Tous ceux, spécialistes, acteurs politiques et simples observateurs qui voyaient en l'arrivée d'Abderrazak Mokri à la tête du MSP un signe de radicalisation à terme de la ligne du parti sont maintenant édifiés. Ils attendaient un «Ali Benhadj» en costume-cravate en plus et l'aura en moins, ils ont découvert un contorsionniste de haut vol. Et beaucoup parmi tout ce beau monde, avant de découvrir le Mokri nouveau plébiscité, ne lui donnaient pas beaucoup de chance de parvenir à la plus haute responsabilité du mouvement. Certes, la désignation d'un homme au profil adapté à la nouvelle posture du MSP était dans l'air mais il était loin d'être acquis, la voie de Soltani comptant toujours et le conseil consultatif n'ayant pas encore renoncé dans sa majorité à sa ligne participationniste, voire entriste. Entre Saïdani, l'incolore «fréquentable», et Mokri, le fougueux imprévisible, il fallait trouver la juste synthèse et pas forcément sous la forme d'un troisième homme. Pour sceller le compromis politique, on a trouvé une formule qui consacre la troisième voie en ramenant Mokri à l'apaisement pour pouvoir en être l'incarnation et, le cas échéant, l'effaroucheur en service commandé. C'est qu'on ne pouvait pas le sacrifier, le Mokri. Son poids dans les structures est évident, son discours sans tentant pour toute la soldatesque de base qui ne s'est jamais accommodée de la ligne à fréquence modulable de leur parti. Et le voilà qui inaugure le discours du «MSP nouveau» par ce qui aurait du être une plate évidence chez un parti politique : ou on est au pouvoir, avec une majorité qui permet de l'exercer dans toute sa plénitude, ou on ne l'est pas, ce qui implique qu'il faut faire son «métier» d'opposant sans concession. Voilà qui, en théorie, seulement en théorie, peut être considéré comme une ligne de rupture avec ce qui a toujours fait du MSP un parti sans identité, en dehors de sa «mission» qui consiste à incarner un islamisme bon chic bon genre. Avec, suprême gage de fréquentabilté, une ambition au rabais, dans le contexte de son placement au-devant de la scène. Sinon, il n'aurait pas accepté une présence toute «symbolique» dans les gouvernements successifs dont il n'a pas toujours su quoi faire, au point de développer souvent un discours hilarant de duplicité. Et un malheur n'arrivant jamais seul, la gestion ministérielle des strapontins qui lui ont été concédés n'a pas été un exemple de réussite, ni en termes de réalisation, ni en termes de moralité, le comble pour un parti qui en a fait un credo. Mais si l'appétit vient en mangeant, l'ambition grandit avec le temps. Surtout que la conjoncture est venue, avec une relative rapidité, faire miroiter le sommet à un parti, patiemment installé dans l'attente puisée dans la doctrine qui l'a toujours inspiré. Pour le MSP et tous les autres démembrements islamistes, l'heure de la consécration avait sonné. Le printemps arabe ne pouvait pas épargner un pays qui en a esquissé toutes les trajectoires et le terrain politique était nettement balisé. La désillusion était grande mais l'épreuve avait le mérite de faire entrevoir autrement la perspective. Il y a maintenant un sérieux problème au MSP. La rue est désormais une vieillerie stratégique et l'entrisme une tactique aux résultats dérisoires. Ainsi, Mokri est porté aux commandes pour faire valoir ses capacités de nuisance, sa marque de fabrique personnelle. En même temps, il est appelé à montrer que la disponibilité de son mouvement à «composer» a résisté à l'usure. Exercice au demeurant difficile, mais le MSP n'a pas vraiment le choix.