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Un génial divertissement féminin algérien
LE JEU DE LA BOÛQÂLA EST LIE À LA GUERRE DE COURSE (XVIE-XIXE SIÈCLES)
Publié dans L'Expression le 16 - 07 - 2014

Quand la société algérienne s'inspirait de son histoire, de sa culture et de sa morale, elle avait l'esprit bien naturellement jaloux de son identité pour se dire en poésie simple, belle et populaire, et c'est la substance de la boûqâla (plur. bouâqal).
Chez nous, pendant les soirées du mois de Ramadhâne, il s'est toujours trouvé un moment propice au jeu de la boûqâla, - par le terme «boûqâla», précisons-le, on désigne le texte même du poème récité dans le jeu en question et il est l'élément essentiel sans lequel il n'y a pas de plaisir. Pourtant, encore de nos jours, on constate que peu savent pratiquer le jeu de la boûqâla et beaucoup ignorent son origine historique qui remonte à la guerre de course en Méditerranée, particulièrement au large de nos côtes et visant spécialement nos villes portuaires à l'époque des «barbaresques», à partir du xvie siècle.
Un point d'histoire
On peut dire en raccourci très sévère, car ce n'est pas le sujet ici, que les «barbaresques» sont des corsaires qui ont pris le contrôle des rivages de l'Afrique du Nord et ont mené une guerre navale très soumise au «droit» contre les «Etats chrétiens». Dans cette «guerre de course en Méditerranée» s'étaient affrontées, par «corsaires» et «pirates» interposés le long des côtes «barbaresques», des puissances chrétiennes (desquelles avait émergé «L'Ordre Souverain de Malte», célèbre par ses «Chevaliers») d'une part, et puissances musulmanes assujetties à l'Empire ottoman, tandis qu'Alger était devenue Régence, d'autre part. Tout en étant «indépendants», les «corsaires» d'Alger étaient restés toujours au service de l'Etat ottoman. Par exemple, Ibn Khaldoun (1332-1406), nous apprend que le petit port de Béjaïa s'était acquis (grâce à Aroûdj - L'homme à la barbe rousse - et ses frères (avant et pendant la Régence d'Alger) une réputation de défense et d'attaque contre les «pirates» qui parcouraient la Méditerranée, lien ou route maritime de commerces divers entre les pays d'Orient et d'Occident, dès le Moyen Âge et s'était poursuivie, au vrai, jusqu'au xixe siècle... Aux amateurs de curiosités, je conseillerais de lire, entre autres ouvrages d'historiens français, celui de Jacques Heers, Les Barbaresques: La course et la guerre en Méditerranée xive-xvie siècle, Paris, Perrin, 2008 et celui du spécialiste du monde méditerranéen aux xvie, xviie et xviiie siècles, Alain Blondy, Chrétiens et Ottomans de Malte et d'ailleurs, Paris, PUF, 2013.
N'allons pas plus loin dans l'évocation des tenants et aboutissants des faits historiques, pas plus que dans l'explication des termes techniques, insistons plutôt sur l'origine historique de la boûqâla. Il n'est donc pas d'authentiques bouâqal «modernes» après la guerre de course. Je dis bien «bouâqal», pluriel exclusif utilisé par les connaisseurs dans le jeu de la boûqâla, et non l'inélégant pluriel «boukalette» (sic) lequel, dans le langage raffiné des Algérois sert à désigner spécialement les récipients en terre cuite quand ceux-ci sont «hors-jeu», - par conséquent prononcer un autre pluriel que bouâqal, on passerait pour un novice. De plus, il est bien reconnu que toutes les bouâqal «historiques» ont été recueillies auprès de vieilles personnes, étudiées et présentées par d'éminents chercheurs algériens et étrangers. Pour autant, certaines bouâqal n'ont pas été recueillies sans erreur d'appréciation. Des chercheurs ont confondu des textes du jeu de l'escarpolette (el djaloûla) avec le texte poétique récité dans le jeu de la boûqâla; d'autres chercheurs ont classé comme complètes telles bouâqal pourtant, à l'évidence, composées de bribes importées d'autres bouâqal, sachant bien que celles-ci ont toujours été transmises oralement, et que la mémoire humaine est sujette à des défaillances: oubli, méconnaissance de la métrique des vers populaires ou prétention d'orgueil de petit «savant».
Parmi les nombreux chercheurs qui se sont intéressés à la boûqâla, citons: le regretté Hemida Kateb, un fin lettré et pour tout dire «une mémoire», Youcef Oulid Aïssa, Mohammed Benhadji Serradj, Saadeddine Bencheneb, Joseph Desparmet, Edmond Doutté, Jacques Grand'Henri, Mostefa Lacheraf. En somme, nous disposons d'une véritable poésie orale qui nous ramène à notre immense patrimoine culturel immatériel et aux plus pures traditions du genre cher à notre identité.
Une anecdote, une universitaire m'a présenté très sérieusement un recueil de textes qualifiés par elle de «boukalette» inédites... puisqu'elle les a écrits elle-même et qu'elle s'en porte garante. Elle a scrupuleusement calqué la forme de la boûqâla, mais rien n'est en rapport avec la guerre de course. Je ne lui conteste pas la qualité de ses intentions ni la forme de ses «boukalette», mais aucune de celles-ci n'est «authentique» au sens de «boûqâla historique».
Origine de la boûqâla
L'origine de «la boûqâla» est, à bien réfléchir, un mystère. Il existe plusieurs pistes, plusieurs hypothèses. Mais l'examen du contenu, du style, de la structure poétique des bouâqal rappelle un contexte historique majeur (la guerre de course en Méditerranée), une structure poétique particulière et proche du haoufi (poème chanté à Tlemcen, Oran, Alger, Blida), proche aussi du mouachchah, du mouâl, du zadjal, du aroûbî et du chabî. Les principaux thèmes des bouâqal sont inspirés de la vie populaire quotidienne et des événements historiques. Des thèmes rappellent le genre poétique andalou et l'influence de la nature par des descriptions abondantes et très évocatrices des jardins. D'autres thèmes attestent du niveau de culture populaire et de civilisation atteint dans les bouâqal qui sont autant de petites merveilles de poésie dont plusieurs ont été introduites dans des chansons populaires telle la chanson At-taïr, L'oiseau, écrite par el- hâdj El-Arbi El-Meknassi, originaire de Aïn el-Baïdha, et chantée par le regretté H'ssissen, de son vrai nom El-Arbi Hassan, la musique étant de Mustapha Skandrani..
À l'origine, «la boûqâla» est une création féminine. Une création géniale due à des populations alors sevrées de bonheur et vivant dans l'angoisse d'un retour d'un être cher parti combattre l'ennemi en mer. Comment donc peuvent-elles exprimer leur désarroi profond et pathétique? La manière la plus simple pour ces populations était de créer des images capables de les dire. Le poème était vite devenu le symbole par lequel on voudrait exprimer une vie, une manière de lutte contre le destin contraire et surtout un moyen d'en tirer un présage heureux, un fâ'l ezzîne dont personne n'est dupe de sa réalité. Car dans la boûqâla, on trouve de l'histoire, de la législation, de la poésie, des fables, des mythes, des visions, des lamentations, des chants de guerriers. En effet, la guerre de course en a coûté aux populations algériennes. La défense des côtes, et souvent l'indispensable poursuite de l'ennemi en mer ont exigé le recrutement et la mobilisation de beaucoup d'hommes particulièrement dans les ports du pays, - ce qui explique que la boûqâla n'a été pratiquée que dans certaines villes portuaires de la région d'Alger ou de l'arrière-pays algérois. Outre la capitale, ce sont Cherchell, Dellys, Bougie, Koléa, Blida, Miliana, Médéa, dont les populations étaient et sont en liaison étroites avec celles des ports. Il n'est donc pas exagéré de lier le développement de la boûqâla à la course en Méditerranée.
Création féminine, la boûqâla se pratiquait strictement entre femmes, compte tenu des sentiments très personnels qui y étaient développés; puis le cercle s'était progressivement ouvert aux jeunes gens filles et garçons; puis plus largement et raisonnablement à la mixité consentie dans quelques familles. C'est aussi un jeu de société, par excellence, organisé au pied levé lors des fêtes traditionnelles (mariage, naissance, circoncision,... ou toute autre bonne occasion de se rencontrer entre voisines. De toute façon, la «boûqâla» a fini par être connue peu ou prou dans toutes les grandes villes, même dans celles de l'intérieur du pays. Cependant, un regret, une alerte sérieuse à l'adresse des gens d'esprit, les «boukalette» (qui n'ont rien à voir avec les bouâqal) semblent, de plus en plus, envahir les salles des fêtes, la publicité, certaines soirées familiales, certaines soirées du mois de Ramadhâne...
Il reste encore à évoquer les éléments utilisés dans le Jeu de la boûqâla: le poème-boûqâla, la boûqâla (le récipient réfrigérant, très typé), un brasero (kânoûn, nâfakh), des ingrédients divers (benjoin, l'élémi,...), l'eau, une chéchia ou un foulard pour couvrir le récipient boûqâla. Le choix de l'officiante au jeu, celle qui dit les bouâqal, son assistante ainsi que la préparation du jeu nécessitent la connaissance parfaite des étapes de son déroulement. Peut-être aurions-nous, un jour ou l'autre, l'opportunité de les évoquer aussi ici ou ailleurs.
Sans doute, cela va-t-il paraître, à tout le moins surprenant à beaucoup que je me permette d'informer mes lecteurs, - la plupart d'entre eux le savent déjà. J'ai écrit un livre intitulé Le Jeu de la boûqâla, paru à Alger, en 1989 à l'Office des Publications Universitaires (OPU) à Alger, il y a maintenant 25 ans, et plusieurs rééditions ont été effectuées. Des articles de presse se sont fait l'écho de cette publication. De très nombreuses émissions ont été produites par moi-même et réalisées par Djamel Benhabylès, à la radio algérienne chaîne III (1974-1975 et Ramadhâne 1983) puis à la chaîne I (1983, 1991, 1992). Y ont participé comme récitants de «bouâqal» de grands comédiens tels Allel El Mouhib, Sid Ahmed Agoumi, Hadj Smaïn, Rachid Bouachi, Nadia, Lamia, Zineb,... Pendant le mois de Ramadhâne, le jeudi 15 octobre 2006, la direction générale de la Radio Algérienne a organisé une soirée entièrement consacrée au «Jeu de la boûqâla» au centre culturel Aïssa Messaoudi, boulevard des Martyrs à Alger.


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