Tout document bancal ne peut mener qu'aux ennuis, aux audiences et aux condamnations. Lorsque les faits s'étaient produits en 1976, le juge du jour fréquentait probablement encore l'école primaire. Un des prévenus avait bien 14 ans lorsqu'il avait acquis un lot de terrain dans la commune de Kouba. Or, les héritiers affirment en choeur que le document, le papier timbré, était un faux. Le premier avocat s'avance, sans rire, dit alors que ce fut le défunt père qui était présent dans la confection de ce document. Un document à histoires surtout qu'un des signataires n'est plus de ce bas monde en 2009, au printemps. La justice a l'art peu singulier de tomber sur des dossiers si lourds à traiter qu'elle devient elle-même un engin lourd, lourd à en détourner la face. Deux heures de débats contradictoires ont permis au président de la section «non détenus», Mohamed Yahiaoui, de se faire une idée sur l'authenticité ou non d'un papier timbré signé par le défunt Zouaoui en 1966, remis aux acheteurs de deux lots de terrain en 1981 et le début des histories à ne pas en finir en l'an 2009. Avant la tenue du procès, gigotant d'impatience, le défenseur avait introduit des questions préjudicielles très précises et nettes. Il a introduit des demandes tournant autour de l'article 5 du code de procédure pénale qui soulève le fait qu'une affaire introduite au civil barre le chemin du pénal. En tout état de cause, une âpre lutte s'est déroulée à la barre. Les deux prévenus affirment n'avoir pas signé les papiers timbrés que le percutant et turbulent avocat a désigné sous le vocable de «promesse de vente», car à l'époque les cessions de terrains étaient interdites. L'avocat d'en face, plutôt calme, lui, s'est confiné au nom de la partie civile, à la mauvaise foi des prévenus et s'est dit sceptique sur l'authenticité des documents exhibés. Il demande deux cent mille dinars de dommages et intérêts, tout en pointant du doigt le représentant du ministère public pour ce qui est des demandes des peines prévues par le code pénal. Le magistrat ne s'embarrasse pas de détails. Il a bien suivi les arguments des uns et des autres, il a refusé les longues interventions et surtout les déclarations contradictoires crachées ça et là. Une question à laquelle seul le défunt pourrait répondre : «Si la veuve Aïcha a appris au juge d'instruction que son mari lui avait dit qu'il avait cédé treize lots, pourquoi Aïssa et Ali ne feraient pas partie des acquéreurs ?” Et puis, il y a cette histoire de dates : 1976, 1981,1983, 1993, 1997, 1966, date de la signature anti-datée de la promesse de vente. 1981, remise des documents. 1983, début de la construction. 1993, le fils du défunt affirme avoir surpris le papa et son fils en plein chantier de construction. 1977, seconde date que le fils poursuivant donne comme l'année où il s'est rendu compte que la famille aujourd'hui poursuivie avait entamé les travaux d'aménagement des lieux sans tenir compte de la course effreinée pour obtenir satisfaction de la part de la justice. L'avocat a relevé plusieurs points noirs et beaucoup de non-dits. Les deux témoins ont souffert le martyre face à Med Yahiaoui, le président. «Vous aviez signé sans vous être enquis de la validité de la signature des acquéreurs» a rugi le juge - «Il (le défunt) nous a certifié que la vente était légale. Il nous a demandé nos coordonnées et fait signer le document» a témoigné l'un des deux hommes peu habitué aux débats dans une salle d'audience. Un autre point avait été soulevé : la somme n'était pas en dinars mais en devises sonnantes. Ce qui a fait réagir le défenseur vigilant qui a souligné que jusqu'à présent les nationaux disent deux mille francs le kg de tel produit, «même des bambins demandent à leurs parents mille francs (10 DA)», dit-il entre les dents.