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Tendances
Les nouvel'z' ans et les écrivains
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 01 - 2015


Youcef Merahi
[email protected]
En Algérie, les nouvel'z'ans se suivent et ne se ressemblent pas. Nous sommes au moins riches de cela. Puisque nous disposons de trois nouvel'z'ans. Il y a d'abord le nouvel an chrétien, communément appelé année universelle, fêtée chaque veille du premier janvier par un réveillon riche en couleur, en boustifaille, en danse, en bruit, en bousboussate, en kouhoul et en furie. Ce nouvel'z'an est pratiquement la copie conforme dans ce qui se passe outre-Méditerranée. De ce fait, cette pratique est fustigée par les garants d'une morale rigoureuse. Ce nouvel'z'an n'est pas le nôtre ! Alors pourquoi le fêter dans des proportions qui attentent à la religion ? Du reste, j'ai vu moins de bûches cette année et moins de vitrines commerçantes badigeonnées du sempiternel «Bonne année». Comme si le fait de le dire, le nouvel'z'an allait être un paradis en Algérie. Celui-là a été célébré, intra-muros, en cachette, loin des regards inquisiteurs, une façon de se dédouaner, en somme.
Le second nouvel'z'an a montré le bout de son nez à quelques jours seulement du premier. C'est le nôtre ! De la rechta à gogo. De la gazouze, made in bladna, du Hamoud à se faire péter les narines. Comme la moutarde de Dijon. Du couscous kabyle oint d'une huile d'olive épaisse comme la graisse d'autruche. Soirées religieuses. Au fait, avons-nous la propension du souhait des vœux les meilleurs ? Je ne sais pas. Il faut que je demande à qui de droit. Les regards inquisiteurs, oints de khôl, ne disent rien en ce sens. Nous n'avons que deux moments de réjouissance : l'Aïd seghir et l'Aïd el-kebir. Ce second nouvel'z'an est néanmoins bruyant, à souhait. A entendre les pétarades nocturnes, j'ai eu l'impression d'assister à une scène de guerre. De mon temps, le pétard ne faisait pas autant de pollution auditive. Ni de dégâts corporels. Doigts sautés. Yeux éclatés. Ajoutons à cela, les fameuses fusées éclairantes qui pètent dans un ciel impassible à nos envies de violence. Pour cela, les regards inquisiteurs ne disent rien. Ils détournent les yeux. A chacun sa violence, à chacun son nouvel'z'an !
Attendez, il y a le troisième. Le Yennayer, proclamé par tous comme étant historiquement légitime, mais traduit comme étant païen, donc «incélébrable», impulse le calendrier agraire amazigh. Avec sa gestuelle. Ses rites. Ses sagesses. Ses histoires. Sauf qu'il est indésirable chez lui. En Algérie, pardi ! Les regards inquisiteurs gonfleront les yeux pour nous dire «hamma». Mais il se fête tout de même. Car il traduit une volonté identitaire qui refuse de se taire, bon an mal an. Couscous au poulet. Trida. Tlitli. Chekhchoukha. Lemsemen. Chaque coin d'Algérie le fête à sa façon. Demeure à B'ni S'nous, le carnaval d'Ayrad ! B'ni S'nous ? Pas loin de Tlemcen. A plus de 400 dinars le kilo, le poulet se voit pousser des ailes inflationnistes. Journée chômée et payée ? Que nenni ! Yennayer ne figure pas dans la loi. Il risque de ne pas l'être pour longtemps. Alors ? On nous dit que cette année, il sera fêté à Djenane El Mithak. Rien que ça ! Officiel, donc ? Ce n'est pas si sûr. Si un gueuleton induit l'officialité, alors les carottes seront cuites. Les pauvres poulets, ici ! L'Algérie officielle n'est pas prête à recevoir, dans les normes, le segment de l'identité amazighe. Ni à l'école. Ni ailleurs. Qu'on ne me sorte pas les chiffres du nombre d'apprenants. L'arithmétique est affaire d'écolier. Montons vers la superstructure, on verra mieux l'avenir. Qu'on ne me parle pas de nouvelle vision. Il n'y a que l'officialité qui prime pour que tamazight soit reconnu dans le fond et dans la forme. La responsabilité incombe au gouvernement, en premier chef. Mais ce discours, nous l'avons tenu des années durant. Nous l'avons ressassé, voire. Sans que la Citadelle n'en soit ébranlée. Tamazight ne figure pas dans la liste des soucis de l'Algérie officielle. Je reviendrai, plus tard, dans le détail s'il le faut, à cette nouvelle vision qu'on veut nous faire passer comme étant la panacée.
Tahar Djaout est «mort pour la France», a-t-on dit à l'époque de son assassinat. Sans que personne ne s'émeuve. Ni ne lève le petit doigt. Auparavant, on a dit que Kateb Yacine ne devait pas être enterré en terre musulmane. Et que Mouloud Mammeri était un écrivain régionaliste patenté, tout comme Mouloud Feraoun. Il se trouve que ce sont deux écrivains kabyles. Certains me diront, la main sur le cœur, «pourquoi ne pas dire deux écrivains algériens» ? On me l'a faite, celle-là, à plusieurs reprises. Oui, pourquoi ? Parce qu'ils ont dit leur Kabylie. Comme d'autres ont dit leur Hodna. Leur Oranie. Pourquoi pas ? L'unité, oui, mais dans la complémentarité. Pas d'unicisme. Tout le monde connaît désormais Kamel Daoud. Il a tenté de cerner un personnage de fiction camusien, en prenant le contre-pied de Camus, en étant dans la ligne, ce qui lui a valu énormément de distinctions, ici et ailleurs. Magnifique : un des nôtres au panthéon du Goncourt ! Ouais ! Daoud a parlé, ici et là. C'est normal, c'est son mérite. J'attends de voir la suite. Les yeux inquisiteurs l'ont visé et fusillé, à bout portant. Il ne mérite pas de vivre, il faut le liquider. Dit comme ça, les yeux dans les yeux. Sans sourciller. Un ministre, donc le gouvernement, ne trouve rien à dire à cet écrivain que de lui conseiller à saisir la justice. Ah, la brave justice ! C'est tout ! N'y a-t-il pas atteinte à l'intégrité d'un citoyen, donc de la société. Il semblerait que non. Kamel Daoud doit se débrouiller tout seul : il est écrivain, donc trouble-fête. Il n'a qu'à tenir sa plume, il sera tranquille. Et l'autre ? L'autre, on a peur de lui. Car il a pour lui la justice immanente.
Et Saïd Sadi, qu'a-t-il à remuer les cendres troubles de la Révolution de 1954 ? Qu'a-t-il à interroger l'Histoire pour démêler le vrai du faux ? Qu'a-t-il à rappeler à la mémoire collective, oublieuse et sélective, que des ossements de héros de la Révolution, les colonels Amirouche et Haouès, ont été exhumés et enterrés, à nouveau, au fond d'une cave miteuse, comme pour leur offrir une «deuxième mort» ? Qu'a-t-il à s'étonner qu'on baptise l'aéroport de Tlemcen du nom de Messali Hadj ? Qu'a-t-il à nous rappeler la triste réalité historique de notre pays, nous – Algériens — qui sommes bien dans notre amnésie salvatrice ? Qu'a-t-il à tourner dans le bled afin d'expliquer les jeux et enjeux de l'Histoire, et la nécessité de redresser la barre avant l'immense zilzel ? Saïd Sadi est un politique fin. Il sait ce qu'il fait. Il sait où il va. Il connaît et mesure les risques. Jusque-là, on est d'accord. Mais sonner la cavalerie ? Pourquoi convoquer la justice pour répondre à ce questionnement ? Diffamation ? Cacher et soustraire les ossements de deux colonels-martyrs relèvent de quoi ? Diffamation ou pire ? Insulter la mémoire de Abane Ramdane, en le traitant de traître, relève de quoi ? Diffamation ou pire ? La liste peut être aussi longue que la langue de certains Algériens qui n'hésitent pas à se proclamer justicier divin.
Je voulais chaîner sur les livres, cette fois-ci. J'ai vu la tronche de certains amis qui ont fait grise mine. «Encore les livres ?», crièrent-ils. Mais on est en plein dedans. Djaout. Kateb. Mammeri. Feraoun. Daoud. Sadi : ils sont producteurs de livres. Ils n'ont pas su passer leur chemin, s'occuper de leurs plates-bandes et détourner le regard d'une histoire retorse. Ils n'ont pas su compter les mouches, bayer aux corneilles et s'indigner dans le silence de leur cœur.


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