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Réforme du système éducatif
Un début raté
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 12 - 2017


Par Ahmed Tessa
Au début de ce mois de décembre 2017, un sondage du Soir d'Algérie avait eu pour question : «Pensez-vous que le niveau des enseignants algériens est faible ?» Dommage, il aurait été plus explicite et plus objectif de dire : «Pensez-vous que les enseignants algériens ont été (ou sont) mal formés ?» Nos enseignants sont, dans leur écrasante majorité, des diplômés d'université ; à ce titre, on doit leur reconnaître — au moins en théorie — la maîtrise de leur spécialité. Quant à leur recrutement et à leur formation sur le tas, bien des choses doivent être dites. Pour aborder la question de leur niveau, professionnel s'entend, il serait plus judicieux d'orienter le débat vers ces deux éléments-clés qui conditionnent cette complexe et vaste problématique. Si depuis peu la question de la formation a été prise en charge par le MEN à partir d'une évaluation d'impact — quoique des zones d'ombre demeurent à ce jour —, celle relative au recrutement pose toujours problème. Un grave problème qui risque d'annihiler les efforts de redressement en cours.
Toujours selon le quotidien Le Soir d'Algérie, la ministre de l'Education aurait déclaré que l'école algérienne «fait face à une crise d'apprentissage». Au lieu de creuser en profondeur ces propos et les analyser objectivement pour mieux éclairer les enjeux pédagogiques de notre système scolaire, une certaine presse hostile – toujours la même — a vite fait de les détourner afin de créer la polémique. Est-ce critiquer les enseignants en affirmant que le système de formation (initiale et continue) et de recrutement est obsolète ? Ils ne sont que les victimes. Il est bien vrai que tout esprit lucide se doit de dénoncer les modalités de recrutement en externe imposées conjointement par le MEN et la Direction générale de la Fonction publique, et ce, depuis plus de dix ans.
A moins d'ignorer la nature et les exigences du métier d'enseignant, les décideurs venaient d'ouvrir la boîte de Pandore des dérives... vers la médiocrité. Y a-t-il eu des protestations de la part des cercles concernés afin d'arrêter cette forme de en externe ? Pourtant, ces médias, partis politiques, syndicats et associations de parents sont connus pour leur promptitude à «monter au front» de la contestation.
A ce jour, aucune voix ne s'est élevée pour arrêter ce qui s'apparente (ces recrutements en externe) à «un massacre de la fonction enseignante» ! A ce jour, ces recrutements frelatés continuent de sévir. Espérons que le texte portant recrutement sera revu et que le secteur de l'éducation reviendra à la formation initiale de ses propres enseignants, du primaire et du collège et ­— pourquoi pas ? — du secondaire. Pourquoi se focaliser sur des ENS, cette spécialité typiquement française, qui fonctionnent sur un mode dépassé par le temps ? Peut-on déceler des indices allant dans ce sens au vu de l'opération de récupération des anciens ITE (Institut de technologie de l'éducation) ? Ils furent généreusement offerts à d'autres secteurs par le MEN vers la fin des années 1990.
Ce constat sur «la crise de l'apprentissage» a déjà été établi par les deux Conférences nationales d'évaluation de juillet 2015 et juillet 2016. Un constat bien ciblé dans la mesure où il ne fait pas dans la langue de bois. Et quand on parle de «crise d'apprentissage», cela signifie que tous les éléments constitutifs de l'acte pédagogique — et qui conditionnent la relation maître/élève – sont déficitaires. Tout un programme ! Et toute une stratégie à court, moyen et long terme pour les combler. Et le temps en éducation ne colle pas au temps journalistique ou au temps politique : une vérité utile à connaître pour ne pas tomber dans la précipitation et dans... le populisme de triste mémoire.
Un tel constat est pertinent aussi, puisqu'il est corroboré par une analyse des résultats de l'évaluation internationale Pisa-édition 2016 à laquelle l'Algérie a participé en 2016 avec de piètres résultats : bonne dernière. Cette évaluation Pisa a concerné des échantillons d'élèves du collège appartenant à la génération de la réforme 2003. Ils ont été évalués sur leur capacité à poser des hypothèses, à analyser et à synthétiser. Echec sur toute la ligne !
En réalité, il y a déficit dans tous les apprentissages scolaires. Tout au long de sa scolarité, voire au-delà, l'élève algérien souffre de voir ses fonctions intellectuelles supérieures telles les capacités de synthèse, d'analyse et d'esprit critique restées en jachère, non stimulées et sous-développées. Alors que dans les attendus de la pédagogie moderne, elles (ces capacités) sont, en principe, prises en charge dès la maternelle par toutes les disciplines enseignées, y compris celles qualifiées – à tort – de mineures, EPS, musique, dessin, théâtre. Chez nous, la mode actuelle qui bat son plein dans nos salles de classe est de celle qui remonte aux temps anciens : la pédagogie dogmatique de l'Eglise (et de nos zaouïas) quand elle gérait les écoles.
L'alpha et l'oméga du processus enseignement/apprentissage se résume en la mémorisation/restitution par l'élève de ce que l'enseignant lui a dicté ou de ce qu'il aura lu dans le manuel officiel.
De la sorte, l'enseignant fera dans le bachotage. Il s'agit là d'une pratique anti-pédagogique qui consiste à dicter le cours, remettre des polycopies, demander aux élèves à ramasser et non chercher sur internet. Et concernant l'évaluation, il leur donnera des épreuves-type, de celles qui ont déjà été données lors des examens nationaux. D'une certaine manière, cette façon d'enseigner est confortable, elle ne sollicite que la salive et les cordes vocales, à l'occasion. L'enseignant peut même utiliser une fiche pédagogique jaunie par le temps et qu'il ressort d'année en année. Comment ne pas évoquer la suppression du chapitre sur la logique des programmes de mathématiques du secondaire dans la réforme de 2003 ? N'est-ce pas renforcer la puissance de la machine «dévitalisante de l'intelligence» qu'est le parcœurisme par l'élève et le bachotage par l'enseignant ? Dans une classe où règne le couple infernal parcoeurisme/bachotage, la participation active des élèves est quasi nulle : ils sont passifs et ne font qu'écouter – sinon rêvasser ou s'ennuyer menottés à leur pupitre des heures durant. 80% du temps imparti à la leçon est occupé par le cours magistral de l'enseignant.
Et les nouvelles technologies n'arrangent pas les choses : elles sont dévoyées de leur utilisation. L'emploi de la calculette fera l'économie de connaître les opérations mathématiques, leur sens et leur emploi adéquat. La souris et le clavier du Net permettent de corriger la faute d'orthographe sans chercher à connaître les règles de grammaire ou de conjugaison.
La paresse intellectuelle est ainsi programmée dès le primaire et ira en s'aggravant. Certes le développement de la mémoire est aussi important que celui des autres facultés. Et lors des opérations basiques en calcul, la mémoire est utile – venant en appoint de la compréhension, par l'élève, du sens de l'opération à effectuer. Toutefois, la mémoire ne se confond pas avec l'intelligence : elle lui sert de ressource, genre de banque où puiser.
Or, que dire de la formation des enseignants des ENS dédiées, en théorie seulement, à l'enseignement ? Leur fonctionnement repose sur la fausse idée que l'école a besoin beaucoup plus de grands mathématiciens (ou philosophes, historiens, linguistes...) que de bons enseignants en mathématiques ou dans les autres disciplines. Or, le plus illustre des mathématiciens ne se révèle pas automatiquement comme un bon enseignant pour des élèves du primaire ou du secondaire.
Une vérité élémentaire ! Les étudiants des ENS ont un cursus de formation davantage centré sur les savoirs disciplinaires académiques que sur la psychopédagogie, l'épistémologie, l'histoire de la pédagogie universelle, les doctrines pédagogiques, la connaissance des grands pédagogues.
Ces fondamentaux de toute formation initiale (et continue) de l'enseignant sont marginalisés en Algérie.
La part qui leur est réservée dans les programmes des ENS est minime. Ces fondamentaux de toute formation initiale manquent aussi cruellement aux enseignants recrutés en externe.
La preuve de ce déficit abyssal en formation appropriée nous est donnée par cet étudiant de 5e année de l'ENS de Bouzaréah lors d'une émission télévisée. Il dénonçait le sujet d'examen donné par son enseignant au motif qu'il leur avait demandé de disserter sur un écrit de Jean-Jacques Rousseau. Il s'est écrié : «Non ! Pas ce philosophe ! Il n'appartient pas à notre culture et à notre religion.» Osons espérer qu'un tel profil de futur enseignant est minoritaire !
Un crime de lèse-majesté que de tels propos haineux contre cet illustre philosophe et pédagogue, précurseur des méthodes actives et, selon certains, de la psychologie moderne.
Et cet universitaire, docteur en sociologie de l'éducation – s'il vous plaît ! – dans une émission de l'ENTV en avril 2015 ? Il récuse l'approche initiée par le ministère de l'Education, à savoir privilégier chez nos élèves le développement des fonctions intellectuelles supérieures et mettre fin au parcœurisme/bachotage.
Il proclame militer pour une école qui éduque beaucoup plus «eddhakira» (la mémorisation). Il y a de quoi plaindre ses étudiants – nos futurs enseignants... et leurs futurs élèves.
C'est avec un tel handicap de formation que l'approche par compétences a été lancée en 2003. Une approche qui nécessite la connaissance et la maîtrise des approches qui l'ont précédée ainsi que des notions élémentaires de la psychopédagogie. L'enseignant ainsi que les cadres du secteur en charge de l'appliquer doivent posséder la culture de leur métier, jongler avec ses fondamentaux, faire preuve d'initiatives innovantes loin de toute routine sclérosante. Toutefois, casser cette routine relève de l'utopie dans un pays où sévissent les pressions et les pesanteurs populistes sur fond d'idéologie archaïque. A moins d'octroyer au ministère de l'Education nationale un statut de secteur de souveraineté à l'instar de la Défense ou de la Justice.
Si l'élève algérien sollicite davantage sa mémoire, cela ne veut pas dire qu'il est génétiquement incapable de réfléchir ou de penser logiquement. Il a seulement été conditionné à cette forme d'éducation, et ce n'est pas de sa faute ! Il traînera ce déficit y compris à l'université. Et la boucle sera bouclée. En témoigne cet appel téléphonique d'un professeur d'université lors d'une émission de la Chaîne III, la semaine dernière (émission «Point de Vue») : «j'ai des étudiants en 5e année. Et la majorité sont incapables de poser des hypothèses ou de faire des synthèses à partir de documents.» Cette triste situation perdure. Déjà, au début des années 1990, Lyès Mairi l'établissait avec brio dans un livre au titre révélateur : «Faut-il fermer l'Université ?»
Que faire ?
Pourquoi ces déficits alarmants ? Quelles en sont les causes ? Bien sûr qu'il ne s'agit pas de pointer le doigt sur des personnes mais sur les points faibles d'une politique éducative menée tambour battant, sans évaluation et sans critique externe. Avant la conférence nationale d'évaluation de juillet 2016, la critique en interne était inaudible face à l'unanimisme ambiant. La magie des mots «réforme» et «approche par compétences» suffisait à anesthésier l'esprit critique des décideurs. De 2003 à juillet 2015 (première Conférence nationale d'évaluation de la réforme), douze années se sont écoulées sans que soit organisée une évaluation d'impact. Et vogue la galère au gré du vent de l'improvisation et de la précipitation ! En réalité, le ver de l'échec était présent dès le départ, au lendemain de la remise du rapport de la CNRSE au président de la République.
A commencer par l'émiettement dans la gestion du système éducatif. Pourtant, la lettre de mission du président de la République de 2001 parlait bien de la création de la CNRSE – Commission nationale de la réforme du système éducatif. Ne voilà-t-il pas que l'on se retrouve avec trois lois d'orientation, une pour chaque secteur (système scolaire, F&E. professionnels et enseignement supérieur). Où est la coordination/harmonisation ? Au vu de cet éparpillement législatif, l'élève de six ans doit-il se muer en trois personnalités différentes tout au long de son parcours scolaire — après la 4e AM ou la 3e AS ? N'est-il pas programmé génétiquement pour devenir un adulte, personnalité une et unique mais qui doit (et peut) partager des valeurs et des compétences avec ses pairs ? Former l'adulte de demain : telle est la mission, la finalité de tout système éducatif et non seulement d'un secteur, seul. C'est ce principe cardinal qui a été occulté lors de l'application du rapport de la CNRSE en 2003. Chaque secteur allant de sa propre orientation au point d'écarteler l'objet de leur raison d'être : l'enfant. Les contraintes rédactionnelles ne nous permettent pas de développer les pistes à explorer pour dégager les profils de sortie du futur adulte. Une urgence est signalée : celle qui consiste à unifier les trois secteurs (Ecole, Université et Enseignement professionnel) dans un seul ministère avec un statut de souveraineté et une seule loi d'orientation. Quant à la recherche scientifique et à la formation professionnelle, elles méritent d'être rattachées à d'autres institutions pour plus d'efficacité.
«L'éducation doit aboutir à faire acquérir aux élèves un ensemble de savoirs, savoir-faire et savoir-être (...) L'ensemble de ces savoirs, savoir-faire et savoir-être constitue le profil de sortie ou profil terminal de l'élève. Le contenu de ce profil est déterminé par les options et les intentions de la politique éducative...» C'est sur ces propos de Louis D'Hainault, un spécialiste des questions d'éducation, que nous concluons cette modeste contribution. Une conclusion en guise de porte ouverte sur le débat.
A. T.


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