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Celle par qui le scandale arriva
CHEIKHA RIMITTI
Publié dans L'Expression le 18 - 08 - 2001

Mais quelle mouche a donc piqué la grande diva du gallal pour faire de l'indifférence des commis de l'idéologie dominante une excuse valable pour repartir comme elle est venue, tournant le dos à ses nombreux fans ainsi qu'aux fondements idéologiques du genre qu'elle propage, contre vents et marées, depuis plusieurs décennies déjà?
Par cet acte discutable autant qu'inqualifiable, savamment récupéré par ceux qui voient désormais l'Algérie avec les yeux de l'autre, il va sans dire qu'elle se place, inéluctablement, aux antipodes des idées maîtresses à l'origine de la réémergence du raï. Un genre qu'elle affectionne tant et qui est, de l'avis de Bouziane Daoudi et Hadj Miliani , moins l'expression d'une culture urbaine consommée que celle d'un état transitoire où les individus se trouvent précisément au carrefour des modes de comportement et de vécus sociaux à la frontière de la cité et de la campagne, de l'individualité et du communautaire. Comme par un souci de perpétuer l'ambivalence ayant présidé à sa naissance, le raï d'aujourd'hui, que porte superbement la diva, devenu un mouvement musical générique et référentiel, se décline entre une aventure musicale internationale et une fidélité aux sons - et aux céans - qui lui ont donné le jour.
Chansons frondeuses, tel Hadj Guillaume du nom du kaiser allemand, pendant la Première Guerre mondiale, lit-on dans L'Aventure du raï, chansons franco-arabes des années 20, couplets anonymes sur les Relégations à Cayenne et en Nouvelle-Calédonie, chants de passion brûlante des premières cheikhate - maîtresses traditionnelles de l'improvisation raï -, mélodies égyptiennes et rumba cubaine langoureuse, chanson oranaise des années 50 constitutive d'une oranité nostalgique et rock yé-yé de la décennie suivante, vont former le terreau de cette expression qui représentera une véritable rupture avec les litanies rassurantes et ronronnantes qui monopolisent les médias algériens, tous aux mains du pouvoir de la fin des années 70, quand émerge le nouveau raï, celui des guitares et synthétiseurs.
La mamie du raï
Bien loin des officiels auxquels Cheikha Rimitti semble accorder une importance, le raï est la merveilleuse expression de l'élan de créativité d'une jeunesse longtemps marginalisée, aux mots toujours trop crus parce que, peut-être, trop vrais, peu encline aux ronds de jambe et à l'euphémisme et qui exhume, souvent par ouï-dire, toute une mémoire musicale immergée dans les sons de la modernité. Ghozali, fledjbel y lagat nouar, le dernier tube de celle qui a été surnommée La mamie du raï, en est une des merveilleuses illustrations.
Volontairement ou non, tous les Algériens ont écouté Cheikha Rimitti, y compris ceux qui l'ignorent superbement parce que en mesure de leur rappeler des origines peu reluisantes que même les raccourcis empruntés à la faveur du régionalisme et du clientélisme ne sauraient faire oublier. De son vrai nom Saâdia Bedief, elle est née le 8 mai 1923 à Tessala, village près de Sidi Bel Abbes. Elle entamera sa carrière artistique dans sa région natale durant les années 1942/1945, des années particulièrement dures marquées, notamment, par le débarquement des Américains, la disette et une terrible épidémie de typhus. Quand elle se raconte, lit-on dans l'ouvrage de Bouziane Daoudi et Hadj Miliani, sa vie constitue véritablement le roman du raï: «J'étais assez connue avant la fin des années 40, où je devais me produire à l'occasion d'une fête traditionnelle, la waâda de Sidi-Abed, près d'Oued Rhiou, en compagnie des plus grandes célébrités de l'époque, je veux parler de cheikh Hamada et de cheikh Adda Tiareti. Tous les participants avaient dressé leurs tentes. Les gendarmes assuraient la sécurité. Il pleuvait tellement ce jour-là que les cailloux s'envolaient. Je m'étais arrêtée avec mes musiciens dans une cantine d'Européens pour prendre un café. Je ne buvais pas encore d'alcool à l'époque. Ce n'est qu'en arrivant à Oran que j'ai commencé à en prendre.» Les clients français la reconnurent et lui firent comprendre que sa voix était exceptionnelle.
En guise de remerciement, elle les gratifia d'un tour de chant qui contribua à détendre davantage l'atmosphère à la grande joie de ses inattendus admirateurs. Un de ses musiciens l'invita alors à leur payer une tournée, histoire de leur montrer que leurs compliments lui sont allés droit au coeur. Elle s'exécuta de gaieté de coeur. Elle ne savait pas parler français. Elle avait une chanson sur un mélange d'alcool et d'eau qu'on appelait le panaché. Alors elle demanda à la patronne française, tout en chantant: «Ah madame rimitti, ah madame rimitti.» Emportée par autant de générosité et une voix suggestive à souhait, l'assistance s'exclama: «Chanteuse Rimitti! Chanteuse Rimitti!» C'est ainsi que la manière toute maladroite de dire remettez, entendez par-là remettez une tournée, va valoir à Saâdia Bedief l'un des plus prestigieux noms d'artistes jamais connu par la chanson algérienne.
BRUne bougie qui brille toujours
C'est aussi et surtout le début d'une très grande aventure que les chastes oreilles continuent à vouer aux gémonies, alors que les êtres marginalisés par la colonisation et leur propre société trouveront chez cette femme exceptionnelle sinon le réconfort absolu, du moins la certitude d'appartenir à un peuple saigné à blanc autant que traversé par moult contradictions. Dès lors, elle deviendra très vite l'ambassadrice d'une chanson bédouine gagnée dangereusement par des emprunts à des modes d'expression rurbanisés et d'une thématique reflétant fidèlement la quotidienneté et les aspirations à l'honneur dans les céans où se pratiquait le plus vieux métier du monde. Cheikha Rimitti est parfaitement à l'aise lorsqu'elle fait référence à son passé qu'elle ne renie pas du tout, même si elle en parle non sans une certaine frénésie, gravement: «J'allais avec les musiciens au Maroc pour ramener du trabendo, du marché noir, des robes, du café, de la saccharine...La souffrance est le meilleur maître. Moi, Dieu merci, je suis devenue artiste.» C'est vrai qu'elle chanta, durant la guerre de Libération Nationale, dans le cadre de la radio-télé coloniale Charab't, Rayi tweder et bien d'autres morceaux la situant forcément aux antipodes du combat émancipateur. Mais Rah el-galbe m'rid illustre, à l'évidence, sa prise de conscience du fait national: «Nous étions malades de la Révolution. Je chante tout ce qui m'inspire, les mots me piquent comme des abeilles. Dès fois je chantais tout ce qui me passait par la tête.» Quand elle repense à son histoire, elle reconnaît qu'elle a envie de pleurer: «Pour apprendre cet art, je me suis perdue. J'ai grandi sans parents, ni instruction pour m'indiquer le chemin. L'art m'a sortie du malheur.» Mais quand elle pense, lucide, au chemin parcouru depuis quelques décennies, elle vous avouera, sans hésitation aucune: «Cela fait soixante ans que je chante, ma bougie brille toujours, alors que le visage de nombreuses cheikhate s'est refroidi.»
Ayant le sens du sacrifice et de la marginalisation poussé à l'extrême, habituée qu'elle est - et depuis des lustres - à l'adversité que lui imposa l'anathème jeté sur elle par une société dont l'intolérance ne date pas d'aujourd'hui, Cheikha Rimitti aurait pu réagir autrement à l'indifférence des commis de l'idéologie dominante. Surtout que les gens qui se sont mobilisés pour elle, qui l'ont fait venir, contre vents et marées, appartiennent à un nouveau monde. Celui qui se fait dans la douleur certes, mais qui se fait car, tel est le destin de l'Algérie.
Appartenant moi-même à la culture de la tolérance telle qu'héritée de l'Andalousie plurielle et approfondie par la dynastie des Zianides, je ne peux que la comprendre. Surtout lorsqu'elle confie à mes amis Bouziane Daoudi et Hadj Miliani: «J'avais suivi les gens de la musique pour gagner mon pain. Ils me donnaient à manger, de l'argent, un lieu où dormir. Ils ne m'ont jamais frappée, engueulée ou pris mon argent. Grâce à Dieu, ils m'ont toujours protégée.» Sans pour autant souscrire à un acte irréfléchi qui aura privé ses nombreux fans de merveilleuses retrouvailles, encore moins à la tendance fâcheuse imposée par les raccourcis, celui que d'aucuns ont brandi pour fustiger Magda Roumi est non des moindres. Il est vrai que d'aucuns vont vite en besogne, surtout lorsqu'il s'agit d'enfoncer le clou de la démesure pour contribuer davantage à ternir l'image de marque d'un pays, que la chanteuse libanaise en personne n'a pas hésité à visiter à des moments rendus particulièrement douloureux par l'embargo psychologique qui a été imposé à tout un peuple.


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