La cause est d�sormais entendue : il n'est pas de syndicalisme "repr�sentatif" que celui qui fasse la courte �chelle aux intentions des gouvernements. Et, comme par le pass� lointain, joue au prompteur des choix politiques. Pour cette vocation, � la respectabilit� douteuse, l'UGTA de Sidi Sa�d renoue avec les vieux d�mons du capitalisme sauf que le contexte actuel la d�douane de toute justification doctrinale. Est-ce pour autant en conformit� avec les int�r�ts du monde du travail que ce syndicat s'exprime dor�navant ? La question a d�j� �t� pos�e clairement par les mouvements autonomes qui lui contestent non seulement le monopole de la d�cision, mais �galement sa probit�. Le syndicalisme version UGTA est aujourd'hui d�savou� jusqu'� l'ironie qui �clabousse les notables qui le contr�lent. Cette nomenklatura agissant au nom des cols bleus mais incapable de s'affranchir des relations coupables avec "les ennemis de classe" est d�sormais la cible de toutes les critiques. La derni�re caution accord�e au projet de loi sur les hydrocarbures ne fera que ranimer cette hostilit� latente que lui vouent tous les "ill�gaux" de la revendication. Ainsi, en termes de cr�dit, le syndicat officiel ne cesse de perdre du terrain social, toutes les fois qu'il se rapproche du pouvoir politique et, pire encore, quand il en approuve ses d�cisions. La presse qui, avec justesse, � mettre l'accent sur une approbation, souligne en pointill�s cette collusion politicienne en n'accordant que peu d'int�r�t � l'expertise du texte-pr�texte. Mais doit-on pour autant conclure que UGTA est victime des proc�s d'intention et voir dans la subjectivit� des commentaires une strat�gie de lynchage m�diatique ? Rien n'est plus inexact que cette posture de victime. Car les dirigeants actuels de cette centrale accumulent les �carts avec leurs missions et erreurs d'appr�ciation des situations, depuis quelques ann�es. Faut-il rappeler qu'entre la sinistre caporalisation d'antan, qui avait du moins une justification doctrinale, et celle des notabilit�s qu'ils incarnent, la diff�rence r�side dans le d�dain vis-� -vis de lock-out d'usine et le m�pris pour les gr�ves sauvages qu'ils refus�rent de soutenir et parfois combattirent ? Tournant le dos aux v�ritables attentes, ils ont d�mon�tis� le militantisme syndical et sa puissance "tribunitienne" pour se d�vouer aux fonctions peu glorieuses de pompiers au service de l'appareil d'Etat. C'est cette image qu'ils renvoient d'eux chaque fois qu'ils se gargarisent de ce vague statut de "partenaire". Car bien avant son positionnement sur la lourde question des hydrocarbures, ce syndicat avait d�j� br�l� ses vaisseaux sur d'autres r�cifs pour ne citer que le r�le trouble qu'il assumat dans le conflit des enseignants. D�laissant la fonction traditionnelle qui est la sienne, il devient un appendice de l'ex�cutif et composa plus souvent avec ce dernier qu'avec sa base. En somme, il traita en priorit� les incertitudes du gouvernement au lieu de se pencher en permanence sur les inqui�tudes des travailleurs. Telle qu'elle se pr�sente actuellement, cette "centrale" est bien loin de rappeler qu'elle fut la bonne adresse pour exprimer des dol�ances. Avant-hier encore, elle �tait le d�fenseur attitr� des ouvriers en bloc bien s�r, mais aussi des petits paysans, des petits commer�ants, des artisans par d�finition petits, des petits cadres et m�me, pourquoi pas, les petits industriels contre le capitalisme monopoliste. La petite Alg�rie en somme. De cette vocation il ne reste que de rares vell�it�s pour faire illusion et, comme on dit, tenir son rang. Fortement ins�r�e dans l'armature du syst�me, l'UGTA fonctionne d�sormais comme un facteur mod�rateur de la revendication au profit du gouvernement quand par le pass� r�cent elle �tait encore le censeur du pouvoir au nom de la soci�t� civile et pr�cis�ment des travailleurs. Comment expliquer objectivement cette lente d�rive du syndicalisme l�gal qui l'affaiblit de jour en jour et par voie de cons�quence pousse ses dirigeants � se mettre au service de l'Etat contre l'avis de ses mandants m�me virtuels ? En somme, c'est � partir de l' UGTA en particulier qu'un diagnostic global du syndicalisme doit �tre fait aussi bien au plan de l'efficacit� de sa m�diation que de sa capacit� � attirer les adh�sions. Ainsi, si l'on se r�f�re aux rares donn�es disponibles, l'on apprend que le taux g�n�ral de syndicalisation demeure faible et qu'il p�nalise de plus en plus l' UGTA dont les effectifs se r�duisent d'une mani�re alarmante. Cette d�saffection explicable par la pr�carit� de l'emploi ne rend pas compte, par ailleurs, du d�ploiement des syndicats autonomes lesquels broutent dans les pr�s-carr�s du vieux syndicat. Leur recrutement se faisant principalement � travers les transfuges, l'on mesure ais�ment le d�calage qui existe entre le statut d'interlocuteur unique d�volu � l'UGTA et son poids r�el. Paradoxalement, c'est de cette inconsistance structurelle et cette "repr�sentativit�" tout � fait relative que tire profit le gouvernement. En transgressant all�grement la loi sur la libert� d'association, il pr�serve l'exclusivit� d'un syndicat aux troupes pourtant d�cim�es et le contraint en contrepartie aux besognes de faire-valoir. C'est � ce titre que sa commission ex�cutive s'exprime sur de nombreux dossiers, pr�tend s'adresser aux travailleurs et m�me d�fendre leur avenir. Seulement, et c'est l� tout le probl�me, l' UGTA p�che dans le d�sert et ses dirigeants le savent. L'instrumentation de leur institution et le formatage de leurs d�lib�rations participent d'un grand dessein englobant � la fois les partis et tous les p�les de m�diations publiques. L' UGTA qui n'a connu — � l'exception de deux courtes p�riodes (62-64 et 89-96) — que la satellisation, est appel�e � assumer � nouveau des missions de garde-fou afin de contenir la revendication et ouvrir des "boulevards" aux r�formes les plus impopulaires . A c�t� du duo-p�le politique compos� du FLN - RND, l'UGTA sera charg�e d'un m�nage peu rago�tant qui consiste � mener campagne contre les crypto-syndicats, comme elle les qualifie, coupables selon elle de "travail fractionnel" et ennemis de l'unitarisme syndical. L'autonomie et les conqu�tes sociales que celle-ci a permis au milieu des ann�es 1990 sous l'impulsion de Benhamouda rel�veraient-elles d�sormais d'une �poque r�volue ? S'achemine-t-on, donc, vers un solde de tout compte de tous les principes de revendication ? La criminalisation du recours � la gr�ve et l'interpellation de travailleurs ayant dress� des piquets n'ont pas �mu outre mesure les actuels dirigeants. Un signe parmi d'autres qui indique dans quelle direction s'achemine l'UGTA et comment sera ficel� son congr�s de mars. Ce constat, qui vaut d'ailleurs pour toutes les libert�s publiques, porte, h�las, la marque de la pire des r�gressions quand il est fait pour le syndicalisme. Qu'y a-t-il de plus d�solant que la conversion de tribuns des travailleurs en avocats du patronat et des puissances de l'argent ? Il est vrai que lorsqu'on a �t� longtemps un notable tutorant des cols bleus, la tentation de troquer d'improbables combats contre l'assurance d'une reconduction vaut toutes les servitudes. Les congr�s, m�me ceux des syndicats, sont de pr�cieux rendez-vous pour la suite de la carri�re. Comment peut-on ignorer cela ?