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Le recours du désespoir
AVORTEMENT
Publié dans L'Expression le 10 - 10 - 2005

L'avortement demeure encore la cause principale de la morbidité et la mortalité maternelle en Algérie.
Il y a eu 21 avortements durant les huit premiers mois de cette année, selon des statistiques rendues publiques récemment. Ce chiffre n'est que la partie apparente de l'iceberg. Des avortements clandestins, il y en a beaucoup plus en Algérie. En effet, une enquête auprès des services de police et des différents hôpitaux nous a appris qu'il y a eu pas moins de 78 décès suite à des avortements effectués chez des femmes ou de faux médecins et cela seulement dans la capitale et ses environs.
La loi algérienne interdit bien entendu les avortements, mais les femmes avortent tout de même clandestinement en prenant de gros risques pour leur santé. Les médecins veulent ignorer les drames et dans notre société, ce sujet reste encore tabou. «Cela s'explique en partie par le fait que les adolescentes ont des rapports sexuels non protégés», nous explique un médecin scolaire de Kouba.
«Globalement, cette interruption volontaire de grossesse est due, pour l'adolescente, à un manque d'information», précise le même médecin. Pour le gynécologue Sahlaoui Safia, ce manque d'informations signifie aussi que les femmes ne savent pas qu'elles risquent leur vie en se faisant avorter. «Il est déplorable que très peu de femmes et d'adolescentes n'ont pas conscience des risques physiques qu'elles encourent», a-t-elle indiqué. «Aucune complication n'est à écarter lorsqu'un curetage ou une aspiration est effectuée par un personnel de santé. Imaginez ce qu'il advient quand des procédés aussi douteux sont utilisés». Les femmes qui survivent à ces avortements s'en sortent avec des lésions et des séquelles comme des perforations utérines, des douleurs chroniques ou une stérilité secondaire, déclarent les médecins.
Une pratique condamnée mais fortement pratiquée
Les personnes pratiquant des avortements clandestins sont passibles d'une peine d'emprisonnement de 15 ans. Nadjia N. est une ancienne sage-femme âgée de quarante-huit ans qui a été mise en détention depuis décembre 2004 et qui purge une peine de neuf ans pour avoir pratiqué six avortements à Laghouat.
Sihem B. est une femme de trente-neuf ans, de Blida, elle est détenue depuis juin 2005 et purge une peine de deux ans. Son tort est d'avoir provoqué un avortement. Mariée à l'âge de 18 ans, elle s'est retrouvée veuve à 32 ans, avec cinq enfants, le plus jeune étant âgé de six ans. Ses enfants, deux garçons et trois filles, vivent chez leur oncle pendant que leur mère purge sa peine de prison. D'après sa déclaration au tribunal de première instance à Blida, le 2 juillet 2005, Sihem a été mise enceinte par un ami de la famille. C'est lui, révèle-t-elle, qui lui a conseillé de se faire avorter. Et c'est également la même personne qui l'a mise en contact avec une femme à Ouled Yaïch qui lui donna une racine d'herbe destinée à déclencher les contractions utérines. Sihem agit ainsi et à la suite de quelques douleurs l'avortement est provoqué.
Les lois anti-avortement, classifiées sous la rubrique «homicides» ne permettent pas d'exception, même dans les cas où la santé et la vie de la mère sont menacées, où la grossesse est le résultat d'un viol ou d'inceste. Pour les femmes, et pour ceux qui effectuent des avortements sur des femmes, cela est considéré comme illégal et passible d'une lourde peine de prison.
La sévérité de la législation en matière de répression de l'acte d'avortement constitue, affirme-t-on, l'un des facteurs essentiels qui poussent chaque année des centaines de femmes à recourir aux services de charlatans pour «les débarrasser de leur fardeau». Cette démarche débouche généralement sur des avortements clandestins extrêmement dangereux. Cela va de l'ingestion orale de teinture chimique et de médicament à base d'herbes, à l'insertion de substances étrangères dans le col utérin telles que le mercure, des morceaux de verre ou des bâtonnets enduits de mélange d'herbes ou d'excréments de vache. Chaque femme en Algérie qui pratique un avortement, risque non seulement la prison, mais également la stérilité, l'infirmité ou la mort, suite aux conditions non surveillées et non hygiéniques. Mais il faut aussi préciser que la loi anti-avortement atteint essentiellement les femmes pauvres, qui sont les plus exposées aux poursuites pénales, pour la simple raison qu'elles n'ont pas les moyens de procéder à un avortement dans un pays où cette pratique est légale.
Ainsi les femmes ayant plus de moyens financiers, ont le choix d'avorter à l'étranger, ou à défaut, interrompre une grossesse gênante en Algérie même, sans réel danger, en échange d'honoraires gonflés. Des sources bien informées ont révélé à L'Expression qu'il existe sur la place d'Alger des cabinets gynécologiques qui pratiquent cet acte illégal, disposant même de «rabatteurs» qui leur fournissent une clientèle triée sur le volet. Ni ces femmes ni ces médecins ne sont poursuivis. Un «crime parfait», sommes-nous tentés de dire. Mais au-delà de l'aspect strictement juridique, il y a dans le phénomène de l'avortement une dimension humaine qui mérite un traitement plus souple.
A ce propos, un avant-projet de résolution pour amender la loi sur l'avortement a été introduit à l'APN . Il est proposé de «légaliser» l'avortement dans les trois premières semaines de la grossesse, avec le consentement du mari, ou dans le cas d'une femme non mariée, avec le consentement des parents, mais seulement lorsque la grossesse est le résultat d'un viol ou d'un inceste, si la mère court un danger, si sa santé physique ou mentale présente un risque, ou si le foetus est mal formé. Mais il faut dire que les séquelles psychologiques de l'avortement commencent à être connues et reconnues. Les psychologues parlent aujourd'hui du syndrome post-abortif des femmes qui ont subi un avortement et du syndrome du survivant des jeunes qui s'interrogent: «En vertu de quelle roulette russe suis-je venue au monde alors que mon frère ou ma soeur n'y a pas eu droit».
Personne n'aime la clandestinité
L'avortement blesse aussi parfois profondément les hommes, les médecins, les équipes soignantes, les assistantes sociales. C'est toute la société qui est ébranlée par la dévalorisation dans le regard porté sur la vie humaine. Ainsi, depuis toujours, en Algérie, les débats sur la procréation médicalement assistée, la bioéthique et l'euthanasie sont tronqués. Il est interdit de poser la question sur le statut de l'embryon ou la définition de l'être humain de peur de remettre en cause la légitimité de l'avortement. «J'ai accepté de prendre position officiellement sur le sujet de l'avortement sur demande. Et contrairement à tous les spécialistes qui s'en tiennent, soit à la loi avec tout ce qu'elle a de froid dans sa cruauté, soit à la raison pure et simple, je ne peux pas aborder le sujet de l'avortement autrement qu'en femme, c'est-à-dire avec toutes les émotions que ça comporte», nous déclare une spécialiste en gynécologie.
La principale raison que l'Etat apporte à son objection d'une adoption d'une loi permettant à une femme d'avorter est que les femmes, une fois qu'elles auront ce pouvoir, seront tentées par une vie de dévergondage où rien ne les arrêtera. C'est là une approche défendue par certains praticiens qui assurent que quelle que soit la dureté de la législation, il y aura toujours autant de femmes qui auront recours à l'avortement. «A tous ceux qui soulèvent une telle objection je tiens à expliquer un aspect de la sensibilité féminine sur laquelle ils ne se sont peut-être pas penchés: Messieurs, aucune femme normalement constituée et saine d'esprit n'interrompt une grossesse par caprice», déclare Amina J., obstétricienne. «Dans l'horreur du clandestin, ce sont aussi des femmes légitimes, mariées qui réclament un avortement, et pas seulement des prostituées, d'innocentes adolescentes ou des prêtresses de l'amour libre. Cessons de nous voiler la face et de prétendre qu'une loi qui donnerait à la femme un droit à la dignité serait la porte ouverte sur le dévergondage», ajoute-t-elle.La deuxième objection est que l'avortement ne règle rien puisque la femme reste marquée psychologiquement.
Des psychiatres ont affirmé que les femmes qui se font fait avorter portent en elles un sentiment de culpabilité qui peut les marquer définitivement.
«La fameuse série Mission impossible est à peine plus excitante. Nous ne sommes pas toutes des machines-gun Molly, et nous ne sommes pas prédestinées à la clandestinité. Comment voulez-vous que nous n'ayons pas de sentiment de culpabilité alors que nous avons l'impression d'avoir dévalisé une banque ou d'avoir comploté pour assassiner le Premier ministre», déclare une femme rencontrée chez un gynécologue.
Convictions religieuses, raison et conscience, problèmes d'argent, libertés individuelles, tous les ingrédients qui font que l'avortement reste un sujet tabou.
Les faits sont là mais personne n'en parle. Quant à l'éducation sexuelle, il faudra attendre le déluge pour qu'on en parle.


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