Par Kader Bakou Il était une fois en Algérie, un temps que les moins de vingt-cinq ans ne peuvent pas connaître. En ces temps-là, l'imam de la mosquée était l'homme le plus respecté du quartier, bien que les gens qui faisaient la prière fussent une minorité et la plupart des personnes âgées. Le pilier de bistrot du coin, quand il rentrait ivre le soir, changeait son chemin par respect s'il voyait de loin l'imam qui arrivait sur le même trottoir que lui. L'imam, de son côté, même s'il se retrouvait nez-à-nez avec l'éméché, le saluait et continuait son chemin tout en faisant semblant de n'avoir rien remarqué. Un des rares jeunes qui faisaient la prière et un jeune «buveur» se sont retrouvés dans la même caserne, passant leur service militaire. L'un est devenu «l'imam» de la mosquée à l'armée et l'autre est devenu sergent tout en continuant à «picoler» de temps en temps. Un jour «El Sergène» est allé voir son ami l'imam. Il lui dit : «J'ai entendu l'adhan tout à l'heure. Je pense que le muezzin prononce mal certains passages de l'adhan, ce qui modifie son sens.» Le sergent cite les passages en question. L'imam est d'accord avec lui et le remercie pour ces «pertinentes remarques » qui redonnent tout son sens au message de l'adhan. En Algérie est venu un temps que beaucoup de nous ont connu. En ce temps-là que beaucoup de nous ont connu, un vieux SDF achetait de temps en temps une bouteille de «El Rouge» (vin rouge) qu'il allait boire au fin fond d'un terrain vague, loin des regards des passants. Un jour, un «akh» (frère islamiste) qui passait par hasard l'a roué de coups avant de fracasser sa bouteille de vin. Depuis ce jour, chaque fois qu'il passait par le quartier le jeune et corpulent «akh» allait vérifier si le vieil SDF n'était pas en train de boire du vin au fond du terrain vague. Chaque fois qu'il trouvait une bouteille de vin près du vieil homme, il le roue de coups et fracasse sa bouteille, avant de le menacer d'une plus sévère correction, s'il le retrouve en train de boire des boissons alcoolisées. Des fidèles de la mosquée et des habitants du quartier lui ont fait remarquer qu'il n'as pas le droit de maltraiter de la sorte le vieil homme d'autant plus qu'il connaît sa dure existence de SDF. Le «akh» ne veut rien entendre et promet de le «punir» chaque fois qu'il le trouve en train de boire du vin. Un jour et après une autre sévère «punition», le SDF lance en direction de la brute : «Allah yaâtik hebba fi rassek !» (Que Dieu te donne un bouton (ou une balle) à la tête). C'était le temps du terrorisme. «Le akh» rejoint un groupe terroriste de sa région. Quelques mois plus tard, une balle lui effleure la tête, lors d'un accrochage avec les forces de sécurité. Blessé, il est évacué en urgence vers l'hôpital du quartier où il exerçait la «hogra» sur le pauvre SDF. Sa blessure à la tête s'est infectée et les médecins n'ont rien pu faire pour la soigner. Après une dizaines de jours, le «akh» est mort victime d'une balle qui a provoqué une «hebba» dans sa tête ! K. B.