Une pénurie de légumes secs s'annonce d'ores et déjà avant l'entame de la saison hivernale. La denrée alimentaire principale du citoyen algérien vient à manquer sur les étals. Constat fait auprès des importateurs, grossistes et autres supérettes et épiciers de quartier. «Ce n'est que le début et le citoyen ne s'en rend pas compte encore», a déclaré un gérant de grande surface. Et d'ajouter : «Les prix de ces produits augmenteront de 50 à 80 DA le kilo, ce qui est énorme. Un kilo de lentilles passera de 70 à 150 DA ! Idem pour les haricots blancs et les pois chiches.» Pour avoir plus d'information et afin de le vérifier, nous nous sommes rendus à la «bourse» de Semar à l'est d'Alger, où se trouvent environ 300 magasins spécialisés dans les produits agroalimentaires d'où les 48 wilayas du pays viennent s'approvisionner. Le manque se ressent et les commerçants paniquent. Le prix des haricots blancs qui avoisinait les 50 DA il y a un peu plus d'un mois est monté en flèche pour atteindre 120 DA le kilo au marché de gros. Le début de cette pénurie remonte à la fin du mois de juillet passé, au moment de la promulgation de l'ordonnance numéro 64 qui exige des importateurs «la lettre de crédit». Brahim, un jeune importateur spécialisé dans l'agroalimentaire, nous explique : «Avant cette ordonnance nous travaillions sur la base de la remise documentaire c'est-à-dire payement contre document. La procédure était très facile avant juillet. On a commencé à acheter dès cette période en prévision de l'hiver. On attendait l'arrivée des containers au port d'Alger pour se présenter à la banque où nous sommes domiciliés, et payer la facture de la marchandise contre des documents attribués par la banque que l'on présente au transitaire qui s'occupe de faire sortir notre marchandise. Cela se passait ainsi pour tous les produits. Mais depuis l'ordonnance 64 et la loi de finances complémentaire, les choses ont changé en mal malheureusement pour nous et le consommateur.» Une loi,une pénurie Concernant le nouveau système contenu dans la loi de finances, Brahim retrace en exclusivité pour Le Temps d'Algérie le périple qu'il qualifie d'épuisant car il doit payer la marchandise avant même son embarcation du pays fournisseur. «Imaginez un container de lentilles et de haricots à 2 millions de dollars. Je dois bloquer mon argent et encore il faut avoir ces 2 millions de dollars dans une banque et attendre 3 mois avant l'arrivée de la marchandise au port d'Alger.» Et de renchérir : «Ajoutez à cela les frais qui accompagnent ce transfert. C'est quasiment impossible de continuer ainsi.» C'est ce qui a amené, d'ailleurs, une grande partie des importateurs à cesser leur activité, selon notre interlocuteur. Brahim a relancé aussi un autre débat qui est celui de l'Etat qui accepte des sociétés d'importation à un capital de 10 millions de centimes et impose par la suite des lettres de crédit à 20 millions de dinars. «Il y a une grande contradiction et un faussé énorme entre les textes et la réalité. Pis encore, l'Etat se contredit lui-même.» «Cette pénurie n'est que le résultat de cette bureaucratie, et on va connaître encore une grande pénurie d'ici l'hiver.» A-t-il conclu. Les 48 wilayas et les autres… Ahmed est un autre importateur rencontré sur les lieux du marché de gros de Semar. Il a avancé un autre souci et des pratiques qui échappent à l'Etat : «Le marché de Semar alimente nos 48 wilayas mais aussi une dizaines d'autres wilayas des pays voisins.» L'importateur n'a pas mâché ses mots : «Oui, il faut savoir que des contrebandiers marocains, tunisiens, maliens et j'en passe, viennent s'approvisionner chez nous de façon illégale.» Ahmed a expliqué ce phénomène en se basant sur des données économiques : «Il faut savoir que la taxe douanière en Algérie est inférieure à la taxe marocaine, tunisienne ou autre. Un importateur tunisien gagne cinq fois plus en achetant de chez nous plutôt qu'en important d'un autre pays par la voie légale.» Les importateurs lancent un appel aux autorités afin d'alléger les procédures dans l'intérêt des citoyens.