Des manifestants pro Sahraouis à Genève «Le colonialisme est un mauvais élève» avait dit, en son temps, le général nord-vietnamien Giap. Il semble que la sentence soit vraie pour tous les colonialismes, de quelque rive qu'ils soient. Après des décennies de blocage systématique et de manoeuvres dilatoires pour échapper aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU, le Maroc est de nouveau contraint de s'asseoir à la table des négociations face au Front Polisario, à Genève, sous l'égide de l'envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Horst Kohler. Ainsi, l'ONU met-elle fin à un déni qui dure depuis de nombreuses années, amenant les deux parties au conflit à engager des discussions «sans conditions préalables et de bonne foi». Le Sahara occidental est un territoire non autonome et donc éligible à un référendum d'autodétermination, tel que stipulé par la résolution 1514 de l'Assemblée générale de l'ONU en date du 14 décembre 1960. Il est occupé illégalement par le Maroc depuis 40 ans, devenu par-là même la toute dernière colonie du continent africain. La population sahraouie vit dans des conditions de précarité extrême et ce sont deux générations qui attendent justice, alors que le royaume du Maroc s'évertue à reporter indéfiniment le référendum auquel a appelé, il y a bien longtemps déjà, le Conseil de sécurité de l'ONU. Même la Minurso, en sa qualité de Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara occidental, s'est constamment heurtée aux pressions, menaces, chantages et blocages multiples de Rabat afin que son mandat ne soit rien d'autre qu'un accompagnement incertain du statu quo. C'est la raison pour laquelle le Conseil de sécurité a réagi, le mois dernier, en rejetant la demande pressante de la France d'accorder un renouvellement d'un an, au lieu des six mois ponctuels, à la mission onusienne. La communauté internationale est,, en effet, outrée par la situation ainsi créée dans l'unique but d'empêcher le processus politique d'aboutir. Appuyée par des lobbies intéressés, Rabat n'a lésiné sur aucun moyen afin d'acheter des cautions à sa thèse qu'elle s'efforce en outre, d'avaliser par des «accords» avec l'Union européenne. Pourtant, les réponses de la justice européenne sont, chaque fois, sans appel, en témoigne l'ordonnance du 30 novembre dernier, rendue par le Tribunal européen qui juge l'accord de janvier 2018, entre Rabat et Bruxelles sur l'aviation civile, «non applicable au territoire du Sahara occidental et à son espace aérien». «Le colonialisme est un mauvais élève» avait dit, en son temps, le général nord-vietnamien Giap. Il semble que la sentence soit vraie pour tous les colonialismes, de quelque rive qu'ils soient. Mais l'Histoire est là, qui prouve que leur entêtement conduit toujours au même résultat. Le temps est donc venu de dresser un vrai bilan des échecs antérieurs et c'est précisément ce que veut réussir Horst Kohler qui, en présence de l'Algérie et la Mauritanie, pays voisins et observateurs, veut d'abord analyser les expériences avortées. Si le fait d'amener Rabat et le Polisario face à face, à Genève, constitue déjà un tour de force, il reste que l'ONU et la communauté internationale tout entière vont suivre avec une attention absolue les résultats de ces échanges préliminaires. Le Maroc cherchera sans doute, comme à son habitude, à tergiverser, mais l'exacerbation du Conseil de sécurité de l'ONU a bien été traduite par l'ambassadeur-adjoint des Etats-Unis, par ailleurs porte-plume des résolutions sur le Sahara occidental, Jonathan Cohen, qui a rejeté toute idée de statu quo et apporté un soutien total à Horst Kohler en vue d'une solution juste, durable et mutuellement acceptable de ce conflit, à savoir l'autodétermination du peuple sahraoui. Le dernier cycle de négociations directes, lancé par l'ONU en mars 2007, s'était enlisé en mars 2012, du fait des positions marocaines. Chargé du dossier en 2017, l'ex-président allemand Horst Kohler a déjà rencontré, séparément, les parties au conflit. Il mesure, de ce fait, toutes les difficultés de la tâche, mais, contrairement à ses prédécesseurs, il sait pouvoir compter sur le soutien du Conseil de sécurité. L'Algérie qui n'a jamais cessé de plaider pour une «négociation directe, franche et loyale» entre le Maroc et le Polisario soutient l'effort de Horst Kohler de faire respecter, enfin, le droit inaliénable et imprescriptible du peuple sahraoui à son autodétermination.