A cause du mécontentement des éleveurs bovins, le Salon de l'agriculture qui se tient depuis jeudi dernier à Tizi Ouzou a failli dégénérer en affrontements entre agriculteurs. Venus empêcher la tenue de cette foire, les éleveurs bovins et les producteurs de lait ont été confrontés au refus des autres agriculteurs, comme les apiculteurs, de céder à leur bon vouloir. Toute la matinée a été une série d'affrontements verbaux entre les composantes de ce créneau. Les éleveurs voulaient obliger les exposants, essentiellement les apiculteurs, à ramasser leurs produits exposés et quitter les chapiteaux. Dans l'après-midi, nous avons appris des représentants des éleveurs qu'une délégation a été reçue par le wali de Tizi Ouzou. Leur dossier a été, ont-ils été informés, mis sur la table du Premier ministre lui-même qui a instruit les responsables du secteur à trouver des solutions immédiates aux problèmes soulevés depuis plus d'une année. En fait, les éleveurs mécontents avaient raison de s'inquiéter pour leur filière. Elle est victime d'un abandon total à moins que le mal ne dépasse les capacités des responsables. Les éleveurs signalent des pratiques inconcevables qui risquent de tuer la filière lait. La spéculation gangrène le secteur. Les foins et les aliments sont accaparés par des spéculateurs, vraisemblablement, très organisés. Certains agriculteurs font état de hangars initialement spécialisés dans la vente de matériaux de construction qui se sont subitement transformés en entrepôts de stockage de bottes de foin. Cet aliment acheté dans les wilayas de l'Ouest est systématiquement stocké afin de provoquer la pénurie durant l'hiver et pratiquer des prix exorbitants. Les pratiques frauduleuses de ces spéculateurs sont très nombreuses et de plus en plus sophistiquées. La filière lait est, de l'avis de nombreux agriculteurs, gangrénées par des pratiques maffieuses. Ce jeudi, place de la mairie où se tenait le Salon de l'agriculture, il n'y avait trace d'aucun responsable. Le seul homme connu qui se trouvait sur les lieux discutant avec toutes les parties, est le député RND Mokadem Tayeb. Les éleveurs étaient vraiment remontés contre le directeur du secteur et surtout contre le président de la Chambre de l'agriculture. La filière est au bord de la faillite alors que ces derniers ne semblent point être concernés. C'était là l'opinion unanime des éleveurs. D'ailleurs, sur place, ces derniers s'accordaient à ne plus accepter de discuter avec eux et de s'en remettre carrément au président de la République lui-même. D'ailleurs, il semblerait, à entendre leurs propos, que le message est passé ce jeudi car une réunion s'est tenue dans l'après-midi du même jour avec le Premier ministre Abdelmalek Sellal. En perspective optimiste, le litre de lait, pourrait passer à 60 dinars en plus d'une prime de montagne. Une véritable anomalie dans la gestion de la filière lait. Alors que le gouvernement peine à désamorcer «la bombe du lait», des observateurs soulèvent des anomalies à l'origine. Tizi Ouzou est la wilaya qui produit le plus de lait en Algérie. Mais est-ce vraiment sa vocation, elle qui est constituée de reliefs montagneux très escarpés. Dépourvue de plaines, Tizi Ouzou ne dispose guère d'espaces de pâturage pour la production des aliments. C'est une wilaya à agriculture de montagne. Mais en attendant de voir loin, le gouvernement pourrait jeter un coup d'oeil dans les zones d'ombre qui se multiplient et démasquer ces mains occultes qui gagnent des milliards en suçant le sang des vaches et les poches des agriculteurs.
