L'ancien ministre de l'Energie réagit avec un aplomb remarquable. Mais là où il prend tout le monde à contre-pied c'est lorsqu'il dément avoir la nationalité américaine. «Je ne détiens pas la citoyenneté américaine... oui! Je suis prêt à comparaître devant la justice algérienne.» Bluff ou pure vérité? «Je ne me suis pas enfui. J'ai quitté l'Algérie, le 25 ou 26 mars dernier dans le cadre de mes activités professionnelles. Je suis lié avec plusieurs entreprises à l'étranger», argue l'ancien ministre Chakib Khelil dans un entretien publié par le quotidien national Echourouk. Il enchaîne: «Oui! Je suis prêt à comparaître devant la justice algérienne. Je répondrai présent à toute convocation!». Arrêtons-nous un instant sur ces propos. Chakib Khelil répond directement sans faux-fuyant. Ou il dit vrai ou c'est un grand bluffeur à la manière d'un joueur professionnel de poker qui sait bien cacher ses émotions. Jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas lieu de ne pas le croire. C'est qu'il va plus loin. S'il n'a pas répondu à la première convocation du procureur d'Oran, il y a répondu en joignant «un certificat médical d'incapacité de voyager» pour deux mois, délivré par son médecin. On comprend qu'il s'attendait à une nouvelle convocation après l'expiration du délai médical. «Depuis, dit-il, je n'ai rien reçu.» Là, il y a lieu de relever, à sa décharge et sous toutes réserves, que le dossier est passé du parquet général d'Oran qui a envoyé la première convocation à celui d'Alger qui a annoncé le lancement du mandat d'arrêt. Y a-t-il eu dessaisissement de la cour d'Oran au profit de celle d'Alger? Le procureur général d'Alger n'a pas précisé ce point. La procédure est-elle conforme? Tout au long de l'entretien, Chakib Khelil donne l'impression de quelqu'un qui n'a pas l'air d'être impressionné par les poursuites dont il fait l'objet. Il se permet même de rire quand le journaliste lui demande s'il n'a pas «peur de l'humiliation, sinon de la prison». «Il n'y a rien qui m'effraie et qui me pousse à refuser de comparaître devant la justice algérienne, et le dossier est très simple et je ne vois pas pourquoi me préoccuper.» Un aplomb remarquable. Mais là où il prend tout le monde à contre-pied, c'est lorsqu'il dément avoir la nationalité américaine. «Je ne détiens pas la citoyenneté américaine ni aucune autre nationalité, je porte la nationalité algérienne et je voyage avec mon passeport algérien» précise-t-il au journaliste qui, interloqué, lui repose la question: «Etes-vous sûr?». «Je suis sûr, comme je suis sûr que je parle avec vous, et aujourd'hui, l'occasion est venue d'expliquer à tout le monde que je ne détiens pas la citoyenneté américaine, ni une autre, et tout ce qui se dit à ce sujet n'est que rumeur, mensonge et sans fondement» répond-il. Il ne peut pas bluffer sur ce point facilement vérifiable. Il faut rappeler que sur ce point, les propos (non démentis) du procureur général d'Alger rapportés par la presse sont, on ne peut plus clairs. «Il est vrai qu'il a la nationalité américaine mais pour nous il est algérien» aurait-il déclaré lors de sa conférence de presse. Il y a comme un besoin de clarification sur cette question de nationalité. C'est très important de savoir qui va confondre l'autre. Un point sur lequel Zeghmati ne peut pas ne pas revenir. Passons du volet juridique à celui politique évoqué par l'ancien ministre à son interviewer. En précisant avoir envoyé une copie de son certificat médical au ministre de la Justice, veut-il donner une connotation politique à ce qui lui arrive? D'ailleurs, le journaliste a la bonne réaction en lui demandant: «Qui vous vise dans cette affaire, selon vous?». Chakib Khelil lui répond: «Je ne sais pas, je n'accuse personne, si je le savais, je le révélerai à l'opinion publique.» Une réponse à plusieurs degrés de lecture dont celle d'une menace à peine voilée. Surtout qu'il doit être particulièrement affecté par l'implication, avec lui, de toute sa famille. Sa femme et ses deux fils. A ce stade de ses réponses, Chakib Khelil semble reprendre la main en écartant, sans sourciller, les accusations portées contre lui. Dans cette affaire, il manque peut-être à Chakib Khelil, de désigner un ou des conseils en Algérie qui auront pour charge de le défendre, tant auprès de la justice, que de l'opinion publique algérienne. A l'étranger, l'affaire ne fait pas grand bruit. La presse occidentale, si prompte d'habitude à s'emparer, sans attendre, de tout ce qui peut nuire à l'image de l'Algérie reste muette pour l'instant sur cette affaire. Rappelons juste à nos lecteurs que le point de départ de cette affaire a été donné par WikiLeaks en 2011. Une vaste entreprise de déstabilisation à l'échelle mondiale dont personne ne peut jurer qu'elle ne porte pas, en partie au moins, sa part de désinformation. Le fait aussi que des juges italiens nous disputent le dossier n'est pas, non plus, anodin. Ces mêmes juges n'hésitent pas dans l'affaire Berlusconi à mettre en péril la stabilité politique de l'Italie. De quoi nous inciter à aborder avec la plus grande prudence un dossier que nous avons en partage. Affaire à suivre donc, mais en se gardant de toute conclusion hâtive! [email protected]