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Les choses de la vie
Avoir 20 ans à Aflou
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 11 - 2014


Par Maâmar Farah
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Je roule. Encore une fois, je suis dans une bagnole qui roule au milieu d'une campagne dévastée par la sécheresse. Les paysages que je traverse, je les connais très bien et jamais, au grand jamais, ils n'ont été aussi désolés, aussi pâles qu'en cet automne. Généralement, en cette période de l'année, la verdure est au rendez-vous. Parfois bien vivace, omniprésente. D'autres fois naissante, balbutiante, annonçant cette herbe grasse qui fera le bonheur des bovins et des amoureux des belles randonnées. Mais jamais, à quelques jours de décembre, la nature n'a été aussi terne : pratiquement rien n'arrive à pousser sur ces terres peu arrosées. Seules quelques herbes sauvages et ronceuses, déshydratées par les rayons brûlants d'un soleil hors normes, arrivent à briser la monotonie fauve... Je roule et je réalise que la sécheresse est un phénomène cyclique en Algérie et qu'elle ne fait que revenir avec force, consolidant sa présence partout. Je réalise, en même temps, que la steppe avance sur les terres du Nord et qu'elle ramène, dans ses bagages, un climat fait d'extrêmes. Je roule comme j'ai roulé jadis sur des routes presque vides. Et je pense à ce que l'on aurait pu faire pour éviter cette catastrophe naturelle, une de plus, qui s'abat sur nous. Je pense surtout à ce que nous avions commencé à faire pour stopper l'avancée du désert et que nous n'avions pas terminé. Je roule et je crois rouler vers El-Bayadh, à la recherche d'un groupement du service national chargé du Barrage vert. Là-bas, au milieu de l'horizon, quelques baraquements. Des hommes, peu de matériels. Mais une organisation parfaite. Quelques jeunes creusent des trous dans ce paysage nu où seules quelques touffes d'alfa sortent leurs têtes de sous terre. Ils préparent les potées pour le lendemain. Et quand le beau soleil de la steppe caressera les crêtes au lointain, d'autres jeunes seront au rendez-vous pour planter des arbres dans les trous. Des milliers d'arbres. Des dizaines de milliers. Des centaines de milliers. Des dizaines de millions... Une muraille qui va de la frontière marocaine à la frontière tunisienne. Ceux qui ont conçu le projet ont mis leur génie pour que tout soit au top. D'abord, le tracé. Lorsque je suis passé d'El-Bayadh à Aflou pour visiter le second groupement, j'avais remarqué que le Barrage vert se maintenait à la même latitude. Mais, après Djelfa, le tracé remontait subitement vers le nord, avant de poursuivre vers M'sila. L'explication est toute simple : le Sahara, capricieux, s'est hasardeusement avancé pour encercler Bou-Saâda qui est certainement l'oasis la plus septentrionale d'Algérie. Et les stratèges du tourisme qui avaient fait de cette cité un pôle de premier plan ne s'étaient pas trompés : c'est la ville saharienne la plus proche d'Alger et, outre ses attraits naturels, un certain Nasredine Dinet y a vécu !
J'ai roulé d'El-Bayadh vers Aflou avec les images de la veille incrustées dans ma tête. J'avais visité la pépinière où des appelés du service national qui ne connaissaient rien aux arbres ont tout appris sur l'art de les faire pousser. J'avais parlé aux ingénieurs agronomes qui les encadraient, aux rares soldats de l'armée qui n'étaient pas des appelés. A l'officier chargé du groupement. J'étais impressionné par l'organisation des tâches, l'utilisation des moyens propres au campement et l'enthousiasme qui animait tous ces jeunes. Quand je relis le reportage que j'ai écrit à l'âge de 26 ans, je trouve que l'esprit révolutionnaire qui s'en dégage peut paraître démagogique pour des lecteurs ayant appris à lire des textes plus posés, plus académiques, plus réfléchis, plus raisonnés. Ecrits avec la tête et pas seulement avec le cœur. Mais je crois que 38 années après avoir écrit ces lignes, je ne regrette rien. Parce que je n'avais rien inventé. Peut-être même que ma pauvre plume n'était pas à la hauteur de la grandeur de ces hommes qui, avec leurs mains nues, tentaient de faire reculer le désert ! Je n'avais vu cela qu'en Chine, à l'époque de Mao Tsé Toung. Mais là-bas, j'avais remarqué que les ouvriers ne souriaient pas et que seule la propagande du Parti communiste trouvait qu'ils accomplissaient ce travail dans la joie et la satisfaction d'avoir servi les grandes tâches du prolétariat.
A El-Bayadh, ce n'étaient pas des ouvriers et ce n'était pas le «camp de travail» que j'avais visité en Chine. Les jeunes qui s'y trouvaient faisaient simplement leur service civil. Mais, en ces temps-là, le sens du sacrifice et l'attachement à l'esprit révolutionnaire, hérités de la Révolution armée, étaient encore vivants chez la génération de l'indépendance. Des sentiments et des comportements qu'il est difficile de comprendre aujourd'hui : la Révolution s'est éloignée, le système a changé et la société s'est métamorphosée, passant de l'altruisme, la générosité, le progressisme, l'intégrité morale à leurs contraires. L'égoïsme, la filouterie, l'amour de l'argent, l'obscurantisme ont mis fin à tous nos rêves. Pire, nos cauchemars de cette époque prennent corps devant nous. Nous vivions de notre travail. Nous vivions d'amour, de fraternité, de belles rencontres, de passions culturelles, de riches débats intellectuels et politiques. Nous savions apprécier ce qui était beau et les valeurs esthétiques étaient primordiales dans toute création. Hélas, en 2014, le quidam n'arrive plus à faire la différence entre une maison affreuse et une architecture de classe ! Autour de nous, ces n'importe quoi grisâtres de béton mal finis, avec des balcons moches comme tout qu'on n'ouvrira jamais, se multiplient à l'infini dans ces quartiers qui se mordent la queue au milieu de la désolation totale !
Cette longue digression me ramène à la voiture qui roule et au spectacle calamiteux d'une nature en deuil. Je souris. Je crois entendre des chansons des jeunes du campement d'Aflou qui, au sortir du cinéma, se dirigeaient par groupes vers la maison de tolérance. Il n'y en a plus à l'époque de l'intolérance. Certains iront prendre quelques bières. D'autres se dirigeront vers la mosquée. C'était ça l'Algérie de ma jeunesse. Des héros de vingt ans qui bataillaient contre le plus grand désert du monde. Sans peur. Avec des chansons, de la joie, du bonheur. D'ailleurs, j'avais titré l'épisode du reportage, consacré à ce campement : «Avoir 20 ans à Aflou...»
Les mêmes scènes se renouvelèrent dans les campements de Djelfa, M'sila, Barika et Tébessa. Je roule et la voix de Dahmane El Harrachi, un CD fétiche qui ne me quitte jamais dans mes déplacements, me tire quelques larmes. Non, ce n'est pas la nostalgie. Ce n'est pas la sécheresse implacable. C'est notre incapacité à lutter contre ce qui nous est imposé par la nature, par l'ordre mondial inique, par les gens qui nous dirigent, qui me rend triste. Il fallait certainement être fou pour croire qu'une œuvre à la dimension de l'homme pouvait arrêter le Sahara. L'idée même était géniale. Mais, pour que tous ces arbres poussent convenablement, il aurait fallu penser à l'entretien de la forêt. Or, les campements ne duraient que le temps de la plantation. J'avais posé la question à la fin de la sixième partie de mon reportage. Qui fera le boulot ? Il aurait fallu une autre armée de gardes forestiers et d'ouvriers spécialisés...
Cependant, le taux d'échec des plantations n'avait pas atteint des taux alarmants. Le Barrage vert a fait ce qu'il a pu pour limiter l'avancée du désert. Mais l'action de l'homme nous a ramenés à la case départ : les labours dans la steppe, interdits à l'époque, sont autorisés ; les troupeaux d'ovins se multiplient sans tenir compte de la capacité des terres steppiques à les nourrir ; une exploitation intensive, à la limite de l'usure, de tous les éléments naturels accélère l'avancée du sable ; au nord, on ne reboise plus avec la même vitesse pour créer d'autres barrières ; enfin des éléments extérieurs agressent le climat planétaire. Je roule et je réalise que tout ce que nous pouvons faire, c'est une prière pour la pluie. Mais vous remarquerez qu'elle n'est jamais faite spontanément, au plus fort de la sécheresse. Ils attendent l'annonce du mauvais temps (les prévisions se font maintenant sur un mois) pour lancer la «Salat El Istisqa». Ils n'ont pas confiance en Dieu et ils trouvent même le moyen de tricher avec Lui aussi !


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