Dès leur arrivée sains et saufs, jeudi dernier au port d´Alicante, mais dans un état second qui renvoie à la détresse subie pendant six heures de lutte pour leur survie durant le naufrage de leur patera en haute mer, la première pensée des huit rescapés, sur les douze harraga algériens qui se trouvaient à bord, fut de contacter leurs proches. «Nous voulons téléphoner à nos familles pour les tranquilliser.» Tranquilliser les siens, certes, mais annoncer aussi la tragique nouvelle aux familles des quatre autres compagnons dont deux sont morts et deux autres toujours portés disparus. Les plus chanceux sont ceux qui avaient pu s´agripper à tout objet flottant au moment où leur petite embarcation était renversée par une vague, à quelque 40 km au large d´Alicante, parfois un semblant de matelas de piscine, le temps qu´arrivent les secours. «Ils sont arrivés nus au port d'Alicante !» «Ils sont arrivés nus, juste recouverts de couvertures offertes par l´équipe de secours», témoigne Amor Alemany, la traductrice de la Croix Rouge espagnole, présente au port d´Alicante où les médecins et les infirmiers de cette organisation humanitaire s´employaient à leur apporter les premiers soins. «L´un d´entre eux avait demandé du café, un autre du chocolat chaud, et d´autres qui parlaient seulement arabe disaient, par des gestes, qu´ils avaient faim.» La Croix Rouge leur avait offert d´abord du liquide, car ils portaient tous des signes de déshydratation, des vêtements, et finalement de la nourriture. Certains demandaient un portable à la traductrice : «Nous voulons rassurer nos familles.» La nouvelle du naufrage n´était pas encore connue, certes, mais voilà trois jours qu´ils auraient dû donner signe de vie à leurs familles. Au moins après les 15 et 16 heures que devait durer la traversée qui avait commencé tard lundi. «Ils tenaient à rester solidaires durant le naufrage !» «Il y avait une grande solidarité entre eux», raconte Alemany. «Ils venaient de vivre une tragédie incroyable dont ils sont sortis vivants par miracle, d´abord grâce à leur courage qui a surpris les équipes de secours. Ils se préoccupaient sans cesse du sort de leurs camarades qui étaient absents», raconte l´interprète qui reconnaissait en eux l'étoffe de héros. «Ils avaient tenu à rester ensemble, unis, au plus fort du naufrage», dit, visiblement impressionné, un membre de la Guardía Civil (gendarmerie) qui avait pris part à l´opération de secours en haute mer. Agés entre 16 et 27 ans, ils ont déclaré aux gendarmes que leur patera avait fait naufrage jeudi matin dans une mer soudainement démontée. «Comment ont-ils pu tenir pendant six heures ?», s´étonnent les enquêteurs. Certes, un yatch qui passait par là avait donné l´alerte avant de repêcher le plus chanceux d´entre eux. Ces jeunes paraissaient «bien portants», pour ce gendarme qui voulait savoir s´ils faisaient du sport. La réponse a été «oui» ! Peu bavards sur leur identité et leur origine Aux questions sur les conditions d´organisation de la traversée pour les besoins de l´enquête ils vont se montrer, en revanche, peu bavards. Rien non plus sur leur nationalité, lieu de naissance, noms et prénoms, histoire de brouiller la procédure en vue de leur expulsion. Ils reconnaissent seulement, (pouvaient-ils faire autrement ?) qu´ils sont partis, quelque part, de la côte algérienne. Les autorités espagnoles n´insistent pas trop sur ces questions, assurées que les familles de ces harraga ont déjà pris contact avec leurs homologues algériens, à la recherche de leurs enfants dont quatre sont des mineurs.