En faisant élire des dizaines de parlementaires sous sa bannière, le Mouvement 5 Etoiles (M5S) de l'ex-comique Beppe Grillo a dépassé tous les pronostics, devenant un acteur incontournable de la scène politique italienne avec lequel il faudra compter. Avec plus d'un quart des suffrages, les 5 Etoiles sont devenus le premier parti politique italien au parlement et la troisième force derrière les coalitions de droite et de gauche. Grillo va jouer un rôle décisif. Il doit décider s'il va conclure un accord limité avec la gauche ou alors militer en faveur de nouvelles élections", estime Roberto D'Alimonte, professeur de Sciences politiques à l'université romaine Luiss. "Il a tous les atouts dans son jeu", souligne-t-il. Que de chemin parcouru pour ce blogueur de 64 ans qui a fait une campagne marathon à travers toute l'Italie, rassemblant lors de ses meetings des milliers d'Italiens exaspérés. Ce tribun a su surfer sur le rejet de la classe politique et l'exaspération de ses compatriotes, de gauche comme de droite, contre l'austérité. Il a fondé son mouvement en 2009, et grâce à son blog (le plus lu d'Italie) il a su séduire nombre d'Italiens, notamment chez les jeunes. Une ascension encore accentuée par les scandales de corruption dans les partis politiques qui ont éclaté ces derniers mois dans la péninsule: de simple mouvement citoyen basé sur internet, le Mouvement 5 Etoiles est devenu une véritable force politique. Premier signe de ce nouveau statut dans la cour des grands, une victoire fracassante aux élections régionales d'octobre en Sicile, où il est devenu le premier parti. Une fois installés, les élus du mouvement se sont attirés les faveurs de l'opinion publique en taillant leurs propres salaires pour créer un fonds d'aide destiné aux petites entreprises. Ils ont également obtenu l'annulation d'un projet d'installation d'un système radar américain dans une réserve naturelle: un exemple des problèmes locaux auxquels sont très attachés les partisans de Grillo. Pour les législatives, fidèle à sa base internet, le parti a défini son programme à partir de contributions en ligne. Nombre des parlementaires estampillés 5 Etoiles élus lundi sont très jeunes - certains ont à peine 25 ans, l'âge minimum requis pour entrer à la Chambre - et portent en avant un mélange éclectique de mesures en faveur de l'environnement et de la protection sociale. Quasiment tous les élus sont novices en politique et viennent d'horizons très différents: étudiants, femmes au foyer, médecins, ouvriers au chômage et même un astrophysicien. Les partisans de Grillo affirment que cela va insuffler une nouvelle vie dans la politique italienne. Ses adversaires critiquent en revanche un groupe populiste imprévisible aux objectifs totalement irréalistes, comme l'annulation de la dette italienne et la semaine de travail de 20 heures. Le mouvement "n'as pas de porte-parole ou de mécanisme clair de prise de décision", observe James Walston, professeur de Relations internationales à l'université américaine de Rome. D'où la difficulté d'avoir des interlocuteurs fiables pour créer d'éventuelles alliances. Pour Mauro Calabresi, directeur du quotidien La Stampa, "il est possible et il faudra trouver des convergences entre les partis traditionnels et les nouveaux parlementaires 5 Etoiles. Ils doivent être traités comme une ressource, pas comme des ennemis". Autre complication: Beppe Grillo lui-même n'entrera pas au parlement, car une condamnation pour homicide involontaire dans un accident de voiture dans les années 80 l'a empêché de se présenter, le Mouvement 5 Etoiles excluant les candidats ayant un casier judiciaire. Dans une interview lundi soir, Beppe Grillo a prédit que les partis politiques traditionnels ne dureraient "pas plus de sept ou huit mois". "Ils ont échoué, aussi bien à droite qu'à gauche. Ils sont là depuis 25 ans et ils ont conduit le pays à la catastrophe. Le problème de l'Italie, ce sont ces gens-là. Ils ne dureront pas longtemps. Pas longtemps du tout", a-t-il mis en garde.
