L'appel à la compréhension mutuelle entre les religions réaffirmé récemment par le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, est un vieux thème abordé régulièrement dans les médias. Une nouvelle preuve en est donnée récemment par la revue espagnole, Afkar/Ideas attestant qu'en Europe, «on s'inquiète de combien de fois à la semaine les musulmans se rendent à la mosquée ou du pourcentage de ceux qui observent le jeûne pendant le mois de Ramadhan». A propos des représentations sociales, la revue souligne que «si les sociétés réceptrices de main-d'oeuvre immigrée ne comprennent pas que celle-ci peut se retrouver au chômage, elles peuvent encore moins accepter l'idée du fait qu'il existe des musulmans laïcs». La même source indique que ces affirmations servent à initier une réflexion sur la façon de s'ajuster des pratiques religieuses des musulmans européens. Ceci même alors qu'il se produit un paradoxe structurel: tandis que l'ensemble des différentes réglementations légales européennes montrent une croissante reconnaissance des spécificités du culte propres de la doctrine islamique, d'un autre côté surgit un regard suspicieux face à l'expression publique de ces observances et ces religiosités. C'est ainsi que «les musulmans en tant que collectif social continuent à éveiller une méfiance en vertu de leurs comportements sociaux». Pour la revue, il semble que plus la reconnaissance légale s'accroît, plus le malaise exprimé face à la vitalité religieuse de ce collectif s'accroît. Qu'en est-il du cas de l'Espagne qui, depuis 1992, reconnait l'islam en tant que religion notoirement établie, au sein du cadre de la liberté religieuse et qui n'a pas empêché que ces dernières années on ait refusé la demande d'acquisition de la nationalité espagnole à une série de personnes, dont on a considéré qu'elles présentaient «un excès de zèle religieux». Les attentats terroristes vécus à l'intérieur et en dehors de l'Europe y sont pour quelque chose et la surprise est que les collectifs musulmans européens maintiennent encore leurs identités et appartenances. Y a-t-il ainsi «trop confiance dans les capacités assimilatrices des institutions sociales européennes, en considérant comme acquis qu'elles seraient capables de modeler à leur guise une population docile et avec des références faibles? Selon l'auteur de la contribution, Jordi Moreras, du département d'anthropologie de l'université Rovira Virgili, les Européens font de sorte à établir une série de typologies et de catégorisations qui servent à étayer des profils assez hors contexte des musulmans à travers leur pratique religieuse. D'ailleurs, l'abondante bibliographie sur l'islam en Europe montre un grand nombre de tentatives de reproduire une gradation parmi les expressions d'un islam supposément intégrable et un islam présumé résistant. Il rappelle que lorsque Felice Dassetto et Albert Bastenier ont publié leur ouvrage, L'Islam transplanté (1984), ils ont établi un barème sur la fréquentation des fidèles musulmans des mosquées de Belgique, en appliquant un critère quantitatif classique de la sociologie de la religion. Rémy Leveau et Gilles Kepel ont avancé un pas de plus (Les Musulmans dans la société française) dans le sondage parrainé par la Fondation nationale des sciences politiques, en 1988, sur les musulmans en France, en incluant d'autres éléments propres d'une interprétation canonique des observances religieuses islamiques. Sur cette base, on a construit d'autres sondages publics, comme ceux de l'Ifop qui, publiés périodiquement par Le Monde, «nous informent sur la présence de la religiosité parmi les populations musulmanes», est-il poursuivi.