Voilà donc la nouvelle année ! Que peut-elle bien charrier derrière elle ? Du bon, assurément. Du mauvais, également. Sinon, ce ne serait pas naturel. Une nouvelle année est comme une pochette surprise ; on ne sait jamais à l'avance ce qu'elle peut bien nous réserver. Comme il y a des jours sans, il y a des années où le vide est de rigueur. Bien sûr, le contraire est valable. J'ai toujours une impression de gueule de bois lors des changements d'année. Ce n'est pas un simple millésime ! Je prends un exemple : dans les années 70, je me sentais bien. Je sais, bien sûr, pourquoi. Ce n'est pas seulement un simple réflexe de nostalgie. Vous me direz le contraire, je le sais. Je pense que dans ces années-là, le temps disposait d'une grande palette de couleurs. Il n'y avait pas, en cette époque, cette rotation des jours et des nuits sans relief. Sans saveur. Et sans densité. Voilà, voilà 2021 ! Qu'a-t-elle ramené dans les plis de son manteau ? D'aucuns diront que du bien, si Dieu veut. Oui, d'accord ! Et après ? Je constate que la Covid-19 est toujours là. Ici et ailleurs. Les chiffres, ailleurs, sont affolants. Sauf que la vaccination a démarré chez eux. Mais il y a un « nouveau » virus. Certains disent un « mutant ». D'autres disent une « variante ». Aujourd'hui, j'ai entendu dire un « clone ». Allez disséquer le schmilblick. L'mouhim, ce nouveau (?) Covid-19 est apparu en Angleterre. Et en Afrique du Sud. Ma crainte, c'est de voir ce virus débarquer chez nous, avec une nouvelle gueule. Oui, c'est vrai, le président de la République est de retour. Il reprend les commandes. Après des soins et une convalescence en Allemagne, je veux l'entendre nous dire comment il a retrouvé la maison Algérie. De 1 à 10, à quel niveau, il placerait le curseur ? C'est juste une curiosité de citoyen patriote. Sans plus ! Ah, je suis curieux également de savoir s'il va se vacciner. Et s'il peut le faire publiquement ? Là, c'est une façon de me rassurer ; personnellement, j'ai la phobie des piquouses. Je suis toujours en phase avec les années 70. Alger était une ville ouverte, franche, festive et rigolote. C'était une ville méditerranéenne. Un peu comme les villes de l'Europe du Sud. Le jour était, en ce temps-là, lumineux. Et il n'y avait aucune lugubrité, la nuit. Il y avait tellement de lumière dans le cœur de cette ville-amour. Puis, si ma mémoire est encore à l'heure, Alger était blanche. On disait bien « Alger la Blanche ». Momo, dans sa quête mystique, déclamait « Ya Bahjati ». Il n'y avait pas que lui, heureusement. Djamel Amrani, en paix désormais, déambulait dans une ville tolérante, exhibant un dernier poème à l'oreille la plus juste. Il n'y avait pas que lui. Le Mougar, existe-t-il toujours, accueillait des poètes, désormais une espèce en voie d'extinction, qui taillaient des vers sur l'amour et la révolution. Je me rappelle de Salah Guemriche, qui venait « alphabétiser le silence ». Et de Kamel Bencheikh, l'auteur de Prélude à l'espoir, qui – le poing fermé – lançait son « discours pour la femme. » Il y en avait beaucoup d'autres. Ah, si Jean Sénac – du coin de nuage qu'il occupe désormais — pouvait lister, encore une fois, ses poètes ! Je disais donc que le président de la République est de retour. Et que « ceux de Blida » ont été acquittés. Le complot a fait psitt. Il n'y avait donc pas de complot. En tout état de cause, la justice les a lavés de cette accusation. Voilà, la tectonique des plaques fait et refait les équilibres. Et les déséquilibres. Je fais, bien sûr, une lecture naïve. Les spécialistes feront la leur, naturellement. Eux sont dans la stratosphère de la pensée stratégique. Perso, je suis terre à terre. Je préfère échafauder un poème, que de convoquer une quelconque théorie de l'équilibre des forces naturelles. Ih, le choix du vaccin s'est porté sur le Spoutnik. Il est de nationalité russe. Comme Gagarine l'était, à l'époque. Quoi ? Soviétique ? Bof, kif-kif ! Je remarque que les spécialistes de là-bas ont minoré les vaccins russe et chinois. C'est comme je vous le dis. A peine si ces spécialistes ne ricanent pas, quand ils font le hit-parade des vaccins en présence. J'ai vu ce mépris à la téloche. Pas une fois. Plusieurs fois, même. Une affaire de gros sous, me diriez-vous. Il y a ce fait. Mais il y a aussi le phénomène du complexe de supériorité. Pour le reste de la campagne de vaccination, c'est le flou total. Au fait, les vaccins ont-ils été acquis ? Combien ? A quelle date, va-t-on lancer l'opération ? Comment ? Quelle est la population ciblée, en priorité ? Les personnes vulnérables ? Les personnels de santé ? Les membres du gouvernement ? Je n'ai aucune idée, là-dessus. Puis, nous sommes en janvier. Tant que ça dure comme ça, tant que la population s'en méfiera. Il n'y a pas de campagne de lancer, me semble-t-il. Enfin, la raison a ses écœurements, que le cœur ne connaît pas. C'est une sentence à l'envers, je prends ce droit, nous sommes en 2021. D'un autre côté, on acquitte par-là, on emprisonne par-ci. S'il n'y a pas complot à ce niveau hiérarchique, il ne peut y avoir à un niveau citoyen. Ihi, je pense que la sagesse politique l'emportera, pour une fois. Et qu'on libère toute cette jeunesse, avide d'une Algérie nouvelle, qui ne doit pas rester une journée de plus en prison. C'est l'espoir que je formule pour cette nouvelle année ! La Constitution a été signée. La loi de finances, itou. Je ne peux pas faire l'exégèse de ces lois. Encore une fois, il y a des spécialistes, mieux outillés que moi, pour nous expliquer les tenants et les aboutissants. Je ne parle pas des spécialistes que je vois régulièrement à la téloche. Ce n'est pas du mépris. Seulement, je n'arrive pas à les suivre. Devant eux, je suis à mon niveau d'incompétence. Le principe de Peter, j'en veux. Autrement, je préfère lire un poème de Mohamed Dib. J'arriverai certainement à démêler les codes, à en faire une lumière dans ma caboche et à jubiler avec une quelconque métaphore. Il en sera de même pour tous les poètes. Et les écrivains, bien sûr. Le premier d'entre eux sera, à mon sens égoïste, Yasmina Khadra. Pour Sansal, je n'arrive pas à acquérir ses romans ; ils ne sont pas réédités localement. Et si 2021 allait nous offrir ce privilège ! J'ai entre les mains, en ce moment, le nouveau texte de Karim Akouche, La déflagration des sens, éd. F. Fanon, 2021, que je reçois, page après page, comme un uppercut au menton. Bien sûr qu'il y a la politique. Et ce qui se passe, ou se passera, dans notre pays. Je ne l'oublie pas. Je demeure toujours un algéro-désespéré. Je suis franc, désolé. Si je pouvais avoir une résidence d'écriture ailleurs, je pourrais toujours finir de fignoler mon recueil de poésie. Une poésie du sur-place. De la dérision. Et de la fin qui s'entrevoit. Enfin, on a eu de la neige sur les hauteurs. De bon augure ! Puis, les étourneaux ont voilé le ciel de leurs battements d'ailes, esquissant un air de musique aérienne, comme s'ils ont ramené dans leurs becs une once d'espoir. Y. M.