Les baisses drastiques et continues des recettes issues du pétrole font découvrir au gouvernement les vertus d'une bonne gestion financière (BGF). Mais ce gouvernement est-il en capacité d'agir pour éviter l'effondrement d'une économie — mono-exportatrice et bien fragile —, et une catastrophe sociale qui emporterait tout sur son passage ? Mais en a-t-il la volonté ? Peu probable au vu de ses discours à l'emporte-pièce et en l'absence d'une stratégie visant une BGF. La bonne gestion financière est censée être un instrument de contrôle et de suivi qui accompagne la délégation de pouvoirs, vue sous l'angle économique et financier. Parmi les dérives dues à l'absence de bonne gestion financière, on peut par exemple citer l'abus de bien social. Le principe général d'indépendance des instances de contrôle et d'audit externes est essentiel. Dans la lutte contre la corruption, le dispositif de bonne gestion financière à tous les niveaux des secteurs public et privé est primordial. Ce dispositif intègre notamment les questions de discipline, d'audit et de surveillance des domaines les plus vulnérables à la corruption. L'idée qu'une bonne gestion financière accompagne nécessairement la lutte contre la corruption est le corollaire du constat qu'une mauvaise gestion financière et une comptabilité inappropriée sont deux facteurs qui favorisent la corruption. À cela, on oppose parfois, à raison, que la mise en œuvre des seuls moyens techniques de la gestion financière ne saurait permettre de neutraliser les effets de rapports sociaux qui se tissent pour et par la corruption – rapports au sein de la hiérarchie administrative et rapports privilégiés entre celle-ci et certains groupes d'intérêts d'une part et le public d'autre part. Ainsi en est-il d'une administration corrompue, au sens large d'un système qui fonctionne suivant des règles qui favorisent une minorité : individu, famille, tribu, ethnie, voire région, etc. Les rapports qu'entretiennent de telles administrations publiques avec les usagers et les règles auxquelles elles obéissent déterminent des relations de prédation sur leur environnement au profit de minorités et au détriment du plus large public. L'obstacle de la «kleptocratie» On peut alors parler de «kleptocratie» (*). Des rapports de ce type sont des obstacles à la mise en place d'une gestion financière saine, quand bien même existerait – à un niveau ou à un autre des instances des pouvoirs publics – le projet pour une telle entreprise. Il peut parfois arriver qu'une apparence de «bonne gestion financière» (BGF) serve à couvrir des pratiques totalement corrompues — en particulier lorsque est rompu le lien d'authenticité entre ce qui est enregistré et la réalité «des flux et des stocks», que les enregistrements financiers sont censés refléter. Néanmoins, une bonne gestion financière réelle est un instrument indispensable pour une administration transparente et responsable des affaires publiques. Autrement dit, le succès de la mise en œuvre d'une bonne gestion financière dépend de son intégration à une stratégie globale de lutte contre la corruption résultant d'une réelle volonté politique de changement. Plus précisément, elle est l'auxiliaire nécessaire d'une réforme administrative qui constitue un des axes fondamentaux d'une telle stratégie. Les outils et les techniques de la gestion financière étant parfaitement connus des spécialistes, l'objectif visé ici n'est pas d'en faire un exposé exhaustif mais de communiquer aux acteurs, décideurs et opérateurs, les principes généraux qui la rendent possible comme un des instruments accompagnant la lutte contre la corruption. Révéler et identifier les responsabilités en cas de corruption Une bonne gestion financière peut être définie comme une mobilisation et une utilisation efficiente des ressources financières selon des objectifs fixés. Elle devrait permettre de révéler et d'identifier les responsabilités en cas de corruption. Elle constitue de ce fait un moyen de prévention et de dissuasion. Les fonctions de la bonne gestion financière se rapportent essentiellement au financement, à la tutelle, à l'analyse et au bilan. Elle consiste à : analyser et mesurer les conséquences financières d'une décision de gestion avant et après sa mise en œuvre ; s'assurer que la trésorerie est suffisante pour financer les activités et opérations prévues ; sauvegarder les ressources par des contrôles financiers adéquats ; fournir un cadre financier pour la planification de futures activités et opérations ; gérer les systèmes de transactions qui fournissent des données permettant de mieux contrôler et planifier toute action et opération ; rendre compte et faire le bilan en interprétant les résultats des activités et opérations en termes financiers. Quand les caisses de l'Etat se vident rapidement, la mise en place d'une bonne gestion financière n'est pas chose aisée, surtout quand cet Etat a fonctionné pendant plus de 15 années d'affilée dans l'opulence, la gabegie, le gaspillage et sans compter «ses sous». Les administrations et les institutions publiques algériennes — lourdes, bureaucratisées, sclérosées et gangrenées par la corruption — ne sont pas prêtes à faire leur mue pour s'imprégner et absorber une bonne gestion financière. Il faut tout revoir de fond en comble, et ce ne sera possible qu'avec un gouvernement compétent et intègre... Djilali Hadjadj (*) Kleptocratie : formé à partir des racines grecques kleptos (vol) et kratos (pouvoir) ; il signifie donc «gouvernement des voleurs». Une kleptocratie est un terme péjoratif désignant un système politique où une ou des personnes à la tête d'un pays pratiquent à une très grande échelle la corruption.