On sait que l'ENTV peut tout accepter sauf l'essentiel : la contradiction. Mais on pensait qu'elle pouvait quand même faire quelques concessions sur des sujets que toutes les télévisions de son «rang» ont utilisés comme signes d'ouverture. Les plateaux de variétés, les émissions sportives et quelques programmes de proximité qui présentent l'avantage de montrer qu'on est à la page des problèmes quotidiens du citoyen et de faire entendre quelques voix discordantes qui peuvent dire à un maire ou une autre autorité locale que les choses vont mal, sans gros risque de «débordement» sur les questions de fond. L'ENTV et ses trois autres démembrements ne vont même pas jusque-là. Ses micros ne captent que la bonne parole, ses plateaux sont aseptisés et ses images incolores et inodores. La chose est tellement entendue que les réflexes de «retenue et d'auto-censure semblent définitivement installés, y compris chez des invités et autres intervenants à qui on ne demande pas forcément de bannir de leur parole toute forme d'irrévérence, de ne jamais dire le contraire de son voisin de table et de ne jamais se «mouiller», y compris sur les questions les plus banales. C'est que les «invités», comme les autres intervenants ont de qui tenir, puisque par on ne sait quelle obligation, ils ont plus la propension à faire imiter les animateurs et journalistes de l'ENTV qu'à oser défendre leurs idées ou simplement parler comme ils le font en dehors des plateaux. Comme dans un contrat tacite, les règles du jeu sont fixées sans qu'on ait vraiment besoin d'en parler. Y compris dans ces moments bénis où on aurait pu se permettre quelques insolences et, luxe suprême, oser la contradiction. Au lieu de cela, on se retrouve face à des alignements où il est interdit de hausser le ton et même d'intervenir de façon impromptue. Les plateaux de l'ENTV sont des rendez-vous pour fils de bonne famille, bon chic bon genre, qui se renvoient les politesses et oublient les sujets qui fâchent. Après tout, n'y a-t-il pas encore des commentateurs incapables de dire s'il y a hors-jeu ou pas dans un match de foot sous prétexte que «seul l'arbitre peut en décider», ou, comble du cynisme, «c'est aux téléspectateurs d'en juger !» ? Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir