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La vieille recluse et son médecin patient...
LA SCALERA DE FATEMA BAKHAI
Publié dans L'Expression le 04 - 06 - 2014

Et le saviez-vous, tandis qu'elle était sur son lit d'hôpital, elle confia en français au médecin chef Nadia, affectée depuis deux mois à ce service et qui lui demandait si elle avait «besoin de quelque chose»: «- J'ai faim.». Elle parlait un français qui étonna le médecin. «La vielle femme, ravie, eut un petit rire qui bouleversa toutes les rides de son visage. - Hé! Hé! Je parle français et je parle espagnol et je parle arabe et je comprends même un peu l'italien, ça t'étonne, hein? Et pourtant, je ne suis jamais allée à l'école et je n'ai jamais quitté cette ville. Mais, c'est une longue histoire.» Constatant le chaleureux et professionnel dévouement de Nadia, elle la remercia en disant: «Que Dieu te garde, mais si tu as envie de faire une bonne action, apporte-moi un peu d'eau de Cologne. J'ai de l'argent, tiens!».
Naturellement, Nadia refusa et en remarquant le sac de la vieille, elle «en fut tout attendrie». Elle lui souffla: «Cache vite ton trésor! On risquerait de te le voler! Et elle s'en alla en souriant.»
Une littérature contre l'oubli
Les jours suivants Nadia et Mimouna qui «était inopérable» et «n'avait pas encore atteint le stade des grandes douleurs», commencèrent à tisser une belle amitié, dont on ne pourrait préciser qui, du médecin ou de la patiente, allait bénéficier le plus. Cette singulière histoire, Fatéma Bakhaï nous la raconte dans son roman La Scalera (*).
Notons que cette oeuvre a déjà connu un beau succès éditorial chez L'Harmattan (Paris, 1993 puis 2003), et réjouissons-nous que les Editions Alpha l'ont rééditée en Algérie, et d'autant que peu d'ouvrages de qualité littéraire sont depuis quelque temps publiés chez nous. Evidemment, le vide laissé par les éventuels bons écrivains peu prolixes ou en panne d'inspiration est, tout comme fait la nature sauvage, comblé par des «affairistes du livre» qui sont loin de la culture et de l'éducation. Aussi, dois-je souligner l'intérêt à lire La Scalera de Fatéma Bakhaï dont nos lecteurs ont certainement apprécié - et c'est encore le cas dans ce roman - la structure de ses récits en courtes séquences de vie, l'aisance de son écriture, à la fois, claire, riche en images et profonde dans l'expression. Au reste, l'ensemble de son oeuvre présente, d'une part, une homogénéité remarquable et une approche d'un fonds patrimonial historique et culturel pur de toutes scories inspirées de l'exotisme tendancieux des romans de la colonisation, d'autre part, une «intertextualité» constamment fidèle à sa pensée créative.
Fatéma Bakhaï a produit une littérature descriptive liée aux espérances de sa patrie et de celles des femmes algériennes, tout cela contre l'oubli du passé. Les thèmes abordés sont toujours captivants, car voilà une femme écrivain qui a été formée par son éducation familiale (elle est née à Oran, en 1949), par ses études primaires à Saint-Etienne (France) puis par ses études secondaires et ses études universitaires (faculté de droit) à Oran, par sa profession (elle a été magistrate puis avocate); elle parle de son pays et de ses populations, de son histoire et de sa société à travers des époques diverses, - n'oublions pas ses autres oeuvres romanesques publiées en France et en Algérie: Dounia, Un Oued pour la mémoire, La Femme du caïd, Les Enfants d'Ayye, Izuran (une superbe trilogie),... La Scalera, c'est beaucoup l'histoire d'Oran, de l'Oranie mais, à l'évidence, de l'Algérie aussi. Avec ce roman, Fatéma Bakhaï nous ramène aux origines de notre identité et aux réalités de notre existence.
Lorsque le docteur Nadia, lasse des reproches injustifiés des gens contre elle, se plaint à sa patiente Mimouna, celle-ci la soutient: «- Bah! Les gens sont méchants, ma fille, ils sont jaloux. Toi, tu fais ton travail et laisse-les aboyer. Si tu es leur chef, plus ils auront peur de toi et mieux ce sera. [...] Hé! à ton âge la vie est belle! [...] Tu es docteur! Tu te rends compte! De mon temps, les Algériennes qui travaillaient dehors étaient femmes de ménage chez le colon ou fille dans la «grande maison»! Celles qui savaient lire! Va voir! Elles lisaient Nous Deux tout juste et faisaient du «chiqué» pour nous raconter les histoires! Et encore, en cachette, parce que les maris et les belles-mères n'aimaient pas ça. Alors ma fille, rends grâce à Dieu et profite de ta situation. Tu ne connais pas ton bonheur, va!»
Une singulière histoire
Nadia lui demande de lui raconter sa vie, et d'abord quel est son âge. La vieille Mimouna répond: «Alors là, personne n'a jamais rien su! [...] Ma mère m'a dit un jour que j'étais née «l'année des figues». Va savoir ce que ça veut dire! [...] En tout cas, quand je suis arrivée ici, je devais avoir huit ou neuf ans.» Le récit, comme on l'aime, commence... par la vie à la campagne, et c'et le début de la guerre, «tout le monde disait qu'il y avait du travail à la ville parce que les Français étaient partis se battre. Alors beaucoup d'Algériens comme mon père sont venus dans l'espoir d'une vie meilleure. On était très pauvre à la campagne. [...] L'idée du départ nouait ma gorge. [...] C'est ça, soixante-dix ans, toute une vie!».
Bientôt, commence la vie à Oran. La vieille Mimouna se rappelle tous les détails de l'installation de la famille et décrit la ville: «Notre rue, à l'époque, était essentiellement habitée par des Européens. C'était une petite rue en pente, étroite, qui débouchait sur la Scalera. Les Espagnols étaient les plus nombreux, mais il y avait aussi des Siciliens, des Maltais et quelques Français. La plupart étaient pêcheurs. C'étaient des gens de petite condition qui vivaient au jour le jour, des travailleurs qui ne savaient ni lire ni écrire.» Cette Scalera a marqué la vie de Mimouna... et fasciné la romancière qui en a saisi toute la dimension historique et humaine. La Scalera n'est autre que «Les marchés» en Espagnol. On dit aussi «La Calère».
À Oran, c'était - car actuellement un plan de réaménagement de l'urbanisme est en cours d'exécution - un centre de vie populaire important, formé de maisons anciennes. La Scalera est située entre la Pêcherie et le célèbre lieu-dit Sidi el-Houari. Là, autrefois, vivaient généralement en bonne entente les «Arabes» (les Algériens) et les Espagnols, notamment le grand écrivain français Emmanuel Roblès y a vécu son enfance et son adolescence (Lire ses oeuvres, particulièrement Jeunes saisons et Saison violente). De plus, la structure de La Scalera, ses souvenirs historiques et religieux, ses populations, ses commerces constituent un immense échantillon d'histoire pour ceux qui souhaitent faire des études sur la ville d'Oran, et l'on situe, non loin, l'inoubliable Bordj Râ's el-Aïn, un des lieux des batailles livrées sous la direction de Mohieddine et à ses côtés son fils, le jeune Abdelkader, dans la banlieue d'Oran de l'époque (3-8 mai 1832) contre l'expédition française à sa tête le général Boyer, dit «Pierre le Cruel».
Poursuivant le récit de sa vie, la vieille Mimouna, raconte à sa manière une longue période de l'Algérie. Après son enfance à la campagne, elle évoque sa vie avec ses parents et son frère Kader à Oran. Elle découvre un univers qui l'éblouit et l'inquiète. Pourtant, elle entretient des amitiés sincères avec tous les voisins, par exemple avec Mme Cruz...
Puis, vient le temps du mariage, forcément, - et quel! Mimouna épouse un charbonnier qui la maltraite sous les yeux de sa belle-mère complice. Elle quitte le foyer conjugal, retourne chez ses parents. Son mari meurt dans un accident.
Malheureusement, elle perd sa mère puis son père. Bientôt, elle devra se rendre à l'évidence de sa solitude et des événements qui l'accablent alors. Son frère rejoint la résistance nationale algérienne, sans qu'elle ait eu «l'idée de l'en dissuader, elle était triste seulement en pensant qu'il allait partir sans réaliser encore les dangers auxquels il s'exposait.» Enfin, elle aura droit au bonheur par l'entremise de khalti Kheira qui, «femme de bon sens», l'a convaincue d'épouser Abdeslam, un homme de bien, «originaire d'un petit village près de Tlemcen». Maintenant, elle peut espérer un vrai bonheur: «J'ai vécu les premiers mois de mon mariage comme dans un rêve. [...] J'avais peur que le destin ne se ravise et je prenais mille précautions pour ne pas attirer l'attention, ne pas susciter de jalousie, ne pas provoquer l'envie.» L'histoire racontée prend un nouvel élan dramatique nourri de mille péripéties, et avec Malik, son «nouveau soleil», encore davantage!... Le temps passe et s'annonce se terminer par une belle journée de printemps. «C'est bien, dit la vieille Mimouna à Nadia, son médecin patient, la terre sera tiède.» Fatéma Bakhaï a écrit une histoire juste et poignante: La Scalera.
(*) La Scalera de Fatéma Bakhaï, Editions Alpha, Alger, 2013, 311 pages.


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