Le plan d'attaque du groupe armé semble avoir été mûrement réfléchi et arrêté de longue date. Un important groupe terroriste a perpétré, avant-hier, vendredi, un attentat meurtrier et tout à fait spectaculaire à la sortie sud de la ville de Zemmouri. Il était près de 19h30 lorsque deux fourgons Master Iveco de la police, une section de la Gmpj, s'apprêtaient à quitter Zemmouri-ville pour emprunter la RN24. Il fait noir et la nuit est glaciale. Plus bas, les vagues s'écrasent sur les rochers. A la lisière de la route, des roseaux poussent à profusion. Juste ce qu'il faut pour le groupe de terroristes qui s'apprête, cette nuit-là, à perpétrer un attentat de grande envergure. La stratégie élaborée dénote déjà d'un plan arrêté et mûrement réfléchi par ses auteurs. Dès que les deux fourgons se sont mis en ligne droite, l'un derrière l'autre, un tir au heb-heb (sorte de mortier artisanal, ndlr) vise le second véhicule, qui roulait à une vitesse réduite et permettait donc au tireur de prendre le temps nécessaire pour ajuster le tir. Le fourgon, chargé de policiers, s'est renversé de l'autre côté de la route, alors qu'un autre groupe tire à feu nourri sur le premier fourgon, qui s'immobilise sur le côté, et vers lequel accourt un petit groupe d'hommes armés qui s'était caché à l'autre extrémité. Les brigadiers de la gendarmerie fixés au point dit Géni-Sider pour la protection du site des sinistrés, dont le camp de toile est situé à proximité de la zone de l'attentat, ont accouru pour prêter main-forte aux policiers. Un échange de tirs s'ensuit. Immédiatement, l'escadron de gendarmerie (un gros détachement situé à la sortie ouest de Zemmouri), qui a entendu les coups de feu, fonce à vive allure vers la zone des opérations. Sur son chemin, une bombe devait exploser. «Faute d'un mauvais allumage, elle n'explosera pas», nous dira un officier des services de sécurité locaux. Les deux groupes de gendarmerie, grâce à un effectif conséquent et à une riposte rapide, arrivent à resserrer l'étau sur les terroristes et à sauver leurs collègues. Au même moment, un autre groupe tirait sur la brigade de la gendarmerie de Zemmouri «pour l'empêcher certainement de sortir pour prêter main forte aux policiers», estime un brigadier. Une vingtaine de minutes après le premier tir au heb-heb qui a éventré le Master Iveco de la police locale, le calme est revenu peu à peu et les premiers badauds commencèrent à sortir pour voir ce qui vient de se passer. Les policiers touchés sont conduits vers les hôpitaux les plus proches, et une première estimation des dégâts tombe : 3 policiers tués, 13 autres blessés et au moins cinq armes de poing et des kalachnikovs disparus. Le bilan est lourd, et on se rend compte qu'il aurait pu l'être beaucoup plus sans l'intervention rapide des services de sécurité stationnés dans les alentours. En fait, «le Gspc voulait réussir un grand coup d'éclat médiatique», selon les avis des chefs de la sécurité locale, «au vu des renforts dont se sont dotés les groupes armés». Selon la Dgsn «les policiers ont été surpris par l'explosion d'une bombe artisanale au passage de deux fourgons de leur patrouille suivie de tirs d'armes automatiques. Ces policiers étaient en mission de sécurisation des sites de familles sinistrées à Zemmouri.» Ce renfort est estimé au moins à une vingtaine de terroristes divisés comme suit: un petit groupe pour activer le détonateur de la bombe placée sur le chemin emprunté par l'escadron de gendarmerie, un autre pour immobiliser la troupe de gendarmerie qui surveillait le camp de toile, un troisième tirait et avançait vers le fourgon Iveco de la police, un quatrième tirait à vue sur l'entrée de la brigade de gendarmerie de Zemmouri et, enfin, un cinquième groupe, le plus important, est celui qui a tiré au heb-heb et procédé au vol des armes automatiques sur les corps des policiers. «Cela suppose vingt à vingt-cinq éléments armés et entraînés à la guérilla», précise un officier des services locaux de la sécurité. Le Gspc semble, par ce coup, répondre à l'opération des Babors et à la rapidité avec laquelle on estimait l'organisation de Hattab comme en pleine déchéance.