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Les «piétinés» de L'Immeuble Yacoubian
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 01 - 2022

La semaine dernière, je vous ai parlé des vidéos très intéressantes que l'écrivain égyptien Ala Al-Aswani publiait depuis quelque temps sur Facebook et où il fustigeait les travers de la société. J'avais évoqué un sujet bien particulier, de ceux qu'affectionne l'auteur de L'Automobile Club, à savoir ces Egyptiens naïfs, démunis de tout esprit critique et gobant tout. Réservant ses traits les plus acérés au gouvernement de son pays, Al-Aswani, que l'on pourrait appeler l'orphelin de la révolution de 2011, dénonce régulièrement les atteintes aux libertés. Pour bien marquer ses distances avec le régime, il conclut régulièrement ses vidéos par le slogan «La démocratie est la solution», pour bien signifier qu'on est encore très loin du compte. Dans une de ses récentes vidéos où il dénonçait le traitement réservé aux principaux animateurs de la révolution, l'écrivain affirmait que pour ce régime, ils étaient l'ennemi principal. «Contrairement à ce qu'on peut croire, disait-il, ce sont les figures marquantes de la révolution qui sont ses adversaires, et non pas les Frères musulmans, avec qui il est prêt à négocier». Comme s'il l'avait entendu et qu'il voulait lui donner raison, le gouvernement a fait libérer vendredi dernier, veille du Nouvel An, l'une des égéries féminines de l'islamisme, Olla Karadhaoui.
Dans la famille de Youssef Karadhaoui, prédicateur et sommité religieuse du mouvement, l'islamisme est un métier qui se transmet de père en fils, ou fille, comme c'est le cas d'Olla. C'est donc naturellement que cette dernière est entrée dans la carrière, sans attendre que son géniteur n'y soit plus, et qu'elle a fait carrière dans le mouvement intégriste jusqu'à finir en prison. Ala Al-Aswani peut donc interpréter cette libération comme la confirmation de son propos, alors que les médias en général la voient comme un premier geste de l'Egypte envers le Qatar. Quant à chercher l'origine de tout ça, les petits pas vis-à-vis de la Turquie, la réconciliation entre l'Egypte et le Qatar, et d'autres faits, la réponse tient en trois mots et une particule : «Les Accords d'Abraham.» On peut se demander d'ailleurs si ces accords n'annoncent pas la nouvelle Ur du «Grand Moyen-Orient» dont rêvent les stratèges de Washington. Surtout lorsque se multiplient les gestes amicaux des pays arabes et africains, en faveur des nouvelles alliances, lourdes de menaces, que noue Israël aux frontières ouest de l'Algérie. Même le furieusement islamiste en discours, Erdogan, a écarté ses règles rigides de la finance islamique en autorisant le système bancaire de la Turquie à relever ses taux d'intérêt. Avec Israël, la tendance est aussi à la hausse.
Quant aux Palestiniens, ils peuvent encore invoquer Dieu, et lui demander de les garder de leurs amis, et surtout de ceux qui prétendent être leurs frères, à la fois de race et en religion. Et vous comprendrez pourquoi notre ami Ala Al-Aswani s'oppose à la fois aux islamistes et aux régimes arabes qui vivent encore des automnes ensoleillés après avoir vécu des printemps turbulents. Mais il n'y a pas que des exposés des motifs chez l'auteur de Une république comme si,(1) l'un de ses romans le plus récent et qu'il a consacré aux acteurs de la révolution tels qu'il les voit. Mais le romancier nous entraîne aussi souvent dans l'histoire ancienne et plus récente de l'Egypte en nous proposant des faits, tel un conteur de merveilleux et aussi des références. Prouvant ainsi qu'il a été un grand lecteur, avant de devenir l'écrivain renommé que nous connaissons, Ala Al-Aswani nous raconte une page d'histoire concernant la superstition. Elle est l'apanage de certains âges de l'Islam, comme elle l'est aujourd'hui, mais la superstition, étouffée par le savoir et ses progrès, s'est répandue par l'action des prédicateurs islamistes. Pour illustrer ce phénomène du déni, accompagné de dissimulation, tel qu'ils se pratiquent de nos jours, l'écrivain nous parle d'une confrérie assez influente dans l'Egypte du XIXe siècle.
Il s'agit des «Ahl Al-Doussa», ou la confrérie des piétinés, appelée ainsi parce que ses adeptes se faisaient sciemment piétiner par un cheval et son cavalier qui n'était autre que le maître des lieux. Cela se passait ainsi : les adeptes allongés tête-bêche sur le sol de leur zaouïa se faisaient sciemment piétiner par un cheval et son cavalier, leur cheikh, convaincus que leurs incantations les protégeaient. Le plus effarant dans toute cette sinistre cérémonie, c'est que les survivants, et/ou les autres adeptes qui participaient avec leurs invocations enterraient ensuite les morts en cachette. Il s'agissait, en effet, de perpétuer la croyance que la confrérie était en communion si étroite avec la divine providence que ses adeptes étaient insensibles aux sabots du cheval du cheikh. Ce rituel tragique se passait au vu et au su des autorités de l'époque et même d'Al-Azhar qui n'ignoraient rien des dessous de ces étranges cérémonies qui relevaient du charlatanisme.(2) Seulement, les dirigeants de l'époque tenaient tellement à leurs positions qu'ils ne se hasardaient jamais à critiquer ces pratiques ou à les interdire, de peur d'être taxés d'ennemis de l'Islam. Cependant, ce rituel mortel du piétinement a pris fin d'une façon tout à fait inattendue, nous dit Ala Al-Aswani: tout a commencé ou fini d'abord avec la mort du fameux cheval tueur.
Quelques jours après, c'est son cavalier, le cheikh de la confrérie, qui est décédé à son tour. Les autres cadres de la confrérie ont vu dans ces deux morts un signe du ciel, et comme ils avaient eux aussi un fond de superstition, ils ont décidé d'arrêter leur cérémonial en 1881. Ce n'est que des années plus tard que les cheikhs opportunistes d'Al-Azhar ont publié une fatwa proscrivant ces rituels comme n'ayant rien à voir avec l'Islam. Comme ils le feront sans doute, et toujours par opportunisme, dans quelques décennies pour certaines pratiques de charlatans abusivement regroupés sous le label «médecine prophétique».
A. H.
1) Djemhouria ka Enna le titre arabe a été traduit en français par Gilles Gautier, et sans doute à la demande des éditeurs par J'irai courir vers le Nil.
2) Pour en savoir plus sur cette confrérie, Al-Aswani conseille deux ouvrages: l'un en arabe, et d'un auteur connu, Said Mekkaoui Al-Kahera ouama fiha (Le Caire et ce qu'elle recèle), ainsi que le livre assez épais d'Antoine Clot Aperçu général sur l'Egypte. Le premier est disponible au format Kindle sur Amazon, le second en version arabe est en téléchargement libre.


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