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Avec des repentis de Zoubiria
ILS ONT BENEFICIE DE L'AMNISTIE
Publié dans L'Expression le 29 - 10 - 2005

«A Zoubiria, des terroristes repentis vivent des jours heureux. La population, elle, est partagée entre la peur et la tolérance.»
Zoubiria, à 10 km de Berrouaghia, les gens paraissent avoir le double de leur âge. La misère a durci les traits, flétri la peau et fait perdre même aux plus jeunes leurs dents. Ici, on dort souvent le ventre vide et le coeur sans illusion, autour d'un feu de bois pour unique source de chaleur. Sur le chemin, les enfants quémandent des crayons et des stylos aux passants. Condamnés à une vie de nomade, nombreux sont ceux qui ont dû abandonner tôt leur scolarité. A Zoubiria, des hommes et des femmes, qui ne savent pour la plupart, pas ce qu'est une télévision, qui n'ont jamais siroté une limonade dans un salon, qui n'ont pas connu les joies d'une fête, ont subi la violence et la peur pendant des années. Aujourd'hui, le calme est revenu, et les terroristes aussi, mais cette fois, ce sont des repentis qui ont regagné leurs maisons après avoir été amnistiés, et leur présence ne rassure pas les habitants de Zoubiria. Il y a huit ans, une incursion terroriste dans le village s'est soldée par 258 morts et cela, les survivants du massacre n'arrivent pas à l'oublier. Las d'attendre l'aide des autorités, les occupants de la ville se sont résignés à prendre le chemin de l'exode. Alors qu'ils reprennent un semblant de vie normale, une autre épreuve les attend. Ils devront côtoyer, accepter ces égarés revenus à la raison. Nous sommes allés à la rencontre de trois des terroristes repentis de Zoubiria, et nous avons découvert des choses surprenantes. En arrivant à la demeure de Mohamed Midouni, figure de la décennie de terreur qu'a connue Berrouaghia et ses environs, un silence mortel nous envahit. La maison est située juste à côté d'une mosquée. Un chien au seuil de la porte semble être affamé et ne réagit pas à l'approche d'un étranger.
«On nous a trompés»
Mohamed est âgé de 39 ans, père de cinq enfants, il nous révèle sa vérité à lui et nous l'écoutons avec intérêt. «J'ai vu les crimes les plus atroces, la barbarie la plus abjecte et je supplie le monde de me pardonner. J'ai été trompé et drogué, je ne savais pas ce que je faisais », nous déclare-t-il. Il nous explique ensuite froidement son erreur et sa crédulité comme s'il s'agissait d'un manque de vigilance sur le choix de ses fréquentations. Nous apprenons que Mohamed est le cousin de Yakoub Midouni, émir de Berrouaghia en 1993 et qui a été tué en 1995. Mohamed, âgé alors de 26 ans, exerçait le métier d'instituteur à Berrouaghia. Il côtoie son cousin ainsi que l'imam Youcef Zaoui, tué en 1995 avec Yakoub. La combinaison toxique de pessimisme démoralisé et de l'obscurantisme religieux et ultra nationaliste ont eu raison de Mohamed. L'organisation terroriste, qui activait à Berrouaghia, fondait sa tactique sur l'illusion et la corruption. Les terroristes nourrissaient et aidaient des familles entières, c'était une organisation criminelle déguisée en Robin des Bois qui pillait, tuait des innocents afin de nourrir une partie de la population vulnérable d'illusions. Et c'est de cette façon qu'on apprivoisait des jeunes hommes plongés dans la misère du chômage pour les transformer en machines à tuer. Le moyen de berner la population était tout trouvé. L'islam qu'ils interprétaient peu à peu à leur manière leur servait de couverture, et cette tactique a très bien marché à Berrouaghia ainsi qu'à Ouzra et Zoubiria. Mohamed faisait partie de ces jeunes qui ont été trompés. Mais au cours de son témoignage, à aucun moment sa repentance n'est clairement exprimée, comme nous avons souhaité qu'elle le soit en de pareilles circonstances. «Je n'ai rien fait à part brûler des voitures, des camions, j'ai participé au massacre de quelques militaires, mais moi je ne faisais que regarder», nous avouera-t-il. Surprenant quand on sait que les terroristes n'adhéraient qu'après qu'ils aient fourni une preuve de leur loyauté. Et cette preuve c'était l'assassinat d'un proche ou d'un agent de l'ordre. Mais ce qui nous a encore plus surpris, était que Mohamed avait encore des armes en sa possession. «C'est juste des fusils pour me défendre moi et ma famille. Ici, il y a des gens qui nous haïssent», nous déclare-t-il. En kamis et baskets, Mohamed emmène chaque jour son fils Hocine à la mosquée pour l'apprentissage du Coran. Pas de télévision chez lui ni de radio, nous constaterons par la suite que ces objets si essentiels pour nous manquent dans la majorité des maisons.
Quant aux femmes, elles sont presque toutes voilées et ne sortent presque jamais. Nous sortons de chez Mohamed pour aller chez une dame qu'on appelle Yakout. Elle a perdu toute sa famille dans un massacre qui a eu lieu dans un village non loin de là, Kariat El Djounoud, où les groupes armés ont massacré des dizaines de personnes en une seule nuit. « Jadis, pour se nourrir à Zoubiria, il suffisait de semer et de récolter les fruits et légumes qui poussaient en abondance et c'était un paradis, jusqu'à ce que les terroristes en fassent leur paradis à eux», nous explique Yakout. Nous apprenons alors comment la population était prise en otage. Des maisons ont été détruites. Beaucoup de femmes ont été aussi enlevées et on n'entendit plus jamais parler d'elles. Yakout nous fait part de sa méfiance et sa crainte. «Et si ces repentis décidaient de reprendre les armes et de nous tuer tous, nous ne pourrions nous défendre. Mohamed, je le connais bien, il est de mon quartier et nous avons toujours été voisins. Mais ce n'est plus le même homme, et je l'ai déjà vu attaquer le train. Qui me dit qu'il n'a pas tué des gens?», nous confie-t-elle. Le train dont elle parlait n'est autre que le train qui passait par Berrouaghia et qui a été brûlé par Mohamed et son cousin Yakoub. Il est presque six heures et nous sortons de chez Yakout pour rejoindre la ville de Berrouaghia, avant la tombée de la nuit. Mais, surprise, les quatre pneus de notre véhicule sont crevés et nous n'avons qu'un pneu de secours. Nous sommes donc obligés de rompre le jeûne chez Mohamed Midouni, qui nous reçoit avec un enthousiasme presque enfantin. Là, nous sommes loin des repas de Ramadan riches et variés. Le repas est modeste, de la chorba, de la galette et du lait. Mohamed part ensuite à la mosquée avec ses quatre fils pour la prière, et son épouse Nadjia, peu bavarde lors de notre première visite, se mit à nous raconter son calvaire. «Quand mon mari est monté au maquis, tout le monde nous montrait du doigt. L'armée a brûlé notre ancienne maison et je suis partie vivre avec mes enfants chez mes parents, mais eux aussi ne voulaient plus de nous, alors nous logions dans un hameau à Berrouaghia, et la journée, je faisais du ménage pour pouvoir survivre», nous raconte-t-elle les larmes aux yeux. Elle ne nous en dira pas plus sur ses sentiments et son avis sur le changement de son époux. La nuit se déroule sans embûches. Le lendemain matin à 8h, nous nous dirigeons vers Ouzra. Là, nous rencontrons deux frères, terroristes repentis.
Du maquis...au r'nb
Khaled, âgé de 26 ans, est monté au maquis alors qu'il avait à peine 17 ans, ensuite son frère l'a rejoint, il avait 16 ans. Leur maison de style colonial est située en haut d'une colline. Habillé en jean, pull et baskets, Khaled nous reçoit chaleureusement. Il nous mène au salon où il y a, cette fois, une télévision et une chaîne stéréo. Khaled écoute du raï, du r'nb, alors qu'il y a dix ans, il avait cassé le téléviseur et interdit la musique à la maison car, disait-il, cela réjouissait les démons. Un changement brusque car, lycéen, Khaled avait une vie normale, il s'intéressait aux filles et à la musique, et puis subitement, il plonge dans un monde obscur qui échappe à ses parents. A ce propos, Khaled s'enferme dans le mutisme, et son frère en fait autant. Leur mère Safia décide de nous en parler. «Mes deux fils ont suivi des cours de sciences islamiques chez un professeur islamiste, un fanatique qui a aveuglé mes garçons. Ils ont décidé eux-mêmes de se rendre, et je suis sûre qu'ils n'ont jamais tué personne, sinon ils n'auraient pas été amnistiés», nous déclare-t-elle. Ce sont là les seules déclarations que nous avons recueillies malgré nos tentatives de faire parler les deux jeunes hommes. Par contre, les avis des voisins sont mitigés. «Ici, ceux qui étaient terroristes, ce sont les seuls qui s'enrichissent», lance un voisin. A Ouzra, chacun s'étonne de la fortune soudaine des Hadji qui ne possédaient presque rien et qui ont une entreprise de transport et deux fermes, aujourd'hui. Avec un humour noir, Nacer, un agriculteur, nous montre son ancienne maison éventrée et brûlée. «Il n'en reste rien. Les rats y ont trouvé refuge, et les anciens terroristes se la coulent douce dans notre village, le même qu'ils ont réduit en miettes», lance-t-il. nous avons néanmoins constaté que Khaled et son frère ne possédaient pas d'armes. Sur le chemin du retour à Médéa, un paysage magnifique s'offre à nous, de hautes montagnes mais aussi de magnifiques forêts brûlées, car elles servaient de refuge aux terroristes. Notre arrivée à Médéa suscite un émoi qui s'explique par l'incroyable succession de révélations et de certains détails qui nous permettront peut-être de mieux comprendre. Il est clair que Mohamed, Midouni, Khaled Hadji et son frère ne nous apprennent rien quant au fond de la terreur engendrée par des fous furieux. Ils témoignent, c'est tout. Ils ont sauté la barrière deux fois. Sont-ils sincères dans leur repentir? Sont-ils conscients de la tragédie à laquelle ils ont participé d'une manière ou d'une autre? Nous ne le saurons jamais. Une chose est sûre, la population de Zoubiria et d'Ouzra a compris la tolérance, mais la peur reste là, présente en elle car les machines à produire la terreur sont passées par là et ont appris aux plus jeunes la violence et l'intolérance.


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