Oeuvres de Mourad Krinah et Leila Mammeri C'est aujourd'hui que se tiendra le vernissage de cette fantastique exposition qui mettra en lumière 13 designers algériens et leurs compétences artistiques... Comme nous l'avions annoncé il y a quelques jours, un groupe de designers algériens ont fait le déplacement en Afrique du Sud pour présenter leur savoir-faire dans le cadre d'une exposition intitulée D'Zair Art and Craft A Johannesburg'. Cette manifestation dont le vernissage aura lieu aujourd'hui justement se tiendra au Moad, Museum of African Design à Johannesburg, jusqu'au 4 mai 2016. Tout est prêt pour accueillir cette manifestation première du genre en Afrique du Sud. Ce sont donc 13 designers algériens contemporains qui prennent part à cet événement d'arts plastiques, soutenu par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel Aarc. On citera Radia Zitouni, Leila Mammeri, Hamida Benmansour, Samir Hamiane, Walid Bouchouchi, Yamo Amine Belkebir, Idir Messaoud, Saïd Issadi, Mohamed Ourrad, Neïla Rahil, Djamel Matari et Mourad Krinah qui est aussi assistant commissaire de Hellal Zoubir qui fera remarquer à juste titre, sur le catalogue dont nous avons pu obtenir un exemplaire en exclusivité, avec les artistes) que le design algérien n'est pas facile à délimiter entre artisanat et art contemporain, a fortiori en l'absence d'une ligne de démarcation qui le caractérise et surtout d'industrialisation efficace et concrète des prototypes dans ce sens, ayant pour conséquences de pousser les artistes à être eux-mêmes les «artisanats» de leurs oeuvres. En feuilletant le catalogue, on est bien conforté dans la qualité du travail de nos artistes, et nous découvrons d'emblée la diversité des objets et matériaux utilisés et puis vient la surprise par l'originalité de ces oeuvres qui seront proposées aux visiteurs sud-africains. Interrogé, le designer Jamel Matari nous instruira sur sa table gigogne en cordon noir. Celle-ci est en effet composée de trois éléments qui s'imbriquent l'un dans l'autre. «Le corian est un matériau de revêtement massif mis au point par M. Dupont de Nemours en 1967. Chez nous, il est surtout utilisé comme plan de travail pour les cuisines. Je l'ai thermoformé. Pour obtenir cette forme il faut un moule et il faut chauffer la plaque de cordon à une très haute température....pour la forme de la table et son esthétique, je me suis inspiré de la dualité ou complémentarité homme-femme, le dessus ou plan de travail est droit et rigide et le bas ou l'assise ce sont les courbes de la femme... Je les ai appelées Mataria» en hommage à ma mère (c'est comme ça que je l'appelle) et en ricochet, à toutes les femmes du monde.» Beaucoup de tables et de chaises figurent dans ce magma stylistique qui sera présenté à Johannesburg. C'est le cas de la designer Hamida Benmansour qui présente une chaise longue avec un dossier rouge. Appelée Cascade, cette chaise a en effet la particularité d'être courbée et composée de fins morceaux de valchormat, du bois coloré bien flexible. Walid Bouchouchi, artiste aux idées farfelues, qui rivalise d'ingéniosité a choisi pour sa part de détourner les plots de signalisation routière pour en faire des objets décoratifs, drôles, teints en jaune et vert. Sur ces objets en plastique on peut distinguer notamment, les lettres arabes b et ch. Samir Hamiane, quant à lui donnera à voir un quinquet, fabriqué en céramique. Saïd Issadi pour sa part présentera une chaise «mouche» composée de bois et corde. Mourad Krinah sera quant à lui présent, via deux papiers peints, réalisés en digital print sur papier. Il s'agit de Untitled et American sniper. Dans le premier, on distingue une armée de femmes voilées portant une Kalachnikov, flanquée du keffieh palestinienne. Dans la seconde oeuvre, il s'agira cette fois d'une armée de soldats à la tête de squelette, munis d'armes. La singularité de ces représentations iconiques est dans la multiplication de ces hommes et femmes dupliqués à l'infini, comme autant d'informations que l'on absorberait à travers l'écran, lesquelles témoignent de l'abondance de ces images de guerre dont on est assaillis quotidiennement jusqu'à l'uniformisation de toutes ces guerres qui finissent presque par se ressembler, avec comme point commun entre les deux qui serait l'idée de la mort qui se banalise, sans doute, paradoxalement à force de rabâcher les mêmes images qui perdent au fond de leur substance et force de frappe incluses pour se réduire à un radiogramme plat de l'actualité violente et pourtant spectaculaire qui secoue le monde. Que ce soit les femmes djihadistes ou les snipers américains, la dureté des images et la complexité des guerres se diluent face à l'uniformisation de ces visions galvaudés face à l'indifférence d'un public saturé d'infos fussent-t-elles horrifiantes et dramatiques. Minimalistes, les lampes de Neila Rahil, qui versent dans un registre complètement différent, allient la pratique à la finesse. Notre artiste est suivie du designer de la lumière lui aussi, plus connu en tout cas sous ce nom. Il s'agit de Yamo qui présente dans un style bien épuré deux chaises aux dossiers surmontés de deux pics au bout, qui rappelle les oreilles d'un animal ou la queue d'un poisson. Un siège subtil dont l'un s'appelle «hout», lequel est remonté d'un accessoire (bijoux) et l'autre, portant le nom de «A la folie». En somme, des objets designs inattendus, recherchés, parfois ludiques, pratiques mais disent surtout ce qu'est aujourd'hui le design contemporain algérien...