Le Temps d'Algérie : Comment vous est venue l'idée de tourner ce film sur Manuel Texeira Gomes ? Est-ce par rapport à l'histoire contemporaine du Portugal ? P. F. Monteiro : Au tout début, c'est le personnage de Texeira Gomes qui m'a fasciné. C'était un homme très chic, écrivain et collectionneur d'art et président de la République qui se dit un jour : «J'en ai marre, je pars.» C'est ce geste de liberté, pris à 65 ans il faut le préciser, par un soir de décembre 1925, une semaine après avoir démissionné du poste de président de la République, qui m'a fasciné. Aux agents du port de Lisbonne, qui lui ont dit ce soir-là qu'il n'y avait pas de paquebot à destination de l'Afrique du Nord avant un mois, il répliqua d'un ton sec : «Je prends celui qui part maintenant !» Et c'est ainsi qu'il s'était retrouvé dans le cargo grec Zeus dont il était l'unique passager, qui le mena à Oran. Manuel Texeira Gomes débarque à Bougie en 1931, une année après le faste qui a suivi la célébration, par la France, du centenaire de sa présence en Algérie… Je venais en Algérie depuis 2010 pour effectuer des recherches et, au fur et à mesure des voyages, le côté algérien s'est développé. Parce que nous avons eu un financement algérien, nous avons mis l'accent sur ce côté-là (colonialisme ndlr) de l'histoire. Donc en plus du regard de Gomes qui admirait une ville coloniale, le film montrera les réalités algériennes sous l'occupation française. Qu'est-ce que ça vous fait d'être à Béjaïa sur les lieux mêmes où a vécu Manuel Texeira Gomes ? Je ressens une très forte émotion à chaque fois que je monte les escaliers de l'hôtel de l'Etoile qu'empruntait Texeira Gomes pendant onze années. Et quand je vois ces paysages où se mêlent sans contraste mer et montagnes enneigée, je comprends mieux pourquoi Texeira Gomes avait décidé de s'installer définitivement à Béjaïa qui est l'une des meilleures villes de la Méditerranée.