Vous estimez que le Président n'est pas le problème. Qu'est-ce qui contrarie alors une action efficace autour des enjeux et des défis que vous évoquez? Ce qui manque, c'est fondamentalement une démarche de connaissance qui aide à ouvrir les yeux sur les problèmes fondamentaux du pays. C'est de sensibiliser la jeunesse, l'éveiller à ses responsabilités et lui faire confiance. C'est là la mission première de tous les agents de socialisation, chacun dans son domaine de compétence. Revenons un tout petit peu en arrière. Au cours des 50 dernières années d'indépendance, le pays n'a pas perdu tout son temps. Il a d'abord liquidé la guerre de libération à travers une immense entreprise de décolonisation qui fut lancée en 1962. Depuis 2000, il s'est attelé à liquider la guerre civile qui a com promis l'oeuvre accomplie précédemment et qui a brisé l'élan que l'Algérie avait pris sur la trajectoire du développement. Aujourd'hui, le pays fait son entrée dans le second demi-siècle de son indépendance avec des atouts énormes, mais aussi des faiblesses certaines et des problèmes nouveaux qui ont surgi au fil des cinq décennies écoulées. Pour avancer d'un pas assuré dans ce second demi-siècle,, il vient de se doter d'une nouvelle Constitution, c'est-à-dire qu'il a redéfini un référentiel susceptible de le guider le plus sûrement possible sur le chemin d'une société mondiale à laquelle les circonstances l'ont contraint de tourner le dos faute de s'y être bien préparé. On ne répètera jamais assez que ce nouveau référentiel interpelle l'ensemble de la société à travers tous les acteurs, et pas seulement la personne du chef de l'Etat. Comme dans un match décisif, le gage du succès c'est d'abord de se concentrer afin de s'imprégner mentalement de l'événement, puis de jouer collectif. En l'occurrence, il s'agit de comprendre ce qui se joue aujourd'hui dans le monde et dans la région et d'en évaluer l'impact sur l'Algérie, sans agiter d'épouvantail. Il s'agit aussi de comprendre une bonne fois pour toutes que les problèmes du pays, avant de relever du marché pétrolier qui ne dépend pas de nous, sont essentiellement endogènes et résultent d'une mobilisation insuffisante des atouts dont nous disposons. Il s'agit également de s'atteler résolument à corriger nos faiblesses managériales et à mobiliser la société autour des enjeux et défis du siècle en marche. Il s'agit enfin d'actionner les facteurs de la modernisation de l'économie, de la politique, de l'éducation et de la gestion en s'y investissant totalement et en mobilisant le plus largement possible. En bref, le mal ce n'est pas dans une seule personne ni dans le pétrole, mais dans nos faiblesses communes. Il est dans les vieilles méthodes de pensée et d'action de nos administrations, nos partis, nos banques, nos élus, nos hommes d'affaires, nos médias. Ce sont les lenteurs, les inerties, les blocages, les dépassements, l'irrespect des lois, l'incivisme et les égocentrismes de toutes sortes qui freinent l'élan d'une société qui est pourtant pleine d'ardeur et de jeunesse, et donc de dynamisme. Ce sont les tentatives récurrentes pour la démoraliser à n'importe quelle occasion. Ce sont aussi les velléités qui tendent à déposséder la vie politique de sa juste part de sens moral. En tout cas, ces faiblesses ne sont pas propres à l'Algérie. D'autres pays y sont confrontés. Certains ont réussi à les surmonter parce qu'elles ne sont pas insurmontables. S'agissant de notre pays, on ne démarre pas de rien. Le Président a établi une doctrine claire et a ouvert la voie. Nos intellectuels ont produit une nombreuse littérature sur le sujet. Nos administrations et nos entreprises commencent à se soucier de modernisation, d'investissement, de production. Mais, il y a urgence à accélérer le rythme et à ouvrir plus largement ce gigantesque chantier. Car le temps presse, la démographie s'emballe, les besoins se diversifient, la jeunesse s'impatiente, la compétition économique, scientifique, culturelle, fait rage au niveau mondial. Faute de quoi, le changement projeté par la nouvelle Constitution ne se produira pas parce que ce texte fondamental ne fonctionnera pas si la société à laquelle il est destiné ne s'en imprègne, ou ne se débarrasse pas de ses routines et de ses pesanteurs. Mais l'opposition s'accroche à l'idée que le seul espoir c'est d'aller à une élection présidentielle anticipée qui permettrait aux Algériens de choisir un président qui serait en pleine possession de ses capacités. Imputer nos faiblesses à l'état de santé du Président revient à simplifier les choses de façon excessive et à se tromper lourdement dans le diagnostic et dans l'analyse. Non pas que l'affaiblissement physique du Président soit un élément de peu d'importance dans la marche de l'Etat, mais tout simplement parce que, comme on l'a déjà relevé, les capacités de lutte pour la vie de l'être national ne se limitent pas à celles d'une seule personne, aussi élevée soit-elle dans la hiérarchie sociale et dans l'échelle des responsabilités politiques. Prétendre le contraire serait d'autant plus erroné que le fossé qui s'est creusé entre le discours politique et les actes de gestion, la théorie et la pratique, la norme et la réalité, n'est pas nouveau. Il a toujours existé dans notre pays, a un degré ou un autre, avant la maladie du Président et même sous d'autres présidents avant lui. Cela ne fait aucun doute dans la mesure où aucun chef d'Etat n'a le pouvoir d'être présent partout et à chaque instant, à tous les niveaux de l'organisation et des rouages. Cela ne s'est vu nulle part. Bien plus, il existe des Etats dont le chef n'a qu'un rôle symbolique alors que leurs rouages sont loin d'être inefficaces. Donc, poser le problème en termes d'élection présidentielle anticipée c'est aller vite en besogne. Ce n'est pas sérieux et ce n'est pas une panacée idéale que de prôner une rupture pure et simple comme si le pays est totalement guéri de ses traumatismes et comme si la société peut encore s'autoriser, une fois de plus, des aventures et des risques non calculés. On ne redira jamais assez que les priorités et les questionnements sont ailleurs. L'opposition démocratique estime au contraire qu'une élection présidentielle anticipée est une urgence pour déverrouiller enfin le chemin de la démocratie. D'abord, la nouvelle Constitution a déverrouillé le chemin de la démocratie. Et l'opposition a toute latitude de s'y investir pour contribuer à le rendre praticable. La question-clé est de savoir comment? Cette question pousse à se demander d'entrée de jeu si l'idéal démocratique où les citoyens subordonnent en toute occasion l'intérêt particulier à l'intérêt général, peut s'accommoder avec les conditions communes de la vie dans un pays en développement comme le nôtre où il y a loin du rêve à la réalité? A son tour, ce questionnement en appelle d'autres que l'on doit préalablement prendre en considération avant de faire croire qu'il suffit d'organiser une élection présidentielle anticipée pour traduire en actes des principes posés par les précurseurs de la démocratie moderne il y a de cela des siècles. Comme si la démocratie n'était pas avant tout une affaire d'éducation et de moeurs avant d'être une affaire d'anticipation électorale. Dans cet ordre d'idées, on doit donc regarder les choses en face et nous poser très franchement les vraies questions. Quelles sont-elles? 1. a-t-on mis suffisamment en mouvement dans nos stratégies de développement conduites depuis l'indépendance, les ressources humaines, c'est-à-dire tout simplement la dimension humaine dans la préparation, l'exécution et l'évaluation? 2. l'école algérienne a-t-elle entrepris au cours du demi-siècle d'indépendance, de faire l'éducation à la citoyenneté des enfants et des adolescents, et de préparer ainsi, au bout d'une génération au moins, la démocratie à prendre conscience de son potentiel, et la société à s'interdire de mépriser les lois? 3. la paix sociale est-elle possible et durable dans ce pays convalescent où les partis que renferme la société agissent constamment pour s'annuler mutuellement? 4. la crédibilité des élections peut-elle être sauvegardée lorsque les voix font de plus en plus l'objet d'un commerce au grand jour, sur lequel les candidats et les partis ferment les yeux? 5. le peuple fait-il aujourd'hui un bon usage de ses libertés, bien médiocres sans doute par rapport à l'idéal, mais bien réelles si l'on compare le présent au passé? 6. les partis choisissent-ils les meilleurs candidats sur les listes qu'ils proposent aux électeurs? 7. le peuple des électeurs, s'il a le plus souvent des sentiments généraux et d'admirables enthousiasmes, ne se laisse-t-il pas aussi guider par des considérations tribales et autres réflexes ataviques qui favorisent plus le clanisme que le mérite, plus l'esprit de clocher que la démocratie? 8. et que dire des agents de formation des mentalités et de l'opinion que sont les médias. En politique, ces derniers, sauf exception, n'expriment-ils pas le plus souvent l'opinion personnelle des rédacteurs des articles? Ne leur arrive-t-il pas, sauf exception, d'être manoeuvrés par des intérêts occultes au lieu d'informer et de contribuer à former? Ne sont-ils pas, sauf exception, davantage soucieux de leurs intérêts que de ceux de la société? Ne sont-ils pas davantage soucieux de vente et d'audimat, et donc de flatter les goûts des masses, au lieu de bien les orienter? En bref, nos médias font-ils toujours preuve de professionnalisme? Et ne néggent-ils pas un pan essentiel de leur mission relatif à la formation civique de l'opinion dans le cadre de la dimension " service public " qui leur incombe et qu'ils ne doivent pas occulter? Enfin, nos médias se soucient-ils tous de la formation continue des jeunes journalistes ainsi que de leurs conditions de travail? Autant de questions troublantes qui nous montrent que les choses ne sont pas si simples et que des élections anticipées sont très loin d'être l'essentiel dans un pays où la politique, les intérêts, les idéologies sont hétéroclites et où la priorité est à la consolidation des acquis post-tragédie nationale et non pas à leur fragilisation. La priorité est à la réformation intellectuelle et morale pour mettre à niveau les mentalités. Elle est tout simplement à une pratique de la politique par la raison, la sagesse et la science. Ajoutez à cela l'absence d'un chef de l'opposition capable de fédérer autour de lui des ambitions disparates, sans compter la fragilité interne de plusieurs partis dont l'action se réduit le plus souvent, sauf exception, à des stratégies d'individus ou de petits groupes. C'est dire en bref que si le système n'est pas exempt de reproches, les partis ne le sont pas moins dans la mesure où nombreux sont ceux qui sont atteints dans leurs sources vives. Et aucun ne peut constituer la panacée qu'il arbore. Le fait de s'absorber dans une activité strictement partisane ne suffit plus dans les circonstances actuelles à former une alternative crédible. En fait, le pluralisme doit se rénover dans ses méthodes de pensée et d'action. Faute de quoi, ce sera un dialogue de sourds permanent au sein du monde de la politique dans notre pays. Cela ne désoriente-t-il pas les Algériens et ne les rend-il pas de plus en plus sceptiques? Les Algériens sont sans doute sceptiques à l'égard de la politique et de ses acteurs. Pour l'heure, leur confiance n'est accordée à l'évidence qu'au chef de l'Etat dont ils apprécient aussi bien les réalisations en matière d'équipement du pays que l'intérêt qu'il porte aux démunis et aux classes moyennes dans des domaines sensibles comme le logement, la santé, l'éducation, l'eau, le gaz et l'électricité domestiques, le pouvoir d'achat. A cet égard, la politique menée est une politique de progrès, même si beaucoup reste à faire. Quant à l'action de développement de manière générale, il suffit de sillonner le pays pour voir qu'il est en pleine transformation. Là encore, beaucoup reste à faire afin de promouvoir notamment une économie de l'offre, c'est-à-dire de production diversifiée. D'où l'urgence de réhabiliter l'entreprise et de lever les obstacles qui entravent l'initiative et nourrissent la corruption. Car c'est l'entreprise, la vraie, qui crée la richesse et l'emploi et non pas la bureaucratie. N'est-ce pas là un plaidoyer en faveur de la personnalisation du pouvoir en raison d'une incapacité des partis, face à un Président qui se suffit à lui-même et qui suffirait à tout, à lui tout seul? Les partis ne sont pas tout dans la vie d'un pays. Ce sont des acteurs parmi d'autres. Ils sont, comme on l'a dit, des acteurs nécessaires à la démocratie, mais pas suffisants. De plus, ils doivent prouver leur capacité à convaincre et leur efficacité dans l'action politique qui n'est pas une partie de plaisir. Il y a un proverbe algérien qui dit: " Sois un lion et dévore-moi. " Cela signifie, en l'occurrence, que le pouvoir ne se donne pas, il s'arrache à travers cette capacité à convaincre. Il est naturel que ceux qui l'ont se défendent comme ils peuvent pour le conserver. Et que ceux qui sont dans l'opposition s'emploient à le leur ravir. C'est ainsi que se passent les choses de tout temps et en tous lieux. Quant à l'opinion publique, qu'elle soit bien ou peu structurée, elle observe et, quand elle s'y intéresse, elle essaie d'évaluer les chances des uns et des autres, puis elle accorde ou non sa confiance et son soutien. Encore faut-il que les conditions soient remplies pour que les choses se passent ainsi. Or aujourd'hui, force est de constater, chez nous, un contraste saisissant entre l'Algérie officielle et l'Algérie partisane. Autant la première s'emploie à réaliser, même si tout n'est pas parfait; autant la seconde semble prendre de la distance par rapport à cette logique, uniquement pour la rejeter par principe, c'est-à-dire par préjugé et commodité, pour la seule raison qu'elle n'en est pas le maître d'oeuvre. Pourtant, rien dans la doctrine établie au fur et à mesure par le Président actuel depuis 1999 ne fait problème par rapport au contenu de la littérature des partis. On y trouve tout ce qu'ils écrivent ou projettent. Il n'y a pas de différence infranchissable entre les idées et les propositions avancées pour mieux administrer les choses et mieux gouverner le pays. A partir de là, il n'est pas surprenant que lesdits partis ne soient pas parvenus à convaincre et que les Algériens aient renouvelé leur confiance au Président en 2014, tout en sachant qu'il est physiquement affaibli. Mais certains parlent d'abstention et de bourrage des urnes. Il y a eu sans doute des cas d'irrégularités, comme on en voit ailleurs. Mais de là à prétendre que des opposants au candidat Bouteflika aient gagné l'élection présidentielle il y a un pas qu'il me paraît bien difficile de franchir. Il faut s'en tenir aux faits et seulement aux faits. En regardant les choses de près, on voit bien, en effet, qu'il n'y a pas eu d'émeutes ou de manifestations massives pour contester les résultats ou pour faire dans ce qu'on appelle le " printemps arabe ", comme cela s'est produit ailleurs. Il y a eu certes quelques tentatives pour soulever les foules, mais sans suite. C'est que les Algériens ont compris que, pour l'heure, il n'a y a pas d'alternative crédible à Bouteflika. Et que l'avenir n'est pas dans les clivages partisans et les combinaisons politiciennes, mais à leur faire comprendre que l'avenir est dans une dynamique dont les jalons ont été clairement posés. C'est une dynamique qui ne laisse personne sur le bord du chemin et qui fait la part des choses entre la théorie et le vécu social. De plus, il faut bien reconnaître qu'aucun opposant n'a réussi à convaincre mieux que ne l'a fait Bouteflika avec sa doctrine et son action. Est-ce à dire que les partis planent au-dessus des réalités? Je précise une fois de plus qu'il ne s'agit nullement de diaboliser qui que ce soit. Il s'agit simplement de faire usage d'un droit à l'expression pour essayer de faire entendre un son de cloche qui peut contraster avec le discours contestataire, parce qu'ils s'adosse à la conviction que rien n'interdit à personne de repenser ses façons de faire lorsque l'intérêt du pays et les circonstances l'exigent. Imaginons un instant la formidable énergie créative que pourrait constituer un regroupement des forces vives et des compétences aujourd'hui éparpillées, dans une stratégie commune visant à activer les réformes engagées, à promouvoir l'entreprise et la croissance tout en soutenant les plus défavorisés au cours des années à venir. Ceci ne viendra pas tout seul. C'est la conscience des individus et des groupes qui est interpellée. C'est la compétence des acteurs et leur volonté qui sont mises à l'épreuve. C'est la communauté de destin qui le dicte. Ceci ne s'apparente-t-il pas à l'idée de "mur national" prôné par le FLN? Ce que prône, à cet égard, ce parti n'est pas surprenant. Car c'est une idée qui est dans la tradition du FLN depuis sa fondation. On ne peut pas comprendre objectivement le sens de cette idée si l'on n'a pas la conscience totale du passé et de l'héritage. En effet, on a fait précédemment allusion au fait que faute d'avoir réussi à se rassembler avant 1954, les Algériens ont subi le colonialisme durant une longue période et sur plusieurs générations. Une fois rassemblés dans le cadre de la proclamation du 1er Novembre 1954, ils ont réussi à chasser le colonialisme en moins de dix ans. Prétendre construire l'avenir me paraît impossible à qui ignore les enseignements utiles du passé ou qui refuse de réviser en conséquence ses grilles d'analyse. Bien évidemment, cela ne consiste pas à répudier tout esprit critique en faisant dans un unanimisme suranné, mais cela consiste à recadrer la réflexion sur les périls qui guettent le pays si ses forces vives ne s'accordent pas sur les enjeux et les défis de l'heure. L'ambition légitime est compréhensible. Ce qui l'est moins c'est l'indifférence au prix qu'elle pourrait avoir Il faut que plus que jamais surseoir aux tentatives visant à enflammer les âmes par des invectives et des discours qui flattent les ressentiments et les frustrations, ou bien qui sont uniquement de nature à séduire, y compris par la manipulation ou le mensonge. On sait où cela nous a conduits à la fin du siècle dernier. Le pouvoir, donc le Président, n'a-t-il quand même pas une grande part de responsabilité dans cet état de choses, d'autant plus grande que son silence constitue un facteur aggravant? Ce serait une erreur d'assimiler le pouvoir au seul Président, car le pouvoir est un phénomène complexe qui a été trop galvaudé. Si vous faites allusion au pouvoir politique, c'est-à-dire à l'élément moteur de l'appareil de l'Etat, on ne peut pas parler d'un seul et unique titulaire qui serait, en l'occurrence, le Président, simplement parce que c.est sur lui que se braquent les projecteurs de l'opposition et des médias. Il est clair qu'il y a d'autres titulaires auxquels la Constitution confère des prérogatives, un rôle de décision et un pouvoir d'action. Il s'agit des assemblées parlementaires chargées de la fonction législative. Il s'agit aussi du gouvernement qui a un rôle de coordination, d'impulsion et d'exécution. Il s'agit également du Conseil constitutionnel, investi d'un pouvoir de régulation des compétences et de la sauvegarde des droits et libertés constitutionnels. Il s'agit enfin de l'institution judiciaire chargée de veiller au strict respect des lois. C'est à tout cet ensemble que revient la mission de faire mouvoir efficacement l'appareil d'Etat, et pas seulement au Président. De plus, cet ensemble ne représente que la partie visible de l'iceberg. Car, il repose sur toute une machinerie administrative qui lui sert de relais et de support en matière d'information, ainsi que de préparation et d'exécution des décisions sur le terrain, dans tous les domaines. On voit donc bien qu.il s'agit d'un ensemble d'organes hiérarchisés qui disposent chacun d.une part effective d'autorité, et donc de responsabilité, dans le cadre des lois en vigueur. Ces organes agissent dans un environnement où pullulent des idées, des opinions, des comportements, des intérêts contradictoires et des conflits, et où le souci du bien commun n.est malheureusement pas toujours de mise. C.est dire, en bref, que ce serait un non-sens d'imputer les dysfonctionnements à un seul des titulaires du pouvoir politique, même s.il est au sommet de la hiérarchie. N'oublions pas non plus que l'Etat algérien, c'est-à-dire le pouvoir politique national institutionnalisé, date d'à peine un demi-siècle. A l'évidence, c'est une institutionnalisation imparfaite et inachevée qui n'autorise pas d'en attendre la même efficacité qu'on serait en droit de demander à un Etat vieux de plusieurs siècles. D'où l'intérêt d.une explication d'ensemble avant de tout imputer au Président. Nous avons des organes qui existent et aussi des milliers de textes qui leur servent de guides dans l'action. Quant à ce que vous appelez «silence du Président», ce dernier n'a jamais cessé de parler jusqu'à ces toutes dernières années. Il a tout dit ou presque. Il a établi, redisons- le, un corps de doctrine qui montre clairement la route à suivre dans tous les domaines. Il a initié une Constitution de progrès politique. Et, sincèrement, je ne vois rien, encore une fois, dans la littérature des partis politiques de notre pays qui n'ait été dit ou écrit par le Président. Donc, le problème n'est pas de trouver un bouc émissaire auquel il serait commode de tout imputer, mais de prendre tous conscience de nos responsabilités et de nos conduites respectives, chacun à son niveau, ainsi que des nécessités qui nous ordonnent de mettre en commun nos énergies. Car le pays a été épuisé par une guerre civile. Il a besoin de parachever sa reconstitution et non pas de revenir à la case départ, là où les théories et les doctrines, au lieu de rester dans leur rôle d'instrument de la pensée et de l'action politique, se sont érigées en maîtres absolus. Lorsque, par fanatisme et besoin de certitude à tout prix, ou par paresse intellectuelle, elles sont prises pour des vérités définitives, étanches aux exigences de la raison, du bon sens, de la réalité sociale et de l'intérêt public. On a envie de dire que ce sont des voeux pieux qui relèvent de l'utopie quand on sait que la rupture est totale entre le pouvoir et l'opposition. Il n'y a rien d'utopique à cela dans la mesure où l'Algérie a fait une expérience concluante de sa capacité consensuelle lorsque les circonstances le lui ont commandé. Evidemment, c.est loin d'être facile parce que la poursuite de l'intérêt général est une tâche très laborieuse. De plus, l'opposition semble avoir opté pour une logique de confrontation pure et simple. Elle oublie sans doute que le juge en dernier ressort qu.est le peuple ne s.est pas soulevé pour la simple raison que ses préoccupations immédiates ne sont pas ignorées par le pouvoir en place. De plus, il ne semble pas disposé à se laisser entraîner sur des chemins dont il ne perçoit pas l'issue alors qu.il a une meilleure connaissance de ceux que lui a tracés Bouteflika. Il a sans doute compris que les rapports de force ne mènent à rien de positif dans les contextes qui sont les nôtres, et qu.il faut travailler en bonne intelligence pour construire l'Algérie de demain. Dans le même temps, les jeunes en particulier qui, à travers le Web, sont au fait des évolutions du monde, ne semblent pas disposés à se laisser figer dans les vieux schémas de nos pratiques politiques. Car dans un monde où tout change, ces pratiques resteraient-elles chez nous seules imperméables aux reconversions? La terre entière est en mutation. Les modes traditionnels de fonctionnement de la politique, de la bureaucratie et de l'économie paraissent inadéquats aux contextes nouveaux. Encore une fois, il ne s'agit pas de diaboliser qui que ce soit, ni de créer le vide politique. Il s'agit de s'accorder sur le diagnostic et non pas de concentrer injustement l'attention des Algériens sur la personne du chef de l'Etat, en les détournant ainsi des vraies questions. Il s'agit de s'adapter et de coopérer. Toute autre considération s'efface devant l'exigence, implacable, de rechercher le maximum d'efficacité et d'être à la hauteur des enjeux de cette étape cruciale qu'amorce le pays. C'est-à-dire, au final, que la confrontation et le dialogue de sourds ne mènent qu'à l'impasse. La controverse pouvoir-opposition est donc vaine et ne sert à rien dans la phase actuelle marquée par le choc pétrolier, les menaces sécuritaires, les dangers et les incertitudes géopolitiques, les chamboulements du monde qui contraignent à une attitude prospective, en plus des nécessités impératives de l'apprentissage, aussi bien dans le domaine de la démocratie que celui de l'économie de marché. En bref, c'est sous la pression des nouveautés du monde et des drames qui se jouent tout près de nous, qu'apparaissent, dans notre pays en développement, comme hors du jeu, tant de querelles et de clivages. En conséquence, l'action politique, l'action administrative et l'action économique, doivent se mettre à l'heure du siècle en marche. La coopération sur l'essentiel, le dialogue et la confiance entre les acteurs doivent être de mise. Le sens de l'Etat et sa mise à l'abri des intérêts particuliers doivent être la règle. Le pays gagnera un temps précieux et n'en deviendra que plus agile et plus performant.