Demander à des opérateurs de ne pas vendre leurs produits à un pays donné, quitte à les «bouffer», c'est ce qu'un lobby a fait cette semaine. Il a publié sa «liste rouge» dans laquelle il fait figurer l'Algérie... Le sujet «tombe» bien. Pour ceux qui croyaient que les milieux d'affaires étrangers ne sont mus que par le profit, voilà de quoi leur donner à réfléchir. Mardi dernier, le quotidien économique français, Les Echos, a publié, à l'intention des exportateurs étrangers, la liste annuelle des pays à risques et donc à éviter. Dans cette liste 2013, figure l'Algérie. Il y a 12 pays dans le monde qui ont vu ainsi leur «note» dégradée, mais pour la région du Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, notre pays est, cette année, le seul «pestiféré». Première question: qui a établi cette liste? Une multinationale au sigle «AON» qui veut dire, selon ses propriétaires, en gaélique (langue morte d'origine germanique) «unité». Leur devise «ne faire qu'un». Quelle est l'activité de cette multinationale en forme de réseau? Le courtage. Chez nous on dit «smasria». Des intermédiaires! Dans le cas de AON, c'est dans les assurances et réassurances qu'ils activent. Ils se veulent comme des vigiles d'affaires qui avertissent les opérateurs dès qu'ils aperçoivent le danger. C'est très intéressant car pour notre pays, ces «smasria» disent que c'est un pays à risques, mais contrairement à tous les autres pays cités, ils ne disent en quoi ou pourquoi il serait à risques. C'est comme çà. Ils ont décidé qu'il est à risques et c'est tout. En fait, c'est un signal au monde des affaires qui fait partie de leur zone d'influence d'avoir à éviter de commercer avec l'Algérie. Vous avez bien lu, il ne s'agit pas d'investissements, mais seulement de commerce. D'exportations. Ou si vous voulez de nos importations. En d'autres termes, il est demandé aux membres de ce réseau de réduire leurs productions ou de «bouffer» leurs produits, mais de ne pas les vendre à l'Algérie. Il faut avoir une sacrée influence pour exiger d'un opérateur de perdre de l'argent plutôt que d'accepter celui d'un pays qui n'est pas «en odeur de sainteté». Il est utile de savoir aussi que cette multinationale exclut de sa carte les Etats-Unis et les pays de l'Ocde, c'est-à-dire l'Occident. Elle ne «juge» que les pays hors de cette «zone». Comme il nous apparaissait impossible que notre pays soit «listé en rouge» sans raison, nous avons cherché. On vous laisse apprécier le résultat de nos recherches. Pour sa liste 2013, AON a eu recours aux services d'un économiste surnommé, au début des années 2000, dans les lieux d'affaires internationaux, «Dr Catastrophe» à cause du pessimisme qu'il affiche par rapport aux autres économistes. Depuis 2008, il est surnommé, dans les couloirs du FMI, «le prophète» pour avoir prédit, en 2006, la crise des «subprimes» et la récession mondiale qui s'en est suivie. Ce grand «savant» s'appelle Nouriel Roubini. Il est né à Istanbul (Turquie) dans une famille de juifs iraniens. Il a passé son enfance dans plusieurs pays, notamment en Iran, en Israël et enfin en Italie. Avoir des dons «surnaturels» dans le milieu ultrarationnel que celui des affaires n'est, en effet, pas courant. A vrai dire, cela est impossible. Continuons la recherche. AON a une filiale en France. Elle est dirigée par un P-DG qui s'appelle Robert Leblanc. Il est né à Casablanca (Maroc), en 1957. Jusque-là rien d'extraordinaire si ce n'est sa naissance alors que la Guerre d'Algérie battait son plein. Mais, direz-vous, on ne choisit pas sa date de naissance. Ni le lieu d'ailleurs. En poussant un peu plus loin, nous découvrons qu'il est en même temps et depuis 2008, président du «comité d'éthique» du Medef. Cela ne s'invente pas. En 2010, il a été élu président du mouvement des entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC). Cela non plus ne s'invente pas. Quand la religion se mêle des affaires économiques. Le pape François nous expliquera, peut-être un jour, la relation qu'il y a entre la spiritualité et le business. Sans l'attendre et seulement avec notre jugeote, pas forcément grande, mais suffisante pour assembler Roubini et Leblanc et comprendre le «fil d'Ariane» qui a présidé à la confection de la liste «des pays à risques» par AON. Ceci dit, il faut espérer que les exportateurs destinataires de la liste d'AON aient la même jugeote que nous, pour la jeter à la poubelle. L'Algérie est un marché non négligeable pour les producteurs du monde entier qui se livrent une concurrence féroce. Ajoutons qu'en cette période de récession mondiale, l'offre ne manque pas contrairement à la demande. A ce titre, nous considérons que cette «liste» d'AON n'aura réussi qu'à lever le masque derrière lequel se cachaient des lobbyistes. Nous savons aujourd'hui, plus qu'hier, comment ils fonctionnent. Nous avons même la certitude que ces mêmes lobbyistes sont derrière les IDE (investissements directs étrangers) qui se font «désirer» pour venir en Algérie. Après l'industrie, ces lobbyistes s'attaquent maintenant au commerce. C'était l'envers du décor. Un parmi d'autres! [email protected]