Depuis près d'une trentaine d'années, il s'installe dans notre pays une pratique de soins dits «médicaux» incompatible avec notre manière habituelle de nous prendre en charge. Ma contribution dans ce numéro est d'éclairer le lecteur sur la hijama, une pratique qui prend de plus en plus d'ampleur et qui s'exerce au sein même des cabinets médicaux. Je tiens à signaler par ailleurs que mon propos n'est ni d'ordre religieux, ni politique, ni idéologique. Qu'est-ce que la hidjama ? Il s'agit de faire des incisions superficielles sur certaines parties du corps et d'aspirer le sang pour l'évacuer. C'est l'incisiothérapie ou cuppingthérapie des anglo-saxons. Des ventouses sont également utilisées. Cette technique était relativement répandue dans notre pays avant l'indépendance. Une curiosité de jeunesse pour nous. Nous la rencontrions dans les souks ou chez certains coiffeurs dans les quartiers que les Européens nommaient quartiers indigènes. Aucun médecin algérien installé en patientèle privée (le terme de clientèle n'est plus adapté) ne pratiquait cette technique qui était d'ailleurs tombée en désuétude après l'indépendance. La hidjama ne date pas de la période islamique. Nous la retrouvons chez les pharaons, chez les Chinois il y a 4000 ans, chez les Arabes avant l'avènement de l'islam, et donc avant Sidna Mohamed (QSSSL). Elle s'étend au Moyen Âge en Europe et elle perdure jusqu'au XIXe siècle pour s'effacer devant le développement de la médecine moderne et la découverte des médicaments. Pourquoi quelques cabinets privés s'adonnent-ils à cette pratique désuète qui n'est pas enseignée dans le programme officiel de formation du médecin ? Ces médecins ignorent-ils la réglementation en vigueur et le code de déontologie médicale qui balisent l'exercice de la médecine ? Si avant 1998, date de l'installation des conseils régionaux de déontologie médicale, la population médicale était structurée dans des associations et des syndicats où la défense des droits prenait le pas sur les devoirs, un cadre institutionnel va valoriser la tâche principale du médecin qui est celle de la défense du patient. Tout médecin ou chirurgien-dentiste ne doit pas ignorer le code de déontologie médicale en vigueur, et doit s'en inspirer pour l'exercice de sa fonction. Il s'agit d'un code qui définit les devoirs du médecin envers son patient, ses confrères, l'administration et sa propre formation continue dans un environnement conforme à sa profession. Nous en rappelons quelques articles. Le décret exécutif n°92-276 du 06-07-1992 portant code de déontologie médicale a créé un Conseil national de déontologie médicale et 12 conseils régionaux. Leur rôle est de veiller scrupuleusement à l'exercice de la pratique médicale dans un cadre qui comprend des règles et des usages que chaque médecin a le devoir d'observer. Art 11 : Si les médecins et chirurgiens-dentistes sont libres de leurs prescriptions, qu'ils estiment les plus appropriées, ils sont dans l'obligation d'apporter à leurs malades des soins consciencieux, dévoués, conformes aux données récentes de la science. Art 17 : Le médecin, le chirurgien-dentiste doivent s'interdire dans les explorations ou traitements qu'ils pratiquent de faire courir au malade un risque injustifié. Art 19 : Le médecin, le chirurgien-dentiste doivent s'abstenir, même en dehors de l'exercice de leur profession, de tout acte susceptible de déconsidérer celle-ci. Art 23 : Le médecin, le chirurgien-dentiste, ne peuvent exercer une autre activité incompatible avec la dignité professionnelle et la réglementation en vigueur. Art 31 : Le médecin, le chirurgien-dentiste ne peuvent proposer à leurs malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite. Ainsi la hidjama n'entre pas dans le cadre légal de l'exercice de la fonction médicale. Sa pratique expose son médecin à des sanctions qui peuvent relever du pénal car les risques auxquels peut être exposé le patient sont graves : - aggravation de l'état d'un patient dont l'état général est affecté ; - généralisation d'un état infectieux, - aggravation d'une grippe ; - surinfection d'une plaie, d'un eczéma ; - contre-indiquée en cas d'œdème d'une articulation pouvant déboucher sur une arthrite grave ; - pratiquée sur des varices entraîne une tuméfaction ; - risques de contamination par le virus de sida, de l'hépatite B et C ; - mauvaise cicatrisation chez le diabétique ; - peut déclencher une crise d'épilepsie chez l'épileptique ; - effets secondaires graves et risques hémorragiques chez les patients sous anticoagulants (cardiaques, opérés), - phénomène de rebond chez l'hypertendu ; -risque de déclencher une crise d'asthme chez l'asthmatique, une crise cardiaque chez le cardiaque. La liste n'est pas exhaustive. Les Conseils régionaux de déontologie médicale sont interpellés pour appliquer les articles du code et lutter contre les dérives de certains praticiens fort heureusement peu nombreux. La lutte doit s'étendre aussi à toute forme de charlatanisme et de médecine parallèle non reconnue par la science. La lutte doit viser aussi certaines boutiques d'herboristes qui font florès subitement auprès d'une clientèle crédule en vantant des produits miracle sans aucune autorisation de mise sur le marché (AMM) et de provenance inconnue. Certes les compléments alimentaires dont se targuent ces produits ne sont pas soumis à une AMM. Mais le sous le couvert de compléments alimentaires, des produits renferment des substances médicamenteuses dangereuses aux effets secondaires désastreux. Rappelons que la mission de la médecine est de prévenir, de soigner, de soulager, d'accompagner le patient avec des soins consciencieux, dévoués, conformes aux données récentes de la science. Docteur Zerouala Mohamed-Tahar, ancien président du Conseil régional de déontologie médicale de Constantine et ancien président du Conseil régional de l'Ordre des médecins de Constantine