Les six raisons du faible impact de la revalorisation de l'allocation devises en Algérie de 750 euros sur le cours du dinar sur le marché parallèle    Chantage à l'antisémitisme pour justifier le Palestinocide    «L'injustice ne doit pas devenir la nouvelle situation normale !»    L'Algérie remporte la première édition    CHAN 2024 Des sélectionneurs veulent ressusciter l'offensive    500 kg de kif traité saisis en une semaine    Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel : le Lieutenant-colonel Redouane Bordji inhumé à Alger    Natation / Traversée de la Baie d'Alger : 350 nageurs annoncés à la 3e édition samedi prochain    Production des engrais phosphatés: signature d'un mémorandum d'entente entre Sonarem et la société pakistanaise "Fatima"    ONPO: poursuite de l'accompagnement des pèlerins et du suivi des agences de tourisme et de voyages    Tissemsilt : commémoration du 64e anniversaire du martyre du colonel Djilali Bounâama    Une étude sur le lectorat de la langue amazighe finalisée (HCA)    Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel: Merad se recueille à la mémoire des martyrs du devoir et présente ses condoléances à leurs familles    Industrie automobile : le ministère de l'Industrie lance un appel aux compétences algériennes pour la création d'un conseil d'expertises nationales    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 61.158 martyrs    Canicule prévue jeudi et vendredi dans les wilayas de Relizane et Chlef    Chaib met en exergue depuis le Turkménistan les efforts de l'Algérie pour soutenir les PDSL africains dans leur processus de développement    Réunion d'évaluation consacrée au suivi de l'approvisionnement du marché et des préparatifs de la rentrée sociale    CHAN 2024: la sélection algérienne reprend les entraînements    Prolongation du délai de dépôt des demandes de mutation pour tous les enseignants hors de leur direction d'affectation pour l'année scolaire 2025-2026    Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel: Nasri présente ses condoléances    Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel: Boughali présente ses condoléances    Quelle est la structure du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles du Gouvernement ?    34 morts et 1.884 blessés en une semaine    «66 % des bacheliers ont opté pour les filières des sciences et des technologies»    Plus de 200 journalistes exigent l'accès à Ghaza et dénoncent un blackout sioniste    Réception de la tranche restante du projet de la pénétrante de l'autoroute Est-Ouest prévue fin 2026    « Hommage à Abdelhamid Mehri : Un homme d'Etat, une conscience nationale »    Voyage au cœur d'un trésor vivant...    CHAN-2025 : Ouganda 0 – Algérie 3 Du jeu, de l'engagement, du ballon et une belle victoire    Jane Austen, une écrivaine toujours actuelle    Jeux africains scolaires: le Président de la République honoré par l'ACNOA    Abdelmadjid Tebboune préside la cérémonie    Boudjemaa met en avant les réformes structurelles et la modernisation du système judiciaire    La "Nuit des musées" suscite un bel engouement du public à Tébessa    Le président de la République honore les retraités de l'Armée et leurs familles    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



ICI MIEUX QUE L�-BAS
L��tranger Par Arezki Metref [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 17 - 07 - 2005

La plage du Rouet, � Carry-Le Rouet, est en demi-lune. La crique est balafr�e par une jet�e qui cl�t un port minuscule o� des bateaux de plaisance ondulent sous le mistral. Un sexag�naire � la t�te de Piccoli et au bedon d'assidu de l'ap�ro entre dans l'eau glac�e en s'auto-stimulant : �Il ne manque que le pastis, tin !� (Imaginez l'accent marseillais). J'�carquille les yeux. La finesse m'�chappe, il s'en aper�oit. �On a d�j� le gla�on !�, dit-il dans un rire grand comme cette mer qui a tant de rives, parfois, � souvent � hostiles les unes aux autres, qu'elle fait � elle seule un monde qui vaut tous les mondes.
�Sur l'immense pass� de la M�diterran�e, le plus beau t�moignage est celui de la mer elle-m�me�, �crivait Fernand Braudel. Parle, mer, dis ! Dis ta m�moire �plus vieille que la plus vieille des histoires humaines qu'elle aura port�es� ! La colline tombe � pic dans la mer, h�riss�e de pins maritimes, en une falaise coup�e � la serpe. Bond�e, la plage reste paisible, ferm�e dans la perfection d'une anse qui ne laisse rien voir sur les flancs. Tout ce que tu peux voir d'ici, c'est la ligne de fuite de l'horizon. Tu devines, � la couleur qui mue, le partage des eaux. Par le miracle de l'imagination, tu gommes les constructions et la petite plage plonge alors dans les limbes de la m�moire pour rappeler ces criques d�sertes dans lesquelles Ulysse accostait dans les p�plums de l'enfance. Au cin�ma l'Eldorado, au bord de l'oued El-Harrach, la mer en technicolor, un bleu pastel, faisait oublier l'eau �paisse des excr�ments de toute la Mitidja que la rivi�re pestilentielle s'appr�te � balancer par-dessus bord. Ah ! Ulysse ! Celui-l� ! Il n'en finit pas de parcourir les mers et lorsque, frapp� par la limite d'�ge, condamn� par la p�remption, il se met sur cale, il reste, pour le sillage, autant d'Ulysses qu'il y a de gouttes d'eau dans l'oc�an. Un voyage qui ne finit jamais ! Un vertige ! Le Rouet, encore. Le vent murmure dans les m�ts des embarcations pench�es vers l'onde le chant d'Hom�re. Les p�r�grinations d'Ulysse s'�gr�nent �tape apr�s �tape et c'est la m�me rapsodie qui fulmine au ras du sable br�lant : la m�lancolie de la condition d'�tranger. Ulysse, l'�tranger ! Le Rouet, toujours. Un peu plus tard, alors que le soleil est vertical, qu'il tape dur sur la calotte cr�nienne � faillir bouillir la cervelle dans sa marmite, j'entends ces bribes de dialogue d'un Pagnol qui roulerait au m�lange, comme cette mobylette � laquelle les beurs des ann�es 1980 comparaient la France : �On devait aller se faire un sandwich � la Plaine mais on y a renonc�. Le mec avec qui je suis ne mange que hallal�, dit une jeune Asiatique � sa voisine, une jeune femme aux cheveux blonds cendr�s. Le Piccoli de circonstance sort de l'eau, congel�. Il s'�broue au soleil puis �tend une serviette � m�me le bitume. Je me dis, comme �a : c'est la faute au soleil, � ce sacr� soleil ! Quand il te tanne le cuir chevelu, tu ne sais plus o� donner de la t�te. C'est d'ailleurs ce qui s'est pass� pour Meursault, le personnage paum� de l'Etranger de Camus. Puisqu'on y est, je verrais bien le Rouet comme cette plage ferm�e sur laquelle, � cause du soleil, Meursault tire sur l'Arabe, �et c'�tait comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur�. M�moire de la mer. Cette plage ressemble tant � celles de chez nous, de l'autre c�t� de ce �trait archa�que de la g�ologie du globe� (Braudel, encore) qu'est la M�diterran�e, que des souvenirs se mettent � glisser un peu comme des �les. Camping au Chenoua, aux temps de l'espoir. La tente plant�e entre les arbres et la discutaille autour du feu, avec les menus bruits de la mer fermant les fen�tres pour rentrer chez elle pour la nuit. Autre s�quence : L�o Ferr� chantant, sur la sc�ne du th��tre de plein air de Sidi Fredj La m�moire et la mer. Pendant que les vagues s'�crasaient avec une fureur harmonique contre le mur dans son dos, il crie: �Rappelle-toi ce chien de mer que nous lib�rions sur parole/ Qui gueule dans le d�sert des go�mons de n�cropole�. Ivresse de la baignade � A�n-Taya, � Surcouf, � Decca-Plage. Plongeons � la plage du Lido. Brass�es initiatiques � la Verte-Rive. Emois adolescents au rythme du ressac � la crique d'Alger-Plage en �coutant Marie Jolie des Aphrodite's Child. Plus loin dans le temps, ce spectacle vesp�ral des chalutiers s'en allant du petit port de Cherchell avec, en guise du bruissement des vagues, le fatalisme de Bahr Ettoufane d'El Badji. Plus t�t, bien plus t�t, lorsque la t�l� commen�ait � peine � entrer dans nos chaumi�res, cet hymne � la mer, en interlude, d'Abderrahmane Aziz : El Bahr ! Et toujours, comme un trait permanent, ces fugues � Douaouda-Marine, ces pas sur la gr�ve et ces mains tendues vers le soleil comme vers une nouvelle divinit� de l'amour. L'ennui, c'est que le temps passe. L'ennui aussi, c'est de n'avoir pas assez de place dans ta m�moire pour 1200 km de c�te, sans compter les millions de kilom�tres de toutes les autres c�tes qui sont aussi les tiennes, et des mill�naires d'histoire. Le Rouet, suite et fin. La plage entame sa sieste digestive. Direction : Avignon. Ce n'est pas au bord de la mer, mais c'est tout comme. Cela fait 59 ans que le festival de th��tre tient bon. Au seul volet off, il y a quelque chose comme 700 pi�ces. Le vertige, l� encore. Mais dans ce maquis de la trag�die, le but est pr�cis. Au th��tre des �Corps saints�, Marc Gooris, un com�dien belge de la compagnie de la Grande Ourse, est seul sur sc�ne. Le d�cor est �l�mentaire : une table, une chaise, un lit et un seau d'eau. Dans la salle, le public retient son souffle. Il fait une chaleur d'�tuve l�-dedans. Le com�dien se l�ve et entonne le c�l�bre : �Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-�tre hier, je ne sais pas.� C'est la premi�re phrase de l'Etranger d'Albert Camus. Pendant une heure et demie, avec la force du d�sespoir, il raconte l'histoire absurde de Meursault, cet homme sur lequel tout glisse, qui plane � une telle hauteur d'insensibilit� qu'il n'est plus dans la communaut� des hommes. Il est � la hauteur des anges. Du bien, du mal ? �a d�pend o� tu es. Et voil�, justement, la sc�ne de la plage au cours de laquelle Meursault tue sans raison et sans mobile celui que Marc Gooris n'appelle pas l'Arabe. La chaleur dans la salle est la r�plique de l'air enflamm� de �toute cette plage vibrante de soleil (qui) se pressait derri�re moi�. La chaleur et le jet de mots froids : c'est la douche �cossaise. Tu sors de l� comme du bain � la plage du Rouet : tu grelottes de froid dans le soleil caniculaire. C'est qu'il y a comme un hiatus avec ta propre peau. C'est �a qui fait l'�tranger, c'est la peau. Quand elle devient un pays o� tu te sens mal, tu es alors �tranger partout.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.