C'est le genre parfait de réunion qui donne lieu à toutes les supputations possibles, tellement les intérêts immédiats des uns et des autres diffèrent presque du tout au tout, entre, d'une part, des pays producteurs de pétrole ayant besoin en urgence de tirer profit de la courbe ascendante des prix, et d'autre part, des pays producteurs plus prudents qui préfèrent continuer dans la voie du sacrifice en coupant leur production jusqu'à rapprocher le plus possible le marché de l'équilibre tant recherché entre l'offre et la demande en ces temps où tous les gouvernements entreprennent de relancer leur économie. Les 23 membres de l'Opep+ se réuniront ce jeudi pour décider de ce qu'ils comptent entreprendre au-delà du mois de mars dans leur quête de la stabilisation du marché en premier lieu. Si l'on doit croire les avis de quelques-uns parmi les spécialistes les plus avertis, les membres de l'alliance constituée par les 13 membres de l'Opep et leurs 10 alliés conjoncturels menés par la Russie devraient alléger les réductions de production, c'est-à-dire que les 23 pourront augmenter leur production de pétrole, mais de combien de barils le marché sera quotidiennement renfloué, cela demeure une grande inconnue. L'autre interrogation qui agite les cabinets spécialisés a trait à la décision de l'Arabie Saoudite quant à sa disposition ou non de prolonger ses réductions volontaires après la fin du mois en cours, les Saoudiens qui avaient de leur «plein gré» coupé leur production d'un million de barils/jour en février et mars. Sur les intentions de ces derniers, le ministre saoudien de l'Energie, lors d'un forum international tenu alors que le prix du brut grimpait, avait recommandé «de la prudence et de la vigilance face aux évolutions du marché». En revanche, des intentions des Russes, l'autre grand «décideur» des 23 de l'Opep+, Youssef Al Shammari, l'expert et P-dg et directeur de la recherche pétrolière chez le cabinet londonien C. Markits, et surtout bien introduit dans les arcanes de l'Opep où il officiait comme chercheur, a laissé entendre, il y a deux jours, dans une contribution sur une publication américaine spécialisée, que la Russie s'apprête à peser de tout son poids pour «arracher» un accord pour une augmentation de la production de 1,35 million de b/j conformément à l'accord initial qui avait été mis entre parenthèses au début de cette année. «Le vice-Premier ministre russe Alexander Novak a indiqué à plusieurs reprises que les marchés pétroliers sont actuellement en équilibre, ce qui implique que les producteurs devraient restituer l'offre qui est actuellement bloquée sur les marchés.» En d'autres termes, les pays producteurs devraient voir leur production augmenter selon les quotas déterminés. On rappellera que selon l'accord signé en avril dernier, qualifié d'historique, la production du groupe devait augmenter de 2 millions de barils par jour à compter de janvier, mais les pays producteurs regroupés dans l'Opep+ ont jugé qu'il était encore trop tôt pour remettre sur le marché 2 millions de barils en raison d'une demande encore bien en deçà de ce qu'offre le marché et des perspectives pas très brillantes quant à la demande. L'embellie de ces dernières semaines sur les prix a ouvert bien des «appétits» de certains producteurs qui tenaient à ce que leur quota de production soit revu à la hausse. Finalement, les 23 ont convenu d'une hausse de production de 500 000 barils qu'ils devaient répartir en tenant apparemment compte de l'effort consenti par chacun lors des coupes précédentes. C'est ainsi que la Russie et l'Arabie Saoudite, les deux leaders de l'Opep+, avaient accepté de baisser leur production de 2,007 millions de barils entre août et le mois de décembre de l'année dernière. Un accord qui avait enjoint à l'Algérie de couper de sa production 193 000 depuis août jusqu'à la fin de l'année 2020. Puis, la révision de l'accord entérinée au début du mois de décembre, a permis à l'Algérie d'augmenter sa production de 12 000 barils par jour et verra ainsi sa production quotidienne globale passer à 876 000 barils. Ceci avant le très difficile consensus trouvé lors de la réunion de début janvier dernier lorsque, après un véritable bras-de-fer entre, d'une part, la Russie et, de l'autre, l'Arabie Saoudite, le Koweït et l'Algérie, il a été décidé que ce sont 7,125 millions de barils par jour (mbj) qui ont été retirés du marché en février alors qu'en mars, ce volume sera de 7,05 mbj. Un accord à la Pyrrhus qui a fait qu'en février dernier la production de pétrole des pays de l'Opep+ ne devait augmenter que de 75 000 barils par jour, un plus de production que se sont partagé la Russie et le Kazakhstan. Ledit accord stipulant également que le niveau de production de mars verra une augmentation supplémentaire de 120 000 barils par jour par rapport aux niveaux de février, soit 195 000 b/j par rapport aux niveaux de janvier. Il reste à savoir maintenant si la remontée spectaculaire des prix n'a pas ouvert l'appétit des 23 pays, du moins certains d'entre eux qui n'en ont cure des incertitudes qui pèsent encore sur le marché. Azedine Maktour