Il y a des juges qui appliquent convenablement la loi, Naïma Dahmani est de ceux-là... Comme à la parade et à la seule vue des trois inculpés de menaces de mort, Naïma Dahmani, la chaleureuse présidente de la section correctionnelle du tribunal de Chéraga (cour de Tipasa) avait vite compris que si les deux jeunes garnements avaient une mine défaite et à histoire, celle du papa était plutôt rassurante tant son regard «puait» l'innocence. Dès qu'il se mit debout à la barre, la juge avait compris que le paternel avait été ramassé à la va-vite et entendu dans la précipitation. El Hadj Maâmar B. est un citoyen qui a traîné devant la juge de Chéraga un père et ses deux enfants pour menaces de mort. Seulement voilà, ce délit implique nécessairement la présence de témoins. Malgré cela, monsieur l'austère et jeune procureur se déchaîne à l'encontre des inculpés. Il est convaincu de la véracité des faits... et donc s'écrie que ces deux inqualifiables enfants ne méritent aucune circonstance atténuante, ni indulgence car même le Tout-Puissant saura les punir, Lui, qui a recommandé les parents. Mme Naïma Dahmani a perdu un temps fou face à trois inculpés et une victime de menaces de mort, à chercher la vérité. La victime affirme avoir sept plaintes à l'encontre de la famille G. A, Maâmar B. est formel. «A chaque fois que je tente de placer un grillage de sécurité, je suis menacé de mort», dit-il avec passion et des yeux vitreux, signe évident qu'il a envie de chialer mais se retient par dignité et respect devant cette juge au regard angélique, éloquent quant à ses prédispositions. Ali G. le père de famille, est allé plus loin que les affirmations de la victime qui avoue ne pas avoir de témoins dans cette histoire. Pourtant, la juge l'avertit que les déclarations des deux parties étaient contradictoires et que la justice, pour se prononcer le plus sereinement du monde, doit entendre des témoins sous serment. D'ailleurs, cette histoire de témoins crédibles agace souvent l'autre partie qui, malgré le serment, ne croit personne. «Maintenant, si à chaque fois que l'on vous empêche de placer la clôture, ce ne sont pas des menaces», conseille Mme Dahmani, la présidente des «non-détenus», vigilante, sereine et décidée à ne perdre aucun écart ni dépassement d'où qu'ils surgissent. Elle le dit haut et sec. Debout du haut de ses 168 cm, le procureur s'en mêle. Il prend fait et cause pour la victime: «Comment se fait-il que depuis 1994 et ce, jusqu'à 2015 vous n'ayez rien tenté pour l'empêcher de procéder à l'installation de la clôture?» s'est écrié le parquetier qui a affirmé que la victime n'a pas besoin de témoins. «Il suffit des dix visites au parquet et autant devant les gendarmes», a souligné mi-menaçant, mi-souriant, le parquetier qui requiert une peine de prison - pour menaces de mort - de trois mois ferme et une amende tout aussi ferme de 5000 DA, le maximum prévu par l'article 284 du Code pénal qui dispose: «Quiconque menace par écrit anonyme ou signe, image symbole ou emblème d'assassinat, d'emprisonnement ou tout autre attentat contre les personnes, serait punissable de la peine de mort ou de la réclusion perpétuelle, est dans le cas où la menace est faite avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué ou de remplir toutes autres conditions, puni d'un emprisonnement de deux à dix ans et d'une amende de 500 à 5000 DA. Le coupable peut, en outre, être frappé par un an au moins et cinq au plus de l'interdiction d'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 14 de l'interdiction de séjour.» Il s'agit là des «menaces», ordonnance n°75-47 du 17 juin 1975, ce qui signifie que cet article, vieux de 40 ans, est très bon. Naïma Dahmani, elle, en bon magistrat cultivé est acculée, car sans témoin, la victime et le procureur ne risquent pas d'être suivis. Surtout la victime qui a demandé 30 millions de centimes à titre de réparation. Chaque juge a sa manière d'étudier un dossier, de procéder aux interrogatoires, d'écouter les parties en présence. Et puis, ces histoires d'urbanisme devraient ne pas sortir des bureaux de l'administration de l'urbanisme. Et encore une fois, la justice qui a autre chose à faire ne devrait pas jouer aux «éboueurs» d'une administration au titre pompeux et aux réactions nulles assez souvent: le verdict lu en fin d'audience verra l'inculpé être carrément... relaxé et le second écopant d'une peine avec sursis. Et au milieu de ce brouhaha où il n'y avait pas de conseils (la loi l'autorise, sauf en appel où la présence d'avocats est obligatoire) la justice s'est prononcée et sereinement...