Les autorités locales de la commune d'Agouni Gueghrane, région natale de l'inénarrable et immense chanteur de l'exil Slimane Azem, et à leur tête le président de l'APC, Amor Bedek, viennent de rendre public un document sous forme d'un état des lieux de cette localité dépourvue de tout. Le rapport s'apparente à un cri de désespoir dont l'écho risque encore une fois d'être «avalé» par les majestueuses montagnes du Djurdjura où se nichent les différents villages qui composent cette commune, considérée comme la plus pauvre de la wilaya de Tizi Ouzou. La misère, l'isolement, le désespoir lui collent à la peau comme une fatalité. Loin de se résigner, le président de l'APC se bat sans relâche pour redonner vie à sa localité en réglant du mieux qu'il peut les problèmes auxquels sont confrontés ses concitoyens.
Une situation géographique qui aggrave l'isolement La situation géographique de la commune d'Agouni Gueghrane constitue, à ne pas en douter, un facteur supplémentaire qui aggrave son isolement. Issue du dernier découpage administratif, cette commune rurale de montagne est située sur le flanc nord du Djurdjura. Elle compte 9506 habitants, selon le dernier recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) effectué l'année dernière. La population est disséminée sur une superficie globale de 40,51 km2. Elle est limitée au nord par la commune des Ouadhias, au sud par la wilaya de Bouira, à l'est par les communes d'Aït Boumahdi et d'Aït Toudert et, enfin, à l'ouest par celle d'Aït Bouadou. Agouni Gueghrane est une région difficile d'accès. La seule et unique route qui y mène est le CW 11 qui la relie à la RN 30 sur une longueur de 16 km. Il est dans un état de délabrement tel qu'aucun vocable ne peut le décrire. Tous les villages qui composent cette localité, à savoir Agouni Gueghrane qui fait office de chef-lieu, Tafsa Boumad, l'ancien village kabyle Aït El Kaïd classé patrimoine national et Azouzène sont reliés par ce même chemin qui va jusque dans les entrailles du massif du Djurdjura où se trouve le dernier village Ath Ergane.
Ath Ergane, au fin fond du Djurdjura Les habitants du village sont les plus touchés par cet isolement qui dure parfois des mois entiers. Situé en plein cœur du massif montagneux du Djurdjura, il devient inaccessible durant les mois d'hiver. La neige bloque tout accès à ce hameau, soumis à la merci du froid et des manques en tous genres. En effet, hormis une salle de soins, ce village ne dispose d'aucune infrastructure digne d'être citée. Les montagnards vivent dans des conditions de privations extrêmes, presque d'un autre âge. Tomber gravement malade à Ath Ergane est synonyme d'une mort certaine. Pourtant, telle une carte postale, doté d'une beauté naturelle qui rappelle les montagnes enneigées d'Europe, ce village aurait, sous d'autres cieux, pu être transformé en une véritable station d'hiver à même de générer prospérité et richesse à ses habitants depuis toujours oubliés de l'Etat et des hommes. Pour cela, on préconise la réalisation d'un téléphérique à partir du chef-lieu vers le parc pour en faire une destination touristique privilégiée. A Ath Ergane, ce rêve, on le caresse en silence. Entre-temps, la conséquence directe de cette situation des plus intenables est l'exode rural. Tous ceux qui peuvent partir n'hésitent pas l'ombre d'un instant à aller s'installer sous des cieux plus cléments.
Infrastructures de base inexistantes En parlant d'infrastructures de base, plus particulièrement au niveau des communes rurales, on passe inévitablement par l'évacuation de la liste de la commune d'Agouni Gueghrane. La citer serait un leurre ! Le visiteur qui s'y rend dans cette partie de la wilaya de Tizi Ouzou est vite frappé, voire sidéré par son dénuement et en reste groggy. Le secteur de la jeunesse, entre autres, est très en retard. La jeunesse est victime de tous les aléas et est en proie à tous les vices. Cette commune ne dispose d'aucune infrastructure sportive. C'est pourquoi les autorités réclament des pouvoirs publics la réalisation d'un complexe sportif de proximité (CSP) au chef-lieu. Pour ce faire, des assiettes foncières existent au niveau des différents villages, a-t-on affirmé du côté des responsables locaux. Dans le secteur de la santé, les choses ne sont pas moins bonnes. La commune ne dispose que d'un seul et unique centre de santé au chef-lieu et de trois salles de soins à Ath Ergane, Ath El Kaïd et Tafsa Boumad. Ces salles sont loin de répondre aux normes requises en matière de prise en charge des malades. C'est pourquoi, la réalisation d'une maternité s'impose d'autant que des locaux existent pour abriter un tel projet. Le secteur de l'éducation pour sa part n'est pas bien loti. Il compte sept écoles primaires recevant un nombre total de 674 élèves et 80 dans le préscolaire pour l'année 2008/2009, deux CEM avec 680 élèves et aucun lycée. Ces écoles primaires sont toutes dépourvues de cantines scolaires. L'éloignement des écoles, plus particulièrement les lycées – les lycéens poursuivre leurs études aux Ouadhias ou aux Ouacifs – et le manque flagrant de moyens de transport, avec seulement deux minibus, la déperdition et l'échec scolaire connaissent un taux qui frise l'inimaginable.
L'habitat, souffre-douleur de la population Depuis le dernier découpage administratif, cette commune n'a jamais bénéficié d'un quelconque programme de logements sociaux, contrairement à d'autres localités de la wilaya qui ont eu leur part du gâteau. Même le quota de subventions accordées dans le cadre de l'habitat rural reste de loin en deçà des besoins pressants en la matière. De nombreuses demandes de projets dans le cadre du LSP ont été introduites mais elles sont restées lettre morte. Un vaste programme de logements sociaux reste le seul et unique moyen de résorber l'habitat précaire qui a encore de beaux jours devant lui.
L'APC cherche siège désespérément Comme pour couronner le tout, la commune d'Agouni Gueghrane est la seule qui ne dispose pas d'un siège digne de ce nom à travers toute la daïra des Ouadhias. C'est une infrastructure officiellement destinée à accueillir un cantonnement de la garde communale qui fait office de siège de l'APC, et ce, sans aucune commodité. Elle ne dispose même pas d'un parc. En plus, cette localité n'a aucune ressource hormis la taxe sur l'activité professionnelle que reverse l'usine de production d'eau minérale à la recette locale des impôts. Aujourd'hui donc, cette localité a besoin d'un véritable plan Orsec pour la mettre sur les rails.
