L'appel, c'est connu, permet de corriger les bévues du juge unique de la première instance! Ouaâouh! La famille Mokhbat qui «fait» dans la viande, toutes les viandes, y compris celles du poisson, voit arriver Ramadhan (dans moins de vingt jours!) en rose. Le papa Houcine et son fils Abdelkader avaient écopé, il y a trois semaines, d'une lourde peine d'emprisonnement ferme de deux ans pour détention, exposition à la vente de matière périmée et frauduleuse (articles 431, 433, 434 du Code pénal, outre l'article 62 de la loi n°03-09 relative à la protection du consommateur). Le juge du tribunal avait un dossier et n'a voulu ni suivre le père, ni le fils, ni même leur avocat Maître Mohammed Fethi Guertili, qui s'était révolté au cours de son admirable plaidoirie où il avait mis en exergue, que de nos jours, l'exception est devenue la règle. «Nous avions confectionné un dossier solide surtout que cette famille n'est pas tombée de la dernière pluie. C'est une famille professionnelle qui sait ce que c'est une viande potable et une autre périmée.-Non! La défense refuse cet état de fait». Cette diatribe a eu lieu, durant la première quinzaine du mois de juin 2011. Le résultat fut catastrophique. Cette fois, l'avocat de Didouche était accompagné d'un jeune de Médéa et d'une charmante jeune avocate qui ont le mérite de ne pas trop s'étaler et donc ennuyer le trio mené vaillamment par ce Tayeb Hellalli, un président réputé comme étant sévère, certes, mais tolérant face à ceux qui ont des arguments frappants. D'ailleurs, le président a été plus qu'attentif et les deux prévenus ont eu tout le temps d'expliquer cette «non-catastrophe», car, dira d'abord Houcine M., «Nous sommes tenus d'attendre le revendeur du pays exportateur avant de nous débarrasser de toute matière périmée.» Et le fils Abdelkader de renchérir: «Nous regrettons que les juges d'instruction et du siège de Hussein Dey ne nous aient pas fait confiance. Ils s'étaient rabattus sur les procès-verbaux des gendarmes, réputés pour leur rigueur, leur rigidité lors des investigations. Les deux prévenus avaient tout de même réussi à capter l'attention du trio de magistrats, mais pas celle du procureur général. Le chapitre plaidoiries aura été le «clou» de l'audience du jour. Complémentarité, symbiose, réalité, analyses logiques et surtout rigueur dans les démonstrations pour ce qui est, d'une part, la découverte des 8000 tonnes de viande bovine en attente du contrôle avant la destruction de la marchandise, et d'autre part, le merlan congelé périmé, devant connaître aussi le même sort: on crie à la triche! Alors que la vérité est que toute marchandise périmée ne peut être détruite qu'en présence du fournisseur étranger! «Oui, c'est bizarre, mais c'est comme ça!» s'écriera Maître Guertili que rejoindront ses deux confrères dans les analyses exposées à un Hellalli si intéressé, qu'il sautera l'obstacle «mise en examen sous huitaine» du verdict en décidant sur le siège, de la relaxe des deux prévenus emportés par une joie légitime, surtout que les trois défenseurs avaient, chacun à sa manière, informé la chambre correctionnelle d'Alger que Ramadhan tapait à la porte et que les Mokhbat attendaient de retrouver la liberté avant de passer les commandes d'usage en cette période de jeûne, une période, convenez avec moi, M. le président, qui voit la demande en viandes augmenter du même volume que les ventres et tripes vides durant les journées de jeûne. Hellalli sourit. Et ce sourire multiplié par trois (un pour chaque plaideur) sera l'annonce de la libération des deux membres de la famille qui vit de viande, par la viande, et qui a même fait de la prison, à cause de la viande! Un comble à la veille de Ramadhan, le mois du pardon, de la piété et de l'adoration d'Allah.Une chose est certaine: la famille Mokhbat a quitté le cauchemar pour retrouver les chambres froides, les viandes et poissons, de quoi permettre aux ventres des jeûneurs de se remplir aisément à condition que le jeûne soit accompagné de travail, de sueur, de prières, de contemplation et d'oeuvres utiles envers la société et le prochain. Quant à Maître Guertili, il s'intéresse au mouvement partiel des magistrats, juste pour pouvoir se rendre compte s'il a vu juste à propos d'un juge du siège ou qu'il est passé à côté.