Voulant réduire coûte que coûte la facture des importations, l'Algérie a mis en place un système de quotas et d'attribution de licences d'importation pour certains produits fabriqués localement, comme c'est le cas pour les véhicules. En effet, les pouvoirs publics reportent depuis le gel des homologations des véhicules décidé par le ministère de l'Industrie, l'attribution des licences d'importation de véhicules neufs. Certes, l'institution d'un tel système date du 1er avril dernier, mais elles ne sont toujours pas débloquées depuis. Alors que la commission spéciale chargée de délivrer les quotas d'importation devait examiner les dossiers des concessionnaires vers la mi-avril, aucune annonce officielle n'a été faite, ni par le ministère du Commerce, ni par celui de l'Industrie. Il faut savoir que la plupart des concessionnaires ont fonctionné cette année avec d'anciens stocks, quasiment épuisés depuis. Une situation qui a mis en difficulté le secteur de l'automobile. Surtout qu'en termes de production locale de véhicules, on est en deçà des attentes du marché. Seules deux marques de cylindrées sont actuellement montées localement, en kit SKD, à savoir Renault et Hyundai, qui n'arrivent pas à répondre à la demande croissante. Cette politique des quotas instaurée par les pouvoirs publics dans le but de promouvoir l'industrie automobile locale, a eu, selon des experts, un impact négatif sur l'équilibre entre l'offre et la demande. Selon eux, il existe un manque total de transparence dans les transactions d'achats, des lenteurs administratives pour débloquer les licences d'importation, à cause de certains conflits d'intérêts. De surcroît, ils estiment que cette situation favorise la spéculation et la corruption dans le secteur de l'automobile, considéré comme un marché juteux. Situation insoutenable Pour les acquéreurs, la situation actuelle du secteur de l'automobile demeure insoutenable. Contactées, les fédérations et associations de protection des consommateurs sont unanimes : «La politique des quotas a perturbé le marché de l'automobile et n'a fait que nuire aux acquéreurs». Zaki Hariz, président de la Fédération des consommateurs algériens, estime que «la restriction des quotas a complètement perturbé le marché. Les prix des véhicules au marché informel se sont envolés, passant du simple au double». Selon lui, ces restrictions sont faites au détriment du consommateur, surtout que les autorités concernées tardent toujours à débloquer les licences d'importation. «Ces retards sont dus essentiellement à des problèmes administratifs et bureaucratiques. De surcroît, l'Etat tente coûte que coûte de faire baisser la facture des importations», a-t-il expliqué. Selon les dernières données des douanes algériennes, la facture des importations des véhicules de tourisme s'est établie à 422,53 millions de dollars durant les quatre premiers mois de l'année 2017, contre 458,6 millions de dollars pour la même période de l'année 2016, soit une baisse de 7,87%. Hariz a estimé également que l'installation «hâtive» de l'industrie automobile n'a pas arrangé la situation, à en croire notre interlocuteur. «Il s'agit d'une solution de substitution qui devait être instaurée depuis au minimum quatre années, afin de pouvoir répondre à une demande en constante augmentation», a-t-il souligné. Selon lui, la spéculation bat son plein, arguant que «quand il y a pénurie, il y a spéculation sur le marché». Les intermédiaires sont pointés du doigt. «Ils gagnent plus de 40 millions en revendant des véhicules neufs», indique-t-on. Mustapha Zebdi, président de l'Association de protection des consommateurs, a qualifié la situation du marché de «véritable souffrance» pour les acquéreurs de véhicules. Il a notamment estimé que le quota attribué en 2016 aux concessionnaires a troublé le marché, demandeur de 300.000 véhicules par an, surtout que les licences pour cette année ne sont toujours pas débloquées. Il s'agit d'une situation «dramatique», qui ne satisfait pas les demandeurs, selon Zebdi. Pour remédier à cette situation, nos interlocuteurs préconisent l'autorisation, même temporaire, de l'importation des véhicules de moins de 3 ans, pour qu'il y ait une concurrence loyale, afin de stabiliser les prix du marché. Selon eux, il faudrait autoriser les particuliers à acquérir par leurs propres moyens des véhicules. D'autant plus que, selon eux, le taux d'intégration de 15% dans l'industrie automobile n'est pas respecté. Afin de mettre un terme à la spéculation qui a la mainmise sur le secteur de l'automobile en Algérie, ils demandent l'interdiction de revendre les véhicules neufs avant deux ans d'acquisition. Les pouvoirs publics sont tenus de prendre leurs responsabilité vis-à-vis des citoyens, mais aussi pour protéger l'économie nationale.