réseaux sociaux en raison de l'annonce récente de sa désignation au sein d'une commission de relance du théâtre. Publiée sur la page officielle du ministère de la Culture et reprise par l'APS, la liste des membres de la nouvelle commission de travail sur la relance du théâtre aurait pu passer inaperçue, à l'instar de beaucoup d'autres, si le nom du comédien et figure du Hirak, Abdelkader Djeriou, n'y figurait pas. Or, l'artiste, connu pour ses émissions satiriques et moult fois censuré sous Bouteflika puis pour son engagement au sein du Mouvement citoyen du 22 février et son hostilité à l'organisation du scrutin du 12 décembre 2019, apparaissait dans un communiqué de la tutelle faisant état de la création d'un groupe de travail en vue de réformer le théâtre. Publié mercredi dernier, le texte en question rend compte d'une rencontre au palais de la culture Moufdi-Zakaria qui a vu le lancement d'un atelier visant à développer des stratégies de relance du 4e art en Algérie. «L'atelier de travail sur la réforme du théâtre fait partie d'une série d'initiatives lancées par le ministère afin de revivifier différents secteurs culturels et artistiques, et dont la vocation sera de mettre en place des stratégies à même de relancer ces secteurs et les fructifier économiquement selon le programme du gouvernement», a déclaré Mme Malika Bendouda lors de cette rencontre. Et de rappeler que le théâtre doit être, à l'instar d'autres arts, un acteur économique viable capable de générer ses propres moyens financiers. Dans cette optique, une commission a donc été installée, présidée par le dramaturge et conseiller de la ministre H'mida Ayachi et comptant parmi ses membres certains fonctionnaires du ministère mais aussi des professionnels du domaine tels que les metteurs en scène Haydar Benhassine, Omar Fatmouche, Ziani Cherif Ayad et Abdelkader Djeriou. Aussitôt, les réseaux sociaux s'enflamment concernant ce dernier qui, contrairement aux autres, s'est forgé une réputation d'artiste frondeur et antisystème avant et après le mouvement du 22 février. Or, le comédien a très vite rectifié l'information dans une vidéo en précisant qu'il s'agit là d'un travail bénévole et non d'un poste rémunéré au sein du ministère. Il explique avoir été contacté pour l'élaboration d'un travail de recherche et de réflexion sur la réalité du théâtre en Algérie en sa qualité de professionnel et membre du Théâtre régional de Sidi Bel-Abbès et en raison de sa longue expérience dans le domaine. Arguant que la critique seule ne suffit pas et que le théâtre a besoin de toutes ses forces vives et de leurs idées pour se relever, il défend son choix d'avoir accepté de participer à ce think-tank du ministère mais maintient son refus de tout poste ou salaire au sein du gouvernement actuel. Au-delà de cette polémique aux relents de procès en trahison qui vient s'ajouter à d'innombrables autres controverses liées au Hirak, il devient évident que ce dernier se résume à présent dans la fureur passagère des querelles et des débats avortés notamment depuis la suspension des manifestations en raison de l'épidémie de coronavirus. Comme un serpent qui se mord la queue, le mouvement contestataire, déjà affaibli avant la survenue de la crise sanitaire, se déchire au gré des infos sans importance, des disputes idéologiques et de la traque d'ennemis intérieurs. D'autre part, le ministère de la Culture poursuit une logique de reproduction des mêmes schémas usés ayant prouvé leur totale inefficacité et n'ayant pour vocation que l'effet d'annonce croulant sous l'éternel joug bureaucratique. Commission, comités, groupe de travail, atelier de réflexion, assises, etc. Que de fois n'a-t-on entendu ce jargon chez les différents prédécesseurs de Mme Bendouda ! Aussi éphémères et dépourvues de réelles impulsions politiques soient-elles, ces «initiatives» de la tutelle misent donc sur quelques noms crédibles afin de se donner de l'envergure. Devenue une tradition, cette culture de la «commission» est pour ainsi dire le réflexe de chaque ministre de passage au palais des Anassers, de Khalida Toumi à Malika Bendouda en passant par Nadia Labidi et Mihoubi. Les résultats sont à ce jour quasi-inexistants ! Sarah Haider