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LE CHANT MAGIQUE
Marguerite Taos Amrouche
Publié dans Le Temps d'Algérie le 11 - 02 - 2009

Pleine d'espoir et d'émotion, elle se frayait un passage, une place pour coller le verbe languissant à toutes les bouches. Issue d'une famille berbère d'Algérie et sœur de l'écrivain Jean Amrouche, Taos se libère par le chant millénaire que lui a transmis sa mère. "Chant de cueillette des olives, O mali mali !" L'aubade rituelle, l'appel à la joie, le chant de l'exil, la marche héroïque et autant d'autres chansons-poèmes forment un répertoire culturel inestimable pour l'Algérie.
Taos Amrouche disait elle-même qu'elle faisait un travail acharné, une lutte pour faire connaître, pour imposer l'évidence de l'authentique valeur de ce patrimoine. Si elle est l'artisan de ce travail, c'est surtout à l'honneur des Algériens, des Maghrébins et des Africains.
Une voix rien qu'une voix, sublime et envoûtante, brûlante, comme la braise des montagnes. Son chant est un rythme du métier à tisser la laine, d'un mortier, d'un moulin à blé ou une simple complainte, celle d'une mère qui endort son petit. C'est une femme libre, elle fut comme El Kahina, ou Fadhma N'soummer, Hassiba ou les Djamila.
Elle fut à la pointe des luttes féminines maghrébines, dans une époque où la femme n'avait pas de place dans la société. "Pas de fleurs, pas de feuilles, mais le chêne-zen, dépouillé, au tronc rude, qui sent l'odeur de la terre, le roc brûlé par le soleil.
La première Algérienne ayant osé écrire ce qu'elle a vécu
Les aïeules de cette étrange fille devait emporter les morts et changer les fusils dans les batailles". C'est ainsi que l'écrivain Henri Bosco la décrivait. Les hommes des arts et des lettres qui l'ont connue, l'on appréciée.
Kateb Yacine en signant l'introduction de ces livres, disait : "J'ai voulu être présent au grand événement que constitue pour nous la parution d'un tel livre. Il s'agit d'un défi aux bouches cousues. C'est la première fois qu'une femme d'Algérie ose écrire ce qu'elle a vécu, sans fausse pudeur et sans détour.
L'écrivain Jean Giono lui disait à propos des olives : "Mais nous appartenons à la civilisation de l'olive". Elle lui répondit : "Ah ! Mais vos olives sont toutes petites, et puis, vous les cueillez une à une. Nous, nous avons tant, et nous sommes obligés de les gauler". Mohamed Dib, Driss Chraïb, Mouloud Feraoun, Malek Haddad, Emmanuel Roblès, Mohamed Khaïr Eddine et d'autres écrivains se sont intéressés à cette chanteuse et écrivain que fut Marguerite Taos Amrouche.
"A toi la force et la santé, gauleur d'olives. Fils de la panthère au bras de lion. Tombe la pluie, tombe sur les routes.
Tombe la pluie sur les jujubiers ? Oh ! Ramasseur d'olives. Un coup de collier, l'ouvrage est fini" L'Alborada est aussi l'aubade rituelle qui se dansait dans les montagnes d'Algérie lors des cérémonies. Les femmes revêtaient leur robe de fête et s'encapuchonnaient de blanc. Les mains teintées de henné. Très tôt à l'aube, elles dévalaient les pentes et chantaient le poème que nous transmet Taos Amrouche.
"Oh ! toi avec qui j'ai partagé la joie
Viens et réjouis-toi avec moi
Rends-moi la joie que j'ai donnée depuis longtemps.
Depuis longtemps nous étions dans un champ d'ombre.
Mais voici que l'astre vient de naître
Déjà se réjouis sa lumière"
Chants et poèmes datant de l'Egypte millénaire et de la Grèce antique
Les chants et les écrits de Taos Amrouche resteront comme un témoignage brûlant d'une ferme passionnée par la culture de son pays, qui est l'Algérie. Elle ne supportait ni la tiédeur, ni la médiocrité, encore moins le mensonge.
Les tabous étaient terribles et persistent jusqu'à présent sous d'autres formes importées. Cette convention stimula sans doute la mère, puis la petite fille qu'était Taos, à œuvrer davantage pour avoir plus de liberté. Elle la retrouvera en creusant dans la mémoire de ses ancêtres, une culture millénaire. Et dans sa voix flotte une nostalgie infiniment lointaine, une lumière nocturne d'au-delà, la présence d'un pays intérieur dont la beauté ne se révèle que dans la mesure où l'on sait qu'on risque de le perdre.
L'écrivain marocain Mohamed Khair Eddine disait à propos de cette femme : "Taos tire ce qui fait de l'histoire un miroir réversible, une culture terrienne, immémoriale que tous, depuis les phéniciens et les romains ont tendance à effacer pour mieux imposer des systèmes strictement politiques et mettre ainsi la main et le pied sur l'âme des Maghrébins, les empêcher d'être autre chose que les éléments obéissants d'une structure qui n'est pas faite pour eux, ni pour leur salut". Taos est issue des "rouât".
Elle nous transmet des chants et des poèmes qui datent de l'Egypte millénaire et de la Grèce antique. Son frère, Jean Amrouche, les a traduits en 1939.Les musicologues estiment que ces chants remontent à cinq mille ans.
Ces chants ont été transmis oralement et vivaient de bouche à oreille. Taos les a recueillis par le biais de sa mère Fadhma Ait-Mansour. Il y a plusieurs styles dans le chant de Taos Amrouche. Sa mère qui voyageait beaucoup et son grand père qui a épousé diverses femmes venant de tous les coins du Maghreb, chacune d'elles drainant son folklore, et sa tradition y sont pour beaucoup.
D'après Yvette Grimaud, les principaux styles se présentent comme suit : "Addeker", qui signifie Dieu soit loué, est noble et n'admet aucun accompagnement. C'est à ce courant qu'appartiennent les chants de procession, les chants funèbres et les danses sacrées.
"Assebboghrer", également solennel, comprend les chants de noces, les incantations et les chants rituels de l'ombre. "Ammedah", propre à ceux qui glorifient, auquel se rattachent les chants épiques, satiriques et les grandes complaintes et chants de guerre. "Achoueq", les chants du foyer, les berceuses, les chants d'exil et de médiation.
"Ahiha", aux pulsations rythmiques plus accusées, est spécifique aux chants de travail. "Arrenni", propre aux airs de danse et chansons, appartenait à la catégorie "Ifferahen" ceux qui se réjouissent, et "Assihel" propre aux grands chants d'amour exécutés par les chanteurs venus du Sahel.
En tant qu'écrivain, elle a publié deux romans : Jacinthe noire et Rue des tambourins et une œuvre autobiographique Histoire de ma vie, qui n'est pas une réponse aux questions d'une interview plus au moins anthropologique, comme le note Michele Côte. Ce n'est pas aussi le cas pour l'Indien de Soleil Hopi, le Paysan Pedro Marintez d'Oscar Lewis ou le Nègre Cimarron d'Eschav à Cuba. Cet ouvrage se veut avant tout comme un témoignage.
Un arbre de jouvence inconnu des civilisations
Kateb Yacine destine à Fadhma ces lignes : "Le livre de Fadhma porte l'appel de la tribu semblable à la mienne, plurielle et pourtant singulière, exposées à tous ces courants et cependant irréductible, où s'affrontent sans cesse l'Orient et l'Occident, l'Algérie et la France, la croix et le croissant, l'arabe et le berbère, la montagne et le Sahara, le Maghreb et l'Afrique (…), la tribu de Rimbaud et de Si Mohand, d'Hannibal, d'Ibn Khaldoun et de Saint-Augustin, un arbre de jouvence, inconnu des civilisations."
Marguerite Taos Amrouche, écrivaine et interprète de chants berbères de Kabylie, est décédée le 2 avril 1976 à l'âge de soixante-trois ans. Née le 4 mars 1913 à Tunis, de père et de mère kabyles, elle laisse derrière elle, aussi l'Amant imaginaire, le Grain magique, Jacinthe noire et Rue des tambourins épouse du peintre André Bourdil, mère de l'étonnante comédienne Laurencé Bourdil, Taos Amrouche a vécu dans un monde où la mort du corps n'est pas une mort définitive.
Chants de noces et de danses, la poésie de Toas brise les interdits, et de sa voix rude et exaltante, elle exprime le sentiment de la femme qui berce son enfant. Elle chante celle qui, à longueur de journée, tourne la meule, file ou tisse la laine.


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