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Indig�ne toi-m�me ! Par Arezki Metref [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 05 - 2005

On a d�cid� de parler de bouquins. C'�tait un des buts de cette chronique. On a �t�, ici, pris par la course derri�re le duo politique, m�le et femelle. On revient un peu � nos moutons. Et comme pour rattraper le temps perdu, en voil� des livres, plusieurs d'un coup.
Ils ont en commun d'�tre �crits au milieu des ruines, celles, mentales, du colonialisme dont on n'a m�me pas commenc� � envisager qu'il puisse avoir occasionn� des d�g�ts autres que mat�riels. Une blessure qui sinue dans les �mes, et qui continue. Ghania Hammadou. Comme toujours chez Ghania Hammadou, dans Bab Errihon retrouve � la fois le r�el ancr� dans le politique et des personnes — des femmes, en g�n�ral — qui ferraillent avec le destin hostile dans un acte de r�sistance qui, pour �tre path�tique, est sublimement po�tique. Peinture de personnages en proie aux d�sillusions, mais n�anmoins travaill�s par l'espoir. Photographie pr�cise d'un segment de destin de ces personnages pris dans les rets du destin collectif, celui de Bab Errih, qui est une ville au nom de pays, celui d'un pays aussi, l'une et l'autre assaillis par la violence, le meurtre, les attentats, l'effondrement. Bab Errih, la porte du vent, se d�guise du mieux qu'a pu l'auteure, mais pas assez pour ne pas �tre reconnue. Bab Errih, c'est bien s�r Alger, et c'est aussi l'Alg�rie, saisis � une �poque impr�cise pour la fiction mais dramatiquement situable dans l'histoire r�cente du pays. Cette p�riode de drame commence, en gros, avec les �meutes d'octobre 1988, et se poursuit bien au-del� des s�quences de destin de ces personnages qui sont, pour quelques-uns, l'arch�type de l'apr�s-bataille. D��us, d�sillusionn�s du combat progressiste, ce ne sont plus que les ombres de gens qui furent des militants aux certitudes tremp�es apprenant maintenant la libert� comme un enfant apprend � marcher, en tombant, et de haut. Dans ce roman o� le vent est aussi le symbole de ce qui ne dure pas, de ce qui passe sans laisser de trace, on rencontre la figure du chef de clan, chef de tout, chef d'Etat, et des clones aux lunettes noires : flics, faux flics, indics… Bab Errih est la consignation d'une amertume. Mais, pour qui conna�t l'auteure, ce roman est un acte de confession inhib�e, un arr�t au seuil de la porte du vent, sans savoir si c'est de l'int�rieur ou de l'ext�rieur, une hesitation � se livrer qui est la pudeur de Ghania Hammadou dont le talent est bien sup�rieur � l'audace de se livrer. Le�la Merouane. Chez Le�la Merouane, l'audace est sans doute le talent. Partisane du d�voilement absolu, du streap-tease provocateur, l'auteure de La jeune fille et la m�re nous raconte les rapports houleux entre une m�re et sa fille a�n�e dans une oasis alg�rienne domin�e par un rigorisme des mœurs transgress� seulement, et en catimini, par l'hypocrisie organis�e en v�ritable tradition parall�le. On surprend la jeune fille, plaqu�e contre un arbre du jardin public, d�v�tue devant les assauts de l'apprenti �b�niste de la rue. Mais le lecteur la surprend en m�me temps que son p�re ne la d�couvre. A partir de l�, on plonge dans la tension de rapports n�vrotiques entre une m�re qui tra�ne un pass� d'h�ro�ne propice � l'�lever dans le ciel de la l�gende qui plane au-dessus d'une quotidiennet� opprim�e et une jeune fille, sa fille, tent�e par la r�volte exprim�e par le d�sir de transgression. Peinture de l'int�riorit� f�minine en milieu traditionnel alg�rien. Peinture surtout d'un renversement, celui de la focale qui glisse brutalement du portrait de la jeune fille � celui de la m�re qui, au final, s'av�re le personnage le plus important et le plus vrai d'un roman qui a du mal, parfois, � se d�tacher de la construction. Le�la Sebbar. Avec Journal de mes Alg�ries en France, Le�la Sebbar poursuit ce qu'elle appelle �une auto-biographie collective�. Fille d'un couple mixte alg�ro-fran�ais, Le�la Sebbar porte ses deux rives int�rieures comme un �cart�lement et une jonction. Depuis quelques ann�es, elle concentre son travail de cr�ation sur le souvenir et la rencontre entre ses deux rives. Ce journal est, comme son nom l'indique, la consignation quotidienne, ou presque, des signes qui, en France, continuent � prouver que son enfance alg�rienne est bien l'enfance d'une rencontre �dans une g�ographie crois�e � de tout ce qui constitue l'humanit� des cultures et non point un heurt irr�m�diable, celui de la colonisation. Dans cette qu�te, Le�la Sebbar r�pand la sagesse d'une p�lerine de la paix. Christiane Achour. L'universitaire Christiane Chaulet- Achour r�alise une anthologie des nouvelles d'Alg�rie. Des nouvelles d'Alg�rie, 1974-2004 r�unit les textes de 26 �crivains alg�riens de g�n�rations diff�rentes, allant de Mouloud Mammeri (n� en 1917) � Salim Bachi (n� en 1971). Le point commun entre ces nouvelles, c'est d'avoir �t� �crites ces trente derni�res ann�es. Contemporaines donc, elles �clairent �la complexit� d'un r�el par une pratique cr�atrice et des repr�sentations fictives�.Ce recueil de nouvelles est un voyage passionnant dans la diversit�. D'un auteur � l'autre et autant de fois qu'il n'y a de lettres dans l'alphabet d'�criture, on change de fiction, donc de r�alit�. Ce livre est indispensable � lire pour saisir une bonne fois pour toutes qu'il n'y a pas une litt�rature alg�rienne mais des litt�ratures alg�riennes et que les �crivains alg�riens, comme ceux de tous les pays, ne sont pas interchangeables. Chacun est unique. Daniel Pr�vost. Unique aussi, unique surtout, notre ami Daniel Pr�vost, qui nous revient des hilarantes Lettres d'adieu. Mais derri�re le rire de l'humoriste, il flotte la m�lancolie de l'homme sensible. Un r�gal � lire.
P.S de l�-bas :
Sc�ne vue dans le m�tro � Paris : un homme blanc d'un certain �ge ouvre grand son journal sur la plate-forme de la rame � une heure de pointe. Il bouscule un autre homme, un peu moins blanc, qui s'�crase contre la barre. L'homme un peu moins blanc dit avec un accent qui a toutes les chances de venir de chez nous : �Il vous faut encore plus de place, monsieur ?� L'homme blanc a la r�plique toute pr�te : �Si tu veux le confort, t'as qu'� prendre un taxi.� M�me lest� de cet accent des mechtas qui rend acrobatique le subjonctif, l'homme moins blanc parle un fran�ais � complexer un secr�taire perp�tuel de l'Acad�mie fran�aise. Il en rajoute m�me. Fa�on de dire : �Je cause mieux que toi ta propre langue maternelle! �. Le tutoiement spontan� de l'homme blanc touche l'homme moins blanc au plexus. Non, ce n'est pas un tutoiement amical. C'est plut�t un r�flexe d'inf�riorisation. L'homme moins blanc n'est pas assez �gal � l'homme blanc pour m�riter de b�n�ficier de ce code social qui consiste � vouvoyer les gens qui ne sont pas familiers. En d�clenchant ce m�canisme de l'inconscient qui fixe � tout jamais, comme s'il s'agissait d'une fatalit� contre laquelle la raison est impuissante, le tutoiement de �l'indig�ne�, du �bougnoule�, l'homme blanc ne fait que perp�tuer un ordre que le colonialisme a rendu presque naturel. Poursuite du dialogue : �Le m�tro est un transport public dans lequel tous les passagers ont les m�mes droits�, dit l'homme moins blanc. L'homme blanc : �Nous sommes � Paris, en France…�. L'homme moins blanc tire sur les points de suspension de l'autre… � Et alors?… �. L'homme blanc l�che le morceau : �C'est plus pareil dans le m�tro depuis qu'il y a tous ces �trangers !�. Le sang de l'homme blanc ne fait qu'un tour : �Je suis Fran�ais, monsieur�. Dans un fran�ais impeccable, il raconte comment le jeune berger d'un village des environs de S�tif qu'il �tait a �t� arrach� aux siens pour �tre envoy� au charbon, c'est-�-dire � mener une guerre qui n'�tait pas la sienne contre le nazisme. Quand, avec ses compagnons d'armes, en ayant �chapp� combien de fois � la mort, il entre dans Marseille pour lib�rer la ville, il n'avait pas vu beaucoup de gens comme l'homme blanc qui le tutoie maintenant jouer les fiers-�-bras. Puis, rentr� en Alg�rie apr�s l'Armistice, il trouve son village d�vast�, tous les membres de sa famille massacr�s par des milices form�es de gens pour lesquels il venait de se battre pendant six ans. Il planait sur son douar un silence de trag�die, qui ne l'a jamais quitt�. La dispute dans le m�tro entre l'homme blanc et l'homme moins blanc proc�de malheureusement d'un racisme tellement ordinaire que celui qui le commet ne pourra jamais en �tre convaincu. Pour avoir eu lieu dans le climat plut�t �lectrique de la comm�moration du 8 mai 1945, cette dispute condense plus que les malentendus de part et d'autre. Ce sont les crispations des m�moires antagonistes qui raidissent l'intelligibilit� des faits. Le 60�me anniversaire des massacres du 8 Mai 1945 a �t� marqu� par des gestes paradoxaux. Si la reconnaissance par l'ambassadeur de France en Alg�rie comme une �trag�die inexcusable � des massacres du 8 Mai 1945 qui ont fait 45 000 morts ( selon un bilan alg�rien) ou 15 000 morts ( selon des sources fran�aises) traduit la volont� du gouvernement fran�ais d'apaiser la m�moire commune, les r�actions officielles au texte cognitif d'Abdelaziz Bouteflika selon lequel les fours de El Hadj Mebarek, o� des centaines de victimes des milices europ�ennes ont �t� chaul�es, ��taient identiques aux fours cr�matoires nazis� et �l'occupation a foul� la dignit� humaine et commis l'innommable � l'encontre des droits humains�. Pour deux pays qui s'appr�tent � signer un accord d'amiti�, l'Alg�rie et la France s'en mettent plein le visage. Cette sacr�e guerre d'Alg�rie ne veut pas passer. Cette horreur de colonisation n'en finit pas…
A.M.
Bab Errih, Ghania Hammadou, Paris M�diterran�e.
La jeune fille et la m�re, Le�la Merouane, Seuil, 177 p., 15 euros. Journal des Alg�ries en France, Le�la Sebbar, Bleu autour, 146 p., 20 euros ; Lettres d'adieu, Daniel Pr�vost, Le Cherche-Midi, 193 p., 13 euros.


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