Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Allocutions compass�es destin�es � mettre en exergue son r�le positif, petits-fours et table ouverte pour les recevoir, accolades souriantes et pr�sents pour sceller la communion avec la puissance publique : la presse �tait la �guest star� en ce 3 mai. Entour�s de tant de sollicitude � l�occasion de la c�l�bration de leur journ�e, il ne manquait aux journalistes que la larme � l��il pour exprimer leurs attendrissants remerciements. C�est ainsi, du moins en province, que la tr�ve fut scell�e ce jeudi entre les �fouilles m��, ces plumitifs imp�nitents et l�autorit� officielle qui, perp�tuellement, les tient en haute suspicion. Un moment d�apaisement dont on sait pourtant qu�il n�est dict� que par le contexte seulement. En tout cas, il est loin d��tre un signal fort de la part du pouvoir politique au sujet duquel certains pensent � tort qu�il serait mieux dispos� de nos jours � lever les contraintes sur les journaux et ouvrir � la pluralit� le champ audiovisuel. En effet, d�une ann�e � l�autre, rien n�a indiqu� qu�il d�sirait inscrire dans les promesses de r�forme celles qui concernent la censure rampante et indirecte qu�il continue � exercer sur la libert� de la presse. M�me s�il est admis que ses injonctions sont moins inquisitoires qu�elles ne l��taient en 2004, au moment de l�incarc�ration de Mohamed Benchicou, n�anmoins ses pressions � distance et par d�autres proc�d�s contribuent � l�entretien du m�me contentieux que lui impute cette corporation. C�est que cette derni�re ne s�abuse gu�re de ce miroir o� viennent se refl�ter ces libert�s de ton qui caract�risent certains journaux iconoclastes. Car la presse et l�Etat ne peuvent, par la nature m�me de leurs vocations respectives, faire bon m�nage mais tout au moins exister en parall�le dans le strict respect de l�ind�pendance de l��crit ou de tout autre outil de la m�diation. Or, l�on sait que le pouvoir en Alg�rie a de tout temps interf�r�, voire a dict� des feuilles de route et jusqu�� imposer des lignes rouges. Etant plus ou moins sous haute surveillance, selon les besoins du r�gime en place, les journaux notamment doivent en permanence slalomer � travers les �desiderata � secrets afin d��viter le pire pour leur existence. C�est que l�Alg�rie est parvenue � �tre per�ue, aussi bien ici qu�hors de ses fronti�res, comme un pays inclassable selon les normes d�mocratiques. Une ambigu�t� dans son identification qui complique la mani�re de poser la probl�matique des libert�s. En effet, ce qu�il y a, par exemple, de �confortable � (?) dans une dictature s�assumant � ciel ouvert, ce sont les r�gles de soumission qu�elle �dicte et impose comme des lois d�airain. A son ombre, il n�y a presque jamais de proc�s en sorcellerie journalistique puisque l�opinion et la chose imprim�e se dissolvent dans la pens�e univoque. Et si parfois cette qui�tude mortif�re vient � �tre troubl�e par quelques tracts col�reux, la police politique est l� pour avorter dans l��uf les pr�mices d�une contestation. Dans ce genre de r�gime, cela se passe ainsi. Autant dire que la logique du despotisme n�a nul besoin de la com�die des tribunaux. A l�inverse de l�autoritarisme, reconnaissable � sa capacit� de �normaliser� en amont, la d�mocratie, elle, a besoin des tribunaux pour l�arbitrage en toute ind�pendance entre ce qui rel�ve de l�imp�ratif droit d�informer et ce qui est reconnu comme appartenant � la sph�re priv�e qui n�a pas droit d��tre cit�. Cependant, cette dualit�, dictature-d�mocratie, est somme toute trop sch�matique. Car il peut exister une troisi�me cat�gorie de r�gime, lequel, sans pratiquer le corset plomb� sur les libert�s, n�a toutefois pas la bonne r�putation que l�on attend de lui. Il serait en quelque sorte une hybridation des r�f�rences classiques qu�il pr�tend incarner au nom de la �transition d�mocratique� � dose hom�opathique. Et c�est pr�cis�ment le cas du r�gime actuel qui serait l�incarnation de cette sage tutelle. Or, l�inconfort d�exister sans cette ambigu�t� qui dure est de nos jours ressenti par la presse comme un fait de prince qui n�aime gu�re l�arbitrage clair du droit. M�me si le mode op�ratoire commence � changer avec le nouveau code p�nal et la derni�re loi organique rien, cependant, n�indique que l�on s�achemine clairement vers une r�elle �mancipation et un saut qualitatif dans le domaine de la communication. Les tergiversations relatives au d�verrouillage des m�dias lourds t�moignent du contraire. Apr�s un classement peu brillant au plan international (133e), nos dirigeants peuvent-ils encore s�offrir le luxe de la d�n�gation ? Autrement dit, la d�rive liberticide fait encore des d�g�ts quand bien m�me elle est, quelque part, att�nu�e par l�abolition du recours infamant aux tribunaux. Sauf que ce coup d�arr�t � l�embastillement ne peut �tre consid�r� comme une lev�e d��crou r�elle sur les libert�s. Et c�est cet effort qui est exig� du pouvoir par les journalistes.