Vite, le bon tonton affirme avoir assisté au «bruit et brouhaha» soulevé lors de la dispute entre l'oncle Ali et le neveu Salim. Naïma Dahmani, la juge, apprend que des problèmes subsistent dans les familles et rectifie le délit: «Il y a une plainte pour menaces et aucune pour les coups et blessures volontaires. Alors, vous êtes priés de ne pas chevaucher le délit, le seul retenu» dit la présidente qui semble être agacée par les regards lancés entre les protagonistes. Le conseil de l'inculpé est debout, écoutant la version de la victime qui sera plus tard rappelée à l'ordre pour ses propos incohérents: «Soyez plus explicite!» gronde la juge. Le témoin dans ce dossier portant sur les menaces, fait prévu et puni par l'article 284 du Code pénal, a affirmé avoir assisté à une «guerre-de-mots» prononcés à haute voix mais il n'avait à aucun moment entendu la moindre menace sortir de la bouche du voisin. Et c'est dans cet esprit que la présidente a demandé au témoin ce qu'il était venu apprendre au tribunal. La réponse avait été faite terre à terre, à savoir, qu'on l'avait convoqué pour dire ce qu'il savait sur cette affaire: «Personne ne m'a informé sur ces histoires de menaces. Sinon, j'aurais gagné une journée. Je suis là depuis huit heures trente et il est quatorze heures!» explique le témoin qui est vite remercié par la magistrate. Entre-temps, l'oncle et le neveu, qui s'étaient pris au collet à travers la dispute par mots et maux interposés, évitaient de se regarder. Ali, le tonton et Salim, le neveu avaient vite compris que cette juge du siège n'était pas née de la dernière pluie, que donc il fallait être corrects! Plus tard, les propos contradictoires font beaucoup plus plaisir à l'avocate qu'à la victime qui ne cessait de hocher la tête devant les déclarations contradictoires de la victime face aux propos de l'adversaire qui sont incisifs. Les menaces sont déconseillées surtout devant des témoins fiables. Et dans ce procès, des regrets ont été balancés durant les débats qu'avait maîtrisés avec une grosse et impressionnante maestra, Dahmani revenue des vacances de fin d'année en superforme. Et les regrets avaient été dits et redits par le défenseur qui n'avait plus pris de gants avant de s'écrier carrément que la justice ne peut se permettre d'avoir en son sein des poursuivants qui avalent tout et n'importe quoi: «Madame la présidente, comme vous le constatez, le témoin venu déposer parle de coups et blessures et sans avoir entendu la moindre menace. Qui a donc pris la lourde responsabilité d'enregistrer une plainte bidon? Oui, qui? Même ce sacro-saint principe de l'indivisibilité du siège ne vaut pas la solidarité à l'audience et l'honorable représentant du ministère public aurait pu réclamer la relaxe et non pas une peine de prison, mécanique! a sifflé Maître Aïd qui a alors, elle, insisté sur la relaxe, le seul et unique verdict de cet après-midi à Chéraga...Entre-temps, dans la salle d'audience à moitié vide en cette fin de rôle, les proches de l'inculpé avaient retrouvé un semblant de sourire en entendant le boucan de l'avocate. Leurs mines s'étaient illuminées. Les joues ont retrouvé leurs rougeurs. Leurs lèvres sont relâchées et le pincement qui était la moue du désespoir du début du procès avait disparu comme par miracle. Les deux policiers de service étaient soulagés car leur journée tire à sa fin. Nassima Zerouni, la jolie parquetière de permanence vient de passer en coup de vent. Elle a dû se déplacer chez le procureur de la République en titre pour des éclaircissements nécessaires, oui, cette jeune représentante du ministère public est avide de savoir. Elle a même presque envie de savoir, de tout, savoir tout et tout de suite. Naïma Dahmani n'a pas voulu trop faire attendre. Elle transcrit le dispositif sur le siège avant de relaxer l'inculpé dont le regard voulait signifier ce qu'il faisait ici, dans la salle d'audience du tribunal de Chéraga (cour de Blida). Mais en prenant acte de la relaxe, il a dû penser que pour lui, du moins, la justice existe. C'est bon qu'un justiciable ait ce destin, celui de réclamer justice et de l'avoir. Et donc, ce n'est que...justice en ce début de 2012 que nous espérons du fond du coeur, celle du succès de la réforme de la justice, cette noble priorité du président de la République lequel a mis le paquet même si la mafia s'amuse à balancer des peaux de bananes sous les semelles de Tayeb Belaïz et de Kaddour Berradja, le premier président de la Cour suprême qui ne peut absolument, rien que de tenter de protéger les magistrats courageux !.