Le Nigeria a organisé, hier, des élections présidentielle et législatives qui s'annonçaient déjà comme les plus ouvertes jamais connues. Si le scrutin concerne officiellement 14 candidats, il se résume en réalité en un duel entre deux favoris. Et les sondages, très imprécis, ne parviennent pas à départager les deux hommes qui disposent chacun d'un réservoir d'au moins 42% des voix, de certains atouts et de quelques faiblesses. Goodluck Jonathan, le président sortant est candidat du People's democratic party (PDP). Ce parti, grosse machine bien huilée, au pouvoir sans cesse depuis le rétablissement de la démocratie en 1999 est le principal avantage de Goodluck Jonathan, avec l'accès dont il jouit aux moyens de l'Etat. Grâce aux trésors de guerre du PDP, le président-candidat et les siens peuvent espérer s'allier les hésitants ou convaincre des déçus. L'homme peut aussi compter sur la fidélité de nombreux Etats du Sud, dont il est issu. Goodluck qui affiche sa foi chrétienne, peut s'appuyer sur les églises, notamment évangélistes, et sur la puissante Association chrétienne du Nigeria. Mais si sa réélection n'est pas gagnée d'avance, c'est aussi parce qu'il a des ennemis, au sein même du PDP. Muhammadu Buhari, son rival, porte les couleurs du All Progressives Congress (APC), une alliance de groupes d'opposition. C'est dans cette union de l'opposition, une première dans le pays, que Buhari puise sa force. En rendant une alternance démocratique un peu crédible, il a galvanisé ses supporters et glané des soutiens discrets, notamment financiers. La réputation de cet ancien général de 72 ans de fermeté et d'honnêteté, sont à l'origine de son succès, dans un pays où la misère et la violence minent l'avenir de plus de la moitié des 170 millions d'habitants. Les Nigérians semblent ne vouloir se souvenir que de l'ordre que Buhari, dictateur militaire entre 1983 et 1985, avait fait régner. Les arrestations sommaires et les exécutions sont oubliées. Dans ce contexte tendu, la violence qui accompagne habituellement la démocratie nigériane pourrait se multiplier. Les Etats mixtes du centre du pays, où cohabitent soutiens du PDP et de APC, chrétiens et musulmans, dans l'imbroglio ethnique qu'est le Nigeria, ont été placés en état d'alerte.