L'utopie a ce quelque chose de rassurant dès lors qu'elle agit comme un antidote sur les rêves inachevés, les occasions manquées, a fortiori s'agissant de grandes nations. Faire la sourde oreille aux nécessités de changement pour une meilleure adaptation aux exigences de l'heure recèle en soi les ingrédients détonants d'une potentielle crise. Le changement climatique qui donne lieu à une controverse infinie du fait même des intérêts colossaux en jeu, met en exergue le poids des multinationales empêtrées dans leur logique de gains et de conquête de marchés partout où la demande peut se manifester ou au besoin la susciter. C'est de la nature même du capitalisme porté à son niveau supérieur. Au Chili de Salvador Allende, en 1973, la multinationale américaine, United Fruits, a démontré sa terrible capacité d'influer sur la vie d'un pays, y compris dans le sang. Deux pays d'Amérique du Sud (Salvador et Honduras-Juillet 1969) sont entrés en guerre à cause d'un banal match de football. En Egypte, l'équipe nationale a failli être lynchée par des supporters instrumentalisés et chauffés à blanc. Lorsque les Etats s'en mêlent, cela échappe à tout contrôle. Malgré Oumdourman (2009), les excuses feintes ou réelles, le traumatisme est resté. Nos vaillants Fennecs (soit dit en passant que l'expression est, de notre défunt collègue, journaliste sportif, Lakhdar Ezzine) sont attendus demain à Marrakech dans un climat de tension politique exacerbée. Personne ne veut revivre le très mauvais feuilleton égyptien car, il y a là aussi de malheureux signes d'inquiétudes. Malgré cette crise, Maroc et Algérie sont condamnés, à défaut de s'entendre sur tous les dossiers, d'instaurer une entente cordiale. C'est le minimum. Cela signifie la faillite de toutes les expériences d'union passées dans le style UMA (Union du Maghreb arabe) et d'autres initiatives. À l'évidence, il se pose un vrai problème de revoir (réformer) la vision passée post-indépendance qui a prévalu dans les relations entre les pays de cette partie de l'Afrique du Nord. Sans se renier. La transparence doit être de mise, condition cardinale pour qu'à la base il y ait la confiance. Les égoïsmes nationaux doivent céder la place au réalisme politique où tout le monde trouve son compte. Il est vrai qu'il y a un déséquilibre évident dans les potentialités de chacun. C'est la volonté consensuelle de s'inscrire dans une perspective commune qui peut assurer une intégration multiforme à long terme. Toutefois, l'état des lieux ne pousse pas à l'optimisme au regard de l'actualité du jour. Kaïs Saïed, le Président tunisien, s'est emmuré dans la solitude ; «M6» du Maroc s'est engagé (malgré lui, dirions-nous?) dans une démarche suicidaire en s'alliant avec l'Etat sioniste ; en Algérie, l'Etat d'instabilité politique récurrent accapare toutes les attentions. Quelle chance alors pour la construction, à moyen ou long terme, d'un ensemble intégré, fiable, pour les peuples de la région que tout rassemble à première vue. Un constat amer : les élites susceptibles de constituer une alternative, une force de proposition ont été laminées par la répression, paupérisées. Elles sont devenues, pour une grande part, plus préoccupées par leur survie matérielle et donc facilement récupérables par les maîtres du moment. Sans changement majeur, toute cette partie de l'Afrique est menacée d'implosion. Quant à la guerre, c'est là un vocable à bannir car il y a plus à perdre qu'à gagner. Brahim Taouchichet