La marche vers le suffrage universel et le verdict des urnes, expression de la souveraineté et de la volonté du peuple, n´est pas un long fleuve tranquille. Si dans certains pays d´Europe, il a fallu des révoltes, des émeutes ou des révolutions pour amener les monarques absolus à rédiger des chartes qui règlent les problèmes de souveraineté, la France demeure un cas particulier dans ce processus. C´est sous un roi qui avait la manie de frapper de la fausse monnaie (c´était une manière astucieuse de dévaluer la monnaie pour combler les déficits budgétaires) que furent convoqués les états généraux qui groupaient les trois ordres du royaume. Les représentants désignés devaient soutenir le roi qui avait un conflit avec le pape, parce que c´était le Saint-Siège qui faisait office de Banque centrale des pays chrétiens et qui décidait de la validité des monnaies. Le roi acquérait ainsi une certaine légitimité. D´autres états généraux furent convoqués sous d´autres prétextes: pour régler une affaire de succession sur le trône ou pour lever de nouveaux impôts. C´est le plus souvent pour ce dernier argument que l´autocrate faisait appel à son bon petit peuple. Rien n´a changé sous le ciel et c´est pour demander au peuple de serrer la ceinture ou pour faire face à un péril extérieur que les dictateurs se souviennent du peuple. Quand il s´agit de se partager les dividendes du produit national, c´est lui qui reçoit la portion congrue. Quoi qu´il en soit, l´appel à la souveraineté du peuple épargne au régime en place de prendre des mesures impopulaires qui entraîneraient fatalement des émeutes ou une guerre civile. C´est peut-être grâce à ce sens des responsabilités que les théoriciens de la démocratie évoquent la légitimité d´un gouvernement dans ses rapports avec la souveraineté populaire. Petit à petit, conquête après conquête, des régimes démocratiques se sont mis en place grâce aux différentes formules d´élections imaginées par les hommes politiques, et toute décision émanant d´une assemblée législative régulièrement élue ou d´un exécutif émanant de cette assemblée reflète automatiquement la souveraineté populaire: l´expression populaire ne dit-elle pas que «celui qui est frappé par sa propre main ne doit pas pleurer», quand on choisit des mauvais représentants ou qu´on vote pour des partis douteux, on ne doit en vouloir qu´à soi-même. L´idéal est que les décisions de l´exécutif correspondent à la souveraineté nationale, c´est-à-dire aux intérêts du peuple tout entier. Hélas, dans les pays sous-développés, qui sont des pays anciennement colonisés, il en est autrement. Les systèmes mis en place après l´accession à l´indépendance, ne représentent pas, dans leur grande majorité, la souveraineté populaire parce qu´ils émanent de coups d´Etat ou d´élections truquées: tout repose sur la force des baïonnettes comme dirait le comte de Mirabeau, d´une police fortement répressive et d´une justice instrumentalisée selon les voeux de ceux qui prétendent dans leurs discours patriotiques de circonstance, parler au nom du peuple. Cependant, tous les gouvernements de ces régimes «autoritaires» ne sont pas faits du même bois: certains travaillent au développement de leur pays, développent des infrastructures nécessaires pour créer des emplois et améliorer le quotidien de leurs citoyens dans les divers secteurs d´activité: agriculture, tourisme, éducation, santé, tourisme, culture... Cela leur garantit une indépendance économique relative... Cela ne les empêche pas de se remplir les poches et celles de leurs familles au passage. D´autres par contre, ne cesseront pas, par esprit de facilité ou par paresse intellectuelle ou par manque de volonté, de tourner le dos à l´aventure du développement tous azimuts: ils préféreront faire appel à l´importation effrénée de produits de consommation, démantelant ainsi des pans de leur balbutiante industrie, exposant leur maigre appareil productif à la concurrence déloyale des produits étrangers. D´autres feront pire: ils intègreront même, suprême injure à la souveraineté nationale, les sociétés étrangères dans la production des services. La limite de l´absurde est franchie quand les salaires sont décidés par des institutions étrangères. Enfin, la souveraineté nationale est reflétée par une bonne gouvernance qui se mesure par la structure des échanges économiques. Un pays, qui dépend de ses ports et qui par ailleurs, sont gérés par un organisme étranger, ne peut se prévaloir d´une quelconque indépendance.