On garde une belle image de lui. Il était beau et son sourire ne le quittait jamais. El Hachemi Guerouabi, qui nous a quittés le 17 juillet 2006, avait réussi à garder son charme et son élégance jusqu'aux derniers jours de sa vie. El Hachemi Guerouabi qui avait choisi de suivre la voie de son maître spirituel El Hadj M'rizek a réussi à devenir à la fois un véritable cheikh du chaâbi traditionnel et une star de la chansonnette comme le voulait le grand compositeur et parolier Mahboub Bati. Guerouabi était un grand chanteur de chaâbi, mais surtout un charmeur. Le petit El Hachemi qui vécut son enfance au quartier de Belouizdad allait vite se faire remarquer par sa sympathie, son beau sourire et ses dons de footballeur et de chanteur. Il avait même joué au basket et au handball. Au début des années 1950, au moment où il avait compris qu'il était très difficile, pour ne pas dire interdit, de continuer ses études sous l'occupation française raciste, Guerouabi se mit d'abord à jouer au football. Le ballon ou la guitare Ses dons pour ce sport lui permirent d'obtenir une place d'ailier droit au Redoute Athletic Club (RAC), mais son amour pour le chaâbi était plus fort. Au début des années 1950, comme tous les jeunes, il entendait El Anka, Khlifa Belkacem, Hadj M'nouer, mais son préféré était Hadj M'rizek. Au quartier, un autre jeune, Abderrezak Bouguettaya, également beau et doté d'une très belle voix, faisait déjà parler de lui. El Hachemi sera vite remarqué par Si Abdelkader M., un technicien radio, sonoriste et moudjahid connu à Belcourt et La Casbah, devenu aujourd'hui homme d'affaires. Si Abdelkader présenta Guerouabi à Mahieddine Bachtarzi qui était chargé par les Français de diriger la section arabe de l'Opéra d'Alger. Bachtarzi, qui était une véritable machine à détecter et fabriquer les artistes, l'encouragea en lui donnant l'occasion de jouer dans des sketchs et à chanter en public. En parallèle, le jeune El Hachemi avait déjà séduit le public de la salle Ibn Khaldoun (ex-Pierre Bordes) en chantant Mir El Ghram. Pantalon classique et pull-over blanc, Guerouabi, qui se tenait debout sans instrument, savait peut-être qu'un jour il allait finir par la chanson moderne. Le futur voudra que son souhait soit mieux exaucé avec l'apport du compositeur et parolier Mahboub Bati qui fera une révolution en modernisant le chaâbi. Cette modernisation est due également à d'autres compositeurs tels que Missoum, Boudjemia Merzak et Mokhtari. On verra alors au début des années 1970 Guerouabi faire un tabac avec El Barah et Megouani Sahrane. D'autres chansonnettes vont suivre, notamment Djouhra, Allô Allô, Ya L'werqa, Hakmet... Il faut noter que Guerouabi, qui a joué dans des sketchs, aurait pu réussir dans le monde de la chanson bédouie et a même enregistré (un essai) une chanson où il s'est fait accompagner de la flûte «gasba». En véritable maître du chaâbi, El Hachemi continuera de chanter les qaçaid telles que El Harraz, El Qahoua Ou letey. Il réussira sur les deux volets, car il avait de très bonnes connaissances des textes, une maîtrise de l'instrument et un sens exceptionnel de la communication. Guerouabi savait s'arrêter et lancer son joli sourire pour entendre un youyou lancé par une femme voilée au fond de la salle ou cachée derrière un rideau lors des fêtes de mariage. Il faut reconnaître que le charmeur aimait les femmes et les femmes l'aimaient. Son public était composé de femmes, mais aussi de jeunes et de moins jeunes. Le chanteur savait diversifier ses productions et répondait aux attentes de tous ses auditeurs. Parti en France, où il avait ouvert une pâtisserie, il restera toujours attaché à son pays et son public qu'il retrouvera à plusieurs reprises, notamment lorsqu'il était invité par Arts et culture pour chanter à la salle Ibn Khaldoun et au théâtre de Verdure. El Hachemi Guerouabi, qui était un grand artiste, avait un look de gentleman et des idoles qui le suivaient lors de ses concerts et ses fêtes de mariage. Sa frange de cheveu et son sourire sont devenus une légende. Grâce à sa voix et à sa réussite, il est devenu le chanteur le plus imité d'Algérie. Bien qu'il soit déconseillé à un chanteur de rester dans l'imitation, beaucoup de jeunes ont trouvé un créneau en se prenant pour des Guerouabi. En fait, le meilleur de ses imitateurs n'est pas son fils Mustapha, mais son neveu Sid Ali Dris qui est également son sosie. Ce dernier est le mieux placé pour jouer son rôle au cas où un réalisateur décidait de consacrer un film au grand chanteur qu'était Guerouabi. palais de la culture: Une «semaine Guerouabi» Ce jour marque les 10 ans de la disparition d'El Hachemi Guerouabi. Ainsi, le répertoire de cet artiste qui a marqué et continue de marquer des générations de fans est à l'honneur au Palais de la culture Moufdi-Zakaria à Alger durant une semaine qui lui est dédiée. On retrouve lors de cet hommage une large exposition contenant pleins d'objets personnels de l'artiste. On retrouve entre autres ses instruments de musique, ses disques de vinyl, ses collections (divers), ses petits carnets. Des photos personnelles de l'artiste jusque-là jamais dévoilées au grand public orneront aussi les cimaises du Palais. Son patrimoine musical et artistique est aussi exposé avec des vêtements traditionnels qu'il a portés ainsi que des toiles d'artistes faites pour lui. Un colloque aura lieu autour de l'œuvre de l'artiste, ponctué de projections de ses apparitions télévisuelles, notamment au cinéma et sur le petit écran, ainsi que ses passages dans des pièces théâtrales. Les deux dernières soirées, les 20 et 21 juillet, seront musicales et feront revivre la mémoire du chanteur à travers l'association culturelle créée à son nom, ainsi qu'à travers une pléiade d'artistes dont Abdelkader Chaou, Lila Borsali, Kamel Aziz, Cheb Anouar, Dalia Chih…qui se succéderont sur la scène du palais de la culture à partir de 19h00 pour reprendre ses plus grands succès. Cette manifestation ouvrira quotidiennement ses portes une semaine durant à partir de 10h du matin.