De Tunis, Mohamed Kettou Deux parallèles ne se rencontrent jamais. Une règle mathématique, universellement connue et reconnue vient d'être démentie en Tunisie, par le leader du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, et l'ex-secrétaire général du RCD défunt de feu Ben Ali, M. Mohamed Ghariani. Celui-ci est, désormais, l'un des conseillers du président du Parlement. Deux ex-ennemis qui logent, aujourd'hui, à la même enseigne. Après 2011, Ghariani a fait du tourisme politique en offrant ses services à plusieurs partis dont Tahya Tounès, tout en conservant des contacts épisodiques avec le parti islamiste, contacts qui ont, finalement, permis aux parallèles de se rencontrer. Il a fallu dix ans pour que le phénomène se produise. Le temps nécessaire pour que Ghannouchi révise ses options et son attitude face à un parti ( RCD) qui incarnait le mal dont il a souffert ainsi que des milliers de ses partisans. Les observateurs se perdent en conjectures pour trouver une explication au geste de Ghannouchi. Pourquoi maintenant ? De simples suppositions autorisent un lien entre cette rencontre "anormale" et les remous que vit le parti islamiste qui s'apprête à tenir son congrès national au terme duquel Ghannouchi devrait quitter la barre. En effet, sentant l'élaboration d'un plan «diabolique» qui permettrait à Ghannouchi de briguer un nouveau mandat, en violation des règlements intérieurs du parti, une centaine de hauts cadres n'ont pas «eu froid aux yeux» pour clamer leur «niet» en lançant une pétition qui a fait trembler celui qui préside le parti depuis 40 ans. C'est un affront que le «rusé» Ghannouchi n'essuiera pas sans broncher. Tout en minimisant la portée de la pétition signée par «ses enfants», il s'est mis à l'ouvrage, faisant bouger ses pions et laudateurs, en particulier le président du Conseil consultatif, (majless choura), Abdelkrim Harouni, pour sortir un nouveau slogan devant faciliter le maintien de Ghannouchi, non pas comme président mais comme «leader» du parti tout en appelant à l'ajournement du congrès. Question de gagner du temps. Cela a provoqué le courroux de Mohamed Ben Salem, ancien ministre et farouche opposant au plan de Harouni. «On ne peut pas tolérer à Ghannouchi ce que nous avons refusé à Bourguiba et Ben Ali. C'est immoral», a-t-il dit. Et si ce plan venait à se réaliser, ce serait la chute du parti, a-t-il dit au micro d'une radio locale. Cette querelle entre ténors du parti islamiste donnerait tout son sens et toute sa justification à la nomination de Mohamed Ghariani. Le but est clair. Le tout Tunis politique sait, aujourd'hui, et est même convaincu que Ghannouchi s'est mis à baliser la voie qui le mènerait à la présidence de la République en 2024. D'où le lien que certains observateurs n'ont pas hésité à établir avec la nouvelle nomination «surprise» de Ghariani. Cette nomination n'est, certes, pas au niveau des instances du parti, mais cache mal le «jeu» du président du Parlement. Car, fort de ses expériences au sein du défunt RCD, Ghariani serait d'une utilité certaine quelle que soit la fonction qui lui est confiée. L'important pour Ghannouchi est de tirer profit de sa présence à ses côtés. D'autant plus que Ghariani a affirmé, il y a quelques jours, que Ghannouchi réunit toutes les qualités qui feront de lui un bon président de la République. Voilà pourquoi les parallèles ont fini par se rencontrer. M. K.