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Le SARS-CoV-2, la pandémie et nous (2e partie)
LES DESSOUS D'UN VIRUS
Publié dans Le Soir d'Algérie le 29 - 12 - 2020


Par Hocine Bouraoui(*)
À la mémoire du Docteur Li Wenliang, lanceur d'alerte, décédé le 7 février 2020 à Wuhan (Chine) de la Covid-19, et en hommage aux praticiens de santé de toutes nationalités victimes de cette troisième guerre mondiale.
«Ne tuez point la vie qu'Allah a rendue sacrée.»
(Le Saint Coran : S17V33)
«https://saintebible.com/deuteronomy/5-17.htmTu ne tueras point»
(Sainte Bible : Deutéronome 5 :17)
«En ce temps-là la vieillesse était une dignité ; aujourd'hui, elle est une charge.»
(Châteaubriand : Mémoires d'outre-tombe).
«Nous sommes fatigués de l'homme.»
(Nietzsche : Généalogie de la morale)
LES GRANDES PANDEMIES DE PESTE
La peste antonine
Dénommée aussi la «peste galénique» du nom Galien (Claudius Galenus (129-201 Apr. J.-C.), médecin de l'époque, elle doit son surnom «antonine» à la dynastie des Antonins qui dirigeait l'Empire romain à l'époque. La pandémie partit de la Mésopotamie aux environs de 165 ap. J.-C., gagnera, grâce aux importants déplacements de troupes, l'Asie et l'Orient où elle se diffusa dans de nombreuses provinces d'Egypte. Elle atteindra l'Italie vers l'année 180 ap. J.-C.
Elle causera plus de 5 millions de morts. (Kyle Harper ; Philippe Pignarre ; Benoît Rossignol : Comment l'Empire romain s'est effondré : le climat, les maladies et la chute de Rome. Editions La Découverte 2019). La peste antonine a suscité de nombreux travaux historiques et la nature exacte de la maladie est discutée. En 2018, il y a eu consensus pour dire que la peste antonine était vraisemblablement une épidémie de variole. (Catherine Virlouvet, Nicolas Tran ; Patrice Faure : Rome, cité universelle : De César à Caracalla 70 av. J.-C.-212 ap. J.-C, Paris, Editions Belin 2018).
La peste de Justinien
Première pandémie connue de peste, elle a sévi au début des années du règne de l'empereur romain d'Orient Justinien le Grand (482-565 ap. J.-C.) à partir de 541 jusqu'en 767 dans tout le Bassin méditerranéen. Elle ravagera Constantinople et Rome. On ne connaît toujours pas en 2020 l'épicentre de la pandémie, ni comment elle s'est arrêtée après deux siècles et a disparu d'Europe. On suppose que la peste circulait par le truchement des transports commerciaux (voie maritime de port à port et le long des côtes par voie terrestre). Le quotidien La faute à Rousseau écrit : «L'épidémie débuta en Egypte en 541 pour atteindre Byzance au printemps 542. Elle y fit plus de 10 000 morts par jour, et l'on estime que la ville y perdit environ le tiers de sa population [...]. Ensuite, l'épidémie suivit les voies de commerce du Bassin méditerranéen, ravagea à plusieurs reprises l'Italie, les côtes méditerranéennes, remonta le Rhône et la Saône, et atteignit l'Irlande et la Grande-Bretagne. Elle se propagea aussi à l'est, ravageant la Syrie ou la Chine.» («La peste de Justinien» Histoire de France racontée par les cartes, sur la faute a rousseau.hautetfort.com).
La peste frappera lourdement l'Italie lorsque le pape Pélage II meurt à son tour le 8 février 590 emporté par le bacille. L'évêque de Tours Georges Florent Grégoire cite dans son ouvrage L'histoire des francs : «En 549, la province d'Arles a été ravagée et cruellement dépeuplée [...] en 567 à Clermont, un certain dimanche, on compta 300 cadavres dans la cathédrale.» (Saint Grégoire de Tours : L'histoire des rois francs. Trad. du latin par Just-Jean-Etienne Roy. Editions Gallimard Folio Histoire 2011).
La peste noire
La peste noire ou la «mort noire», en raison de l'ampleur de l'hécatombe et du deuil continu ou en rapport avec le siège des Mongols (1346) de la «Horde d'or» de la ville de Caffa (comptoir et port génois) des bords de la mer Noire ; la pandémie fut ramenée de Chine par les Mongols.
Les bateaux génois quittent Caffa, assiégée par les Mongols et disséminèrent la peste dans tous les ports et comptoirs (Constantinople, Messine, Gênes, Marseille, Raguse actuelle Dubrovnik et Venise). Le Moyen-Orient et l'Afrique furent aussi durement touchés. Après avoir ravagé l'Egypte, la Syrie et l'Afrique du Nord, elle gagne l'Europe depuis l'Espagne.
La peste noire est la première pandémie dont les écrits nous sont parvenus à cause de ses ravages, elle tuera en Europe plus de 25 millions de personnes en 5 ans, de 1347 à 1352, c'est-à-dire la moitié de la population européenne.
La dernière grande épidémie de peste qui frappa durement la France fut celle de Marseille en 1720. Elle fut très étudiée (des thèses de doctorat lui ont été consacrées) tant sur le plan de la pénétration de la peste et sa propagation dans la ville que sur celui de la lutte anti-épidémique, et enfin sur l'incidence du fléau sur les comportements humains face aux crises démographiques et à la fatalité. Apportée par le bateau Le Grand Saint Antoine en provenance de Tripoli (Liban) où les autorités avaient délivré au capitaine du navire (Chataud) un «patent-nette» (certificat reconnaissant l'absence de soupçon de peste), le navire chargé d'étoffes infectées arrive en rade à Marseille le 25 mai 1720. La peste se répand hors du port et frappe la vieille ville en juin. L'historien français d'histoire moderne Philippe Joutard décrit les infimes détails de l'hécatombe : «La gravité de l'épidémie n'est réellement appréhendée qu'avec l'augmentation exponentielle du nombre de morts, qui atteint 1 000 décès par jour en août 1720, au pic de l'épidémie. La peste ravage alors la ville qui se vide peu à peu de ses habitants à cause des nombreux décès, mais aussi de tous ceux qui ont fui dans l'arrière-pays [...] Vingt-sept mois de confinement, quatre ans pour rouvrir complètement la cité, la moitié de la population disparue.» (Philippe Joutard Marseille en quarantaine : La peste de 1720. Article mis en ligne le 17 avril 2020).
La troisième pandémie de peste survenue en 1885 touchera la Chine et l'Inde et tuera 12 millions d'êtres humains. Nous citerons pour mémoire la peste italienne (1629-1631 ; 1 million de morts) et la grande peste de Londres (1665 ; 100 000 morts).
La grippe ou influenza
La grippe est une maladie infectieuse et contagieuse causée par des virus à ARN (voir l'introduction). Elle touche les oiseaux (grippe aviaire), certains mammifères domestiques omnivores de la famille des porcins, ou suidés (grippe porcine) et l'être humain. La transmission interhumaine de l'affection est essentiellement respiratoire, via les gouttelettes riches en virus provenant de sujets infectés (toux, éternuements).
La grippe sévit en mode épidémique pendant les périodes automno-hivernales et se manifeste par des symptômes non spécifiques (fièvre, céphalées, toux, arthralgies, asthénie), regroupés sous l'appellation de «syndrome grippal». Il n'y a pas de traitement spécifique de la grippe et les antiviraux disponibles (inhibiteurs de la neuraminidase : enzyme du virus grippal qui favorise la libération des virions grippaux des cellules hôtes infectées vers les sécrétions des voies respiratoires) ont un rôle prophylactique. La maladie disparaît généralement après quelques jours d'évolution, sauf chez certaines personnes à risque (jeunes enfants, personnes âgées et celles souffrant d'affections chroniques) où les complications peuvent aller jusqu'au décès. La prévention de la grippe repose essentiellement sur la vaccination annuelle.
LES GRANDES PANDEMIES DE GRIPPE
La grippe espagnole
Vers la fin de la Grande Guerre apparaît en Europe une pandémie de grippe meurtrière particulièrement violente et hautement contagieuse, baptisée «grippe espagnole». L'appellation est apparue au sein des pays en guerre où le musèlement de l'information et la censure ne laissaient aux nations belligérantes que la reprise des informations en provenance d'Espagne, pays non engagé dans la guerre, où les journaux dissertaient librement sur «la grippe européenne». La pandémie fera près de 50 millions de morts au courant de la seule année 1918-1919. L'origine virale de la grippe espagnole a été suspectée par un médecin français, René Dujarric de la Rivière (1885-1969), au niveau du laboratoire militaire de Troyes, en 1918.
Certes, il n'identifiera pas le virus, et la première souche humaine ne sera isolée qu'en 1933, à Londres. Il faudra attendre encore 2005 et l'exhumation de corps enterrés dans les sols gelés pour que le génome soit séquencé.
Il est scientifiquement prouvé que la grippe espagnole est une pandémie de grippe «A» due à une souche virale (H1N1) particulièrement virulente et contagieuse. Le virus de la grippe «A» est un virus à ARN monocaténaire qui appartient au genre Alpha influenza virus de la famille des Orthomyxoviridae. Le sous-type H1N1 est caractérisé par un pouvoir pathogène élevé pour l'être humain, qui rend ces souches responsables de près de la moitié de toutes les infections de grippe humaine. Le sous-type H1N1 fait référence à la présence des deux antigènes de surface (Hémagglutinine1, Neuraminidase1). (Centers Diseace Control and Prevention (CDC), 23 02 2011. Rapport hebdomadaire sur la surveillance de la grippe aux Etats-Unis). Certaines souches de H1N1 sont endémiques aux oiseaux (grippe aviaire) et d'autres aux porcs (la grippe porcine).
Il est actuellement admis que le virus serait apparu dans un Etat du Midwest des Etats-Unis (Kansas), le 4 mars 1918. «Le patient zéro aurait été un certain Albert Gitchell, un fermier contaminé par l'un de ses oiseaux, lui-même contaminé par un oiseau sauvage. Alors qu'il est porteur du virus de cette grippe aviaire, cet homme est appelé sous les drapeaux. Assigné à la cuisine du camp militaire, il va favoriser la propagation du virus, qui se transmet par gouttelettes ou par toucher d'une zone contaminée. En trois semaines, 1 100 hommes sont grièvement malades. Près de 40 trouvent la mort.» (Comment la grippe espagnole a pu faire jusqu'à 100 millions de morts. Documentaire produit par la BBC et diffusé en 2018 sur RMC Story).
La grippe porcine
La grippe porcine est une maladie infectieuse d'origine respiratoire provoquée par un virus grippal n'infectant normalement que les porcs. La traversée des barrières d'espèces et la transmission à l'homme peuvent s'opérer par contact direct et indirect, et par aérosols, par des porcs infectés. On ne retrouve pas de saisonnalité marquée contrairement à ce qui s'observe pour la grippe humaine. La maladie débute par de la fièvre, une perte d'appétit et la toux, suivie après quelques jours d'une dyspnée aiguë. L'affection guérit spontanément en 7 à 10 jours.
Longtemps suspecté d'être lié au virus de la grippe espagnole, lorsque des porcs sont tombés malades en même temps que l'homme, le virus de la grippe porcine, identifié vers les années 30, ne sera reconnu à travers ses souches H1N1 comme exclusivement responsable de la maladie des porcs que vers les années 90.
Quelques cas de transmission interhumaine ont également été rapportés en 1976 aux Etats-Unis causant la mort d'une personne. («La grippe porcine terrorise les Etats-Unis», nouvelobs.com, 28 avril 2009).
De nouvelles souches (H3N2 ; H1N2 ; H4N6) apparurent entre 1997 et 2002.
Au courant de l'année 2009-2010, apparaît une deuxième pandémie de grippe «A» de type H1N1, la première étant celle de 1918. La grippe fera son apparition en mars 2009 au Mexique (l'un des plus grands élevages industriels de porcs) où elle tuera le premier mois 152 personnes (Le Figaro Santé : 26-4-2009). La grippe porcine gagnera les quatre coins du globe et devant l'ampleur de l'épidémie, l'OMS déclarera, le 11 juin 2009, la situation de pandémie.
En août 2010, l'OMS baisse son niveau d'alerte et le monde entre en période post-pandémique. Cependant, il ne s'agit que d'alerte, le virus circule toujours abondamment autour du globe. Des chercheurs chinois, relevant du Centre de prévention et de lutte contre les maladies infectieuses, avaient réalisé entre 2011 et 2018 plus de 30 000 prélèvements naseaux sur des porcs dans les abattoirs de 10 provinces chinoises. (Article paru le 29 juin 2020 dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences). Les analyses ont permis d'isoler 179 virus de grippe porcine, dont la majorité était présente chez les porcs depuis 2016. L'un de ces virus, baptisé G4 EA H1N1, a été retrouvé chez 10.4% des ouvriers travaillant dans l'industrie porcine.
Ce nouveau virus de grippe porcine (G4 EA H1N1) descend génétiquement de la souche H1N1, responsable de la pandémie en 2009. Toutefois, si les porcs sont considérés comme des hôtes importants pour la transmission des virus de la grippe porcine, la traversée des espèces et la transmission interhumaine restent une énigme (réassortiments, mutations ou manipulations ?).
La grippe aviaire
La grippe aviaire, ou épizootie provoquée par des souches «A» du virus grippal, est une maladie infectieuse n'affectant que les oiseaux (sauvages ou domestiques).
Habituellement le virus de la grippe aviaire n'est pas transmissible à l'homme, néanmoins une souche de type H5N1 a été isolée lors de la panzootie qui a durement frappé les oiseaux et surtout les volailles à travers l'Asie, l'Amérique et l'Europe de 2004 à 2007. Le virus H5N1 est mis en avant en raison de sa pathogénicité et sa transmissibilité à l'homme. Le virus circule encore et n'a subi aucune mutation depuis 2004 pour traverser les barrières des espèces et acquérir une contagiosité interhumaine. Il fait actuellement l'objet d'une surveillance sanitaire.
LES INFECTIONS AU CORONAVIRUS
Maladies émergentes ou émergence de la connaissance ?
Une maladie infectieuse émergente (MIE) est une affection nouvelle (touchant l'homme, l'animal ou les deux) due à un agent infectieux (bactérie, virus, parasite...), inattendue en référence aux connaissances que l'on a de la pathologie de la maladie et de son agent responsable. Charles Nicolle, professeur au Collège de France et prix Nobel de physiologie et de médecine, déclare en 1928 : «Il y aura des maladies infectieuses nouvelles. C'est un fait fatal... nous ne saurons jamais les dépister dès leur origine... Il faut aussi bien se résigner à l'ignorance des premiers cas évidents... et ce n'est qu'après une longue période de tâtonnements qu'on dégagera le nouveau type pathologique... Pour qu'on la reconnaisse plus vite, il faudrait que l'infection nouvelle soit d'importation exotique et douée d'un pouvoir marqué de contagiosité, telle autrefois la syphilis à son débarquement en Europe.» (Charles Nicolle : Destin des maladies infectieuses. Leçons du Collège de France, Paris, éditions France Lafayette, 1993).
Le concept d'émergence de nouvelles maladies infectieuses présuppose une réinterprétation de l'histoire des grandes épidémies qui ont touché l'humanité (la lèpre, la peste, le choléra, la grippe espagnole, le Sida, SARS, MERS...) à l'aune des apports des sciences humaines et sociales. Lorsque l'hôte de l'agent infectieux est humain, il ressort que des facteurs socioculturels ont joué un rôle majeur. Dans l'histoire de la peste par exemple, l'essor du commerce, la navigation (marchandises, étoffes et grains, rats et puces dans les cales des navires) furent des vecteurs majeurs dans la circulation microbienne. Plus près de nous, la pandémie due au syndrome d'immunodéficience acquise, plus connu sous son acronyme Sida (pour lequel il n'existe actuellement aucun vaccin permettant de se protéger du VIH ou traitements antiviraux pouvant guérir la maladie), fut concomitante à l'émergence de l'individu et le combat pour les libertés individuelles, entamé après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et a culminé vers la fin des années soixante. Pour le SARS-CoV-2, on pense que l'animal est le pangolin (autrefois nommé le fourmilier écailleux) dont de nombreux travaux ont montré que le virus était très proche de celui qu'on observe chez l'homme ; et ce qui montre que ces maladies émergentes sont l'effet du comportement humain. Le professeur Philippe Sansonetti, médecin et chercheur en microbiologie français, chercheur à l'Institut Pasteur et professeur au Collège de France, décrit, lors d'une conférence prononcée au Collège de France le 16 mars 2020 : «C'est le trafic de ces animaux : on estime qu'environ un million de pangolins passent de leur territoire africain en Asie, parce que les populations asiatiques sont friandes de leur viande ainsi que de leurs écailles.
La composante humaine joue un rôle dans toutes les maladies émergentes : ces petits animaux étaient vendus sous l'étal dans ce marché aux poissons de Wuhan et c'est là que les personnes se sont contaminées.» (Philippe Sansonetti : «Covid-19, chronique d'une émergence annoncée»).
Aux origines des coronavirus
Yuval Noah Harari, historien et professeur à l'université hébraïque de Jérusalem, écrit dans un best-seller international Sapiens : «La monnaie de l'évolution, ce n'est ni la faim ni la souffrance, mais les copies d'hélices d'ADN [...] S'il ne reste plus de copies de son ADN, l'espèce est éteinte. Si une espèce multiplie les copies d'ADN, c'est une réussite, et elle prospère.» (Yuval Noah Harar : Sapiens. Une brève histoire de l'humanité. Editions Albin Michel 2015). Les propos du professeur Harari s'appliquent aussi au monde des virus. Les coronavirus existent probablement depuis des centaines de millions d'années, mais du point de vue de l'histoire des affections virales causées par les coronavirus, l'intérêt des chercheurs ne sortait pas du cadre des zoonoses (les chauves-souris et les oiseaux seraient les hôtes idéaux pour les coronavirus assurant leurs évolution et dissémination).
En pathologie humaine, ce n'est qu'au XXIe siècle que les coronavirus ont pris de l'importance : «Cinq des sept coronavirus humains ont été isolés au cours de ce siècle. Et malheureusement, les trois derniers sont entrés dans notre vie avec les craintes liées à une épidémie, une pandémie ou à la mort.» (Cemal Bulut, Yasuyuki Kato : Epidemiology of Covid-19,Turkish Journal of Medical Sciences, 21 04 2020).
L'héritage de June Almeida (1930-2007)
June Dalziel Hart, la femme qui a découvert le premier coronavirus, née à Glasgow le 5 octobre 1930, est la fille d'un chauffeur de bus qui n'avait pas les moyens de lui payer son entrée à l'université. Elle quitte l'école à 16 ans avec peu d'éducation formelle pour trouver un emploi comme technicienne en histopathologie à Glasgow Royal Infirmary (Infirmerie royale de Glasgow). Elle poursuivra plus tard sa formation à Londres au niveau du plus vieil hôpital anglais encore ouvert de nos jours , St. Bartholomew's Hospital. En 1954, elle épousera Enriques Almeida (artiste vénézuélien) et émigre au Canada où elle est recrutée en tant que technicienne en microscopie électronique au Ontario Cancer Institute de Toronto. Bien qu'elle ait peu de qualifications, elle a été promue en fonction de ses capacités exceptionnelles et ses publications qui l'ont créditée pour ses travaux sur l'identification de la structure virale. Le nom de June Almeida figurera désormais dans des revues prestigieuses de microbiologie et virologie.En 1964, à l'âge de 34 ans, la laborantine émérite fut sollicitée par le Professeur Anthony Peter Waterson (1923-1983), chef de service de microbiologie du St Thomas' Hospital qui la persuade de revenir en Angleterre pour y travailler.
Le St Thomas' Hospital est l'un des plus fameux hôpitaux de Londres, celui-là même où fut admis le Premier ministre Boris Johnson lorsqu'il avait contracté le virus Covid-19. La Docteure Almeida avait ensuite travaillé à la Faculté de médecine de troisième cycle de Londres, où elle avait décroché son doctorat. Elle a terminé sa carrière à l'institut Wellcome, où elle a été nommée sur plusieurs brevets dans le domaine des virus d'imagerie. Après avoir quitté Wellcome pour sa retraite, l'infatigable Docteure Almeida, devenue professeure de yoga et antiquaire, sera rappelée en virologie dans un rôle consultatif à la fin des années 1980 lorsqu'elle a aidé à prendre de nouvelles photos du virus du Sida. Elle décédera suite à une crise cardiaque à Bexhillle le 1er décembre 2007 à l'âge de 77 ans. («The woman who discovered the first coronavirus», sur BBC, 15 avril 2020).
Une nouvelle famille de virus : les coronavirus
Inventée en 1931, la microscopie électronique apportera un progrès considérable dans l'observation et l'étude des micro-organismes. La Docteure June Almeida y ajoutera une amélioration supplémentaire pour observer la structure fine des virus : la microscopie immuno-électronique. Le principe est relativement simple, il consiste à mettre en présence d'un virus des anticorps qui lui sont spécifiques. Ces derniers, en se regroupant autour du virus, formeront un agrégat permettant ainsi d'observer le virus selon le principe de contraste négatif.
Le Professeur Hugh Pennington, émérite de bactériologie à l'Université d'Aberdeen et ancien collègue de travail de June Almeida, déclare dans une interview dans le journal écossais The Herald en mars 2020 : «For instance the Chinese usedher technology to identifyit.» La découverte du SARS-CoV-2 par des scientifiques chinois repose, en effet, sur l'utilisation de la technique d'imagerie immuno-électronique mise au point par la Docteure June Almeida.
C'est dans le sillage de l'étude des virus du rhume que la Docteure June Almeida mettra en évidence, selon la technique d'imagerie immuno-électronique, des particules virales «ressemblant à celles de la grippe, mais pas exactement».
La structure du virus est semblable à celle d'autres virus qui provoquent des maladies chez des animaux (virus à l'origine de la bronchite aviaire de 1930, la gastro-entérite du porc en 1946 et l'hépatite murine en 1949), il présente une sorte de couronne. Le terme de coronavirus apparaît pour la première fois en 1968 dans une publication synthétisant les recherches de la Docteure June Almeida et celles d'autres virologues publiées dans la revue Nature (Virology : Coronaviruses, Nature, vol. 220, n°5168, novembre 1968). Cette nouvelle famille de virus ne sera adoptée par le Comité international de taxonomie des virus (ICTV) qu'en 1975. (Virus Taxonomy : 2018 Release ICTV).
H. B.
(À suivre)
(*) Professeur de médecine, spécialiste en neurologie et neuropsychologie. Diplômé des études supérieures de médecine de guerre. Licencié en sciences économiques (économie de la santé).


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