Daho Djerbal vient de publier aux �ditions Chihab un int�ressant ouvrage consacr� � la lutte arm�e du FLN en France. Ce travail historique est d�autant plus remarquable qu�il traite d�un sujet in�dit. L�auteur cible, en effet, l�Organisation sp�ciale, une structure dont les acteurs-t�moins, femmes et hommes, ont �t� �les oubli�(e)s de l�histoire�. En mettant sous les projecteurs des m�moires individuelles dont il encourage la lib�ration par la parole, l�historien de m�tier fait donc �uvre de pionnier tout en rendant justice aux membres de la Sp�ciale. En plus d�avoir recueilli les t�moignage des principaux acteurs, le chercheur relate les faits, d�cortique les �v�nements de l��poque tout en les situant dans leur contexte historique. Cette �criture � la fois synchronique et diachronique de l�histoire permet � Daho Djerbal de garder un raisonnement critique et une ind�pendance d�esprit, tout en op�rant le n�cessaire recul par rapport � l�histoire. Avec un travail aussi rigoureux, riche et bien document�, le lecteur a entre les mains un excellent ouvrage historique. Rien � voir avec la m�moire s�lective, filtr�e que proposent les historiens �organiques � et h�t�ronomes rest�s attach�s au dogme officiel et � la langue de bois. L�autre int�r�t de ce livre volumineux, en plus des �clairages qu�il apporte � beaucoup de zones d�ombre (dont l�Organisation sp�ciale elle-m�me) et de la mise en relief d�une multitude de personnages et d'�v�nements, c�est qu�il est �crit dans un style simple, alerte qui en rend la lecture agr�able. En empruntant aux techniques du romancier, Daho Djerbal facilite l��coute de sa pi�ce vocale � deux voix (la parole de chacun des acteurst�moins et la sienne propre lorsqu�il raconte la grande histoire). La rencontre de l�auteur avec les membres de la Sp�ciale a eu lieu en 1984. C��tait le tout premier contact avec ces �d��us� parmi beaucoup d�autres, eux �qui avaient �t� priv�s de parole� depuis 1962. S�ensuit une �sorte de reconnaissance que la plupart des acteurs-t�moins manifestaient. Ils se voyaient aborder pour la premi�re fois par quelqu�un dont le projet �tait de les �couter et d�enregistrer leur parole. Ces oubli� (e)s de l�histoire allaient y entrer par la grande porte. C�est un sentiment prodigieux que de voir ces hommes et ces femmes comme r�concili�s avec euxm�mes et r�habilit�s aux yeux des g�n�rations futures�. Pour l�historien, la t�che est noble mais s�annonce ardue et complexe. Il y a l� tout un terrain vierge � d�fricher, des sensibilit�s � ne pas heurter, des ressentiments et des frustrations accumul�s dont il faut �viter le pi�ge...Tous ces gens, � qui on a r�serv� une part insignifiante dans l�histoire de la F�d�ration de France du FLN, sont en outre victimes d�un contentieux non r�solu : sontils membres de l�OC FLN ou de l�ALN ? Sur cette question de statut, ils sont unanimes pour dire qu�ils �taient des djounoud de l�ALN�. Tout au long de son livre, Daho Djerbal s�efforcera alors de faire �uvre d�historien, et seulement d�historien, sans �tre le porte-parole des revendications des uns et des autres. Il y r�ussit parfaitement. Il commence son �tude en 1984-1985, l'interrompt provisoirement, la reprend et l�ach�ve bien des ann�es plus tard. La satisfaction du travail accompli laborieusement et de fa�on rigoureuse lui feront dire � propos de la Sp�ciale : �Je demeure convaincu que les t�moignages des principaux acteurs apporteront des �clairages sinon des faits que ni les rapports de la F�d�ration de France du FLN ni ceux de la police fran�aise n�ont r�v�l�s�. Daho Djerbal entame ce travail de fond en dressant un tableau du contexte historique et politique de l��poque. �Les ann�es qui pr�c�dent l�apparition de l�OS en France, rappelle-t-il, ont �t� celles de l�affrontement sanglant entre les fr�res ennemis du mouvement national. D�s avant la d�claration de novembre 1954, les divergences n�es en Alg�rie au sein du MTLD entre messalistes et centralistes trouvent leur prolongement au sein de l��migration en France.� Par la suite, les militants du FLN ont �t� combattus par leurs propres fr�res en plus d��tre r�prim�s par les autorit�s fran�aises. Apr�s cette terrible �preuve (la p�riode 1955-1956) qui apporte son lot de tu�s et de bless�s, le FLN sort finalement vainqueur. Cependant, �le grand tournant est en fait l��cho que va avoir la gr�ve des 8 jours du 20 janvier 1957. Au lendemain de cette action spectaculaire, une grande partie de l�immigration bascule dans la sph�re d�influence du FLN�. Sur le plan strat�gique, apr�s le 13 mai 1958 (cr�ation � Alger du �comit� de salut public� par le g�n�ral Massu, arriv�e du g�n�ral de Gaulle � la t�te du gouvernement), l��tau se resserre sur l�ALN. L�unit� des rangs de la r�volution est menac�e, surtout que des crises successives agitent la direction politique (assassinat de Abane Ramdane et autres ex�cutions, probl�mes de leadership...). D�o� la d�cision d�ouvrir un second front en territoire fran�ais. En fait, pr�cise l�auteur, cette d�cision �a �t� prise une seconde fois au d�but de l�ann�e 1958 mais cette fois-ci pour des raisons li�es � la survie de la R�volution�.Les t�moignages et les documents d�archives l�attestent : le deuxi�me front a �t� ouvert � la fin de l�ann�e 1956, avec la cr�ation de l�Organisation sp�ciale. Celle-ci souffre, � ses d�buts, de l�improvisation et du manque d�efficacit�. C�est alors que, en f�vrier-mars 1957, la direction du CCE � Alger d�cide de �mettre sur pied une v�ritable organisation paramilitaire�. La nouvelle OS est n�e et, � partir de l�, Daho Djerbal nous entra�ne dans une histoire passionnante, palpitante, o� la r�alit� d�passe parfois la fiction. Cette histoire, ce sont des hommes et des femmes qui la font, avec leurs forces et leurs faiblesses, leur courage et leur foi, mais aussi leurs doutes, leurs erreurs et leurs petites l�chet�s... Pendant ce temps, l�historien d�m�le son �cheveau, en d�roule les fils, multiplie les pistes de lecture et suit pas � pas la trajectoire de chacun des acteurs et t�moins. Tout est pass� au peigne fin : le d�coupage g�ographique, le renseignement, la logistique, la formation des commandos, les r�seaux de soutien, l�action (dont les actions spectaculaires contre Jacques Soustelle, la bombe de la tour Eiffel), la r�pression, la d�tention, etc. jusqu�� l�exil aux fronti�res et le retour au pays. Entre-temps, l�historien a effectu� une halte (dans la quatri�me partie du livre) pour nous dire les origines des hommes et des femmes de la Sp�ciale (dont �le cas tr�s particulier des femmes�). A la fin de l�ouvrage, �les derni�res salves� et... la rentr�e dans le rang apr�s l�ind�pendance. Int�gration et r�insertion difficiles, d�senchantement et retour � l�am�re r�alit�. �Tous finiront par d�couvrir qu�il appartiennent non au parti des vainqueurs mais � celui des vaincus�, conclut l�auteur. En annexes, l�ouvrage est enrichi par des documents d�une grande valeur historique et m�morielle, dont la liste des combattants ayant suivi un stage de formation militaire au Maroc, un index des noms, une chronologie qui s��chelonne d�octobre 1946 au 13 mars 1962 (date de la signature des accords d�Evian). Un livre d�une grande valeur historique. Hocine T. Daho Djerbal , L�Organisation sp�ciale de la F�d�ration de France du FLN. Histoire de la lutte arm�e du FLN en France (1956-1962), Chihab Editions, Alger 2012, 448 pages, 800 DA.
