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Ce lieu de péril
YOUCEF MERAHI ET LA LITTERATURE ALGERIENNE
Publié dans L'Expression le 21 - 11 - 2005

Iconoclaste, Youcef Merahi? Plutôt un écrivain qui évite les sentiers battus, et qui nous fait partager le plaisir qu'il a à lire ses amis poètes.
On a beau l'attendre au tournant, Youcef Merahi a l'art de nous surprendre. En tant que secrétaire général du HCA, on l'imagine volontiers engoncé dans la gestion routinière et les dossiers administratifs mais on le croise là où on l'y attend le moins: un festival du film amazigh à Annaba ou Bouira, un colloque littéraire à Tizi Ouzou, des journées «Racont' Art» à Beni Yenni. Qui plus est, il ne cesse d'alimenter les librairies du pays et la Bibliothèque nationale par une production éditoriale variée. Simple et réservé dans la vie de tous les jours, il trouve dans ses écrits, surtout dans ses recueils poétiques ou ses biographies, un espace virtuel où il laisse éclater autant sa verve colérique que sa créativité. Et en même temps, - sans doute, là réside son originalité - il éprouve le besoin de rester à l'écoute des autres. Non seulement, il a consacré plusieurs ouvrages à Tahar Djaout, un autre poète qu'on ne cesse de redécouvrir, mais en plus il vient de publier sous forme de recueil une série d'articles parus dans la presse consacrés à tant de poètes et écrivains algériens. Ce recueil est intitulé : Littérature algérienne, ce lieu de péril.
Il ne s'agit pour l'auteur de revenir sur les sentiers battus des anthologies auxquelles nous avaient habitués les Bachir Hadj Ali, voire Jean de Jeu, mais bien de nous inviter à une autre manière de lire et de découvrir des auteurs comme Abdelhamid Laghouati, Mahieddine Nabet, Amar Koroghli, Achour Cheurfi, Mohamed Sehaba, voire des auteurs plus connus comme Mohamed Dib, Mouloud Mammeri ou Djamel Amrani. Le fait est que le temps a fait son oeuvre, et dans l'Algérie d'aujourd'hui, des barrières de tabous se sont érigées, et il y a comme un interdit, voire un anathème, qui est jeté sur la poésie, surtout quand elle est écrite en français. Commercialement invendable, culturellement suspecte et politiquement incorrecte, elle a planté sa tente en marge de l'activité éditoriale, cachée sous le voile pudique d'une censure multiple qui ne veut pas dire son nom.
Lorsque Younès Adli (auteur d'un merveilleux livre sur Si Mohand ou M'hand), écrit dans la préface du recueil: «Je reconnais mon ami poète, je découvre un critique à part, iconoclaste presque», il ne manque pas de saluer au passage un critique dont la plume bat au rythme du coeur, et qui souligne à juste titre les différentes précarités auxquelles reste soumis le poète algérien : précarité de la langue, précarité de l'édition, précarité du lectorat. Et c'est avec beaucoup d'émotion que nous redécouvrons un Youcef Sebti qui tente d'atteindre les rivages du futur, Abdelhamid Laghouati qui se consume à compte d'auteur, Hamid Tibouchi qui parcourt le corps de la poésie, Mahiedine Nabet qui écrit son poème debout, Mohamed Sebaha qui tente de réinventer le rêve, Lazhari Lebter qui cherche Yasmina dans le jardin secret de l'arc-en-ciel, Kamel Bencheikh qui taquine la lune négative, Mohamed Dib qui récuse le vide au plus fort de la nuit, Djamel Amrani qui égrène ses notes sur chaque sanglot du luth, Tahar Djaout qui traque le soleil, Rachid Bey qui dialogue avec la mer et son énigme, Hamid Nacer Khodja qui redécouvre la terre profonde du verbe aimer.
L'Expression: A quoi faites-vous allusion en employant le mot péril? a: aux conditions difficiles b: aux assassinats c: à la censure d: au modèle économique?
Youcef Merahi: En employant le vocable «péril», je pense viser l'environnement général dans lequel gravite un écrivain. Je vise par là l'inadéquation qui existe entre le Texte, une fois produit, et le Récepteur, c'est-à-dire lecteur, tous les lecteurs, y compris les critiques, les journalistes.
Ce lieu de péril parce que le Discours d'un écrivain est falsifié, dès sa mise à la disposition de l'environnement, ce à quoi nous assistons par la suite est démotivant à l'extrême. Pour certains écrivains, la réaction est autrement plus virulente ; ils prennent la grosse tête et tiennent, de l'autre côté de la Méditerranée, des raisonnements qui plaisent sur les plateaux des télévisions étrangères. D'autres font carrément dans le voyeurisme littéraire, en mettant à nu leurs propres fantaisies intérieures en litige avec le milieu socio-familial.
Alors je me sens personnellement agressé par ces Textes qui ne sont que le produit d'un certain talent assurément, mais surtout de beaucoup d'aigreur. Après cela, je ne peux que renforcer mon admiration pour un Mohamed Dib par exemple et vivre encore mon angoisse d'avoir ce deuil quotidien de l'assassinat de Tahar Djaout.
Il y a heureusement encore des Textes qui font que ce «péril» est battu en brèche. Je pense plus particulièrement à Mehdi Acherchour et à Yasmina Khaddra.
Lorsque Younès Adli dit: «Je reconnais mon ami le poète, je découvre un critique à part, iconoclaste presque,» vous reconnaissez-vous dans cette définition?
Je ne sais pas si la définition de Younès Adli me sied. C'est au journaliste que tu es de répondre. Je constate seulement avec vous deux que la poésie est devenue, par la force des choses, une veuve inconsolable; mais pleine de ressources. Le poète opère en marge. Encore de la poésie, me disent certains de mes amis. Fais-nous un roman plutôt. Comme l'écriture du roman est devenue une mode à laquelle il faut se plier pour être reconnu. Personnellement, je ne sais pas raconter d'histoires. Je poétise. C'est déjà beaucoup!
Je me suis «amusé» à écrire un récit (un roman?) dans les années 80. Je l'avais mis de côté. Puis je l'ai fait lire par certains. Je l'avais relu moi-même. J'avais constaté que je n'avais pas écrit de roman, mais que j'ai fait une séance de psychanalyse. J'ai pris peur de ce texte et je l'ai brûlé. Ce récit (ce roman?) représentait, à mes yeux, et pour mes amis, mon «lieu de péril».
Vous dites que le rapport à l'écriture verse dans la déraison... Est-ce vrai? N'a-t-on pas plutôt l'impression que la littérature algérienne reste timide et hésite à défricher certains terrains demeurés vierges?
J'ai fait cette observation dans un contexte précis : celui du rapport de l'écrivain, donc de son Texte, avec l'édition. Il n'est pas question de revenir sur cet aspect de notre littérature. Plus un auteur n'est pas édité, plus il verse dans la déraison; car sa seule retenue, à mon sens, est le lecteur.
Je ne vois pas personnellement de terrains demeurés vierges pour l'écrivain algérien. Il est même parfois en avance sur d'autres écrivains étrangers. Que l'on se rappelle seulement de Nedjma de Kateb Yacine, La répudiation, de Rachid Boudjedra, de Qui se souvient de la mer? de Mohamed Dib, L'exproprié de Tahar Djaout, etc.
Je ne suis pas, par contre, d'accord avec l'après-édition des romans algériens, édités ici ou ailleurs, et la manière dont ils font la promotion de leurs livres.
Vous présentez dans ce livre un certain nombre de poètes et d'écrivains. Sur quoi est basé votre choix?
Mon choix est arbitraire, je le reconnais. Sauf qu'il y a des noms d'auteurs dont certains ont structuré ma démarche intellectuelle. Dib par exemple.
J'ai beaucoup lu, et beaucoup écrit, sur l'oeuvre de Tahar Djaout. Je l'ai beaucoup relu après son odieux assassinat. Je le relis encore. Il fait partie des poètes d'ici qui m'ont marqué, à côté de l'inoubliable Djamel Amrani.
On trouve également un article sur Tahar Djaout. Est-il votre poète préféré?
Tahar Djaout a été pour l'écriture algérienne un véritable bol d'oxygène. C'est ainsi que je le vois personnellement. Il devait y avoir fatalement ressourcement de l'inspiration, Tahar Djaout en a été le porteur, le vecteur et le talentueux interprète. Sa poésie couvre sa période romanesque. Ses romans ont eux, fait fleurir sa poésie. Je n'ai qu'à citer L'invention du désert où l'histoire convoquée par l'auteur est conjuguée par le vers poétique à l'aune de la retenue et de la mémoire. En plus du fait que Tahar Djaout savait tenir la réserve qu'il faut.
Quels sont dans les différentes langues, les poètes qui vous ont marqué?
J'ai trouvé, je trouve encore, du génie dans toute tentative d'écriture. Du moins, les poètes qui m'ont marqué sont assurément Paul Eluard, Gérard de Nerval et Frédérico Lorca. Ici, il y a Djamel Amrani et Tahar Djaout. Puis en kabyle, Si Mohand ou M'hand reste ma référence.
Vous êtes hanté par le face-à-face du poète et de son double, par le miroir, par l'élan narcissique. Pourquoi?
Mais c'est être narcissique que d'écrire. Sinon pourquoi écrire ? Le moment où le poète se retrouve face à son double, dans un miroir intérieur, un miroir porteur de blessures fertiles comme ce fut pour Djamel Amrani, représente une phase de dépassement de la réalité bassement matérielle pour se confronter avec le «moi». Ce narcissisme est à hauteur de l'ego du poète.
Je ne conçois pas l'écriture poétique autrement, sinon ce ne sera, que de la préméditation scripturaire. Or, le poète doit fouiller le moindre recoin de sa mémoire, donc de son passé, pour tirer la quintessence de son Etre, de son Entité et de son Utilité poétique. Ces territoires, ces miroirs, sont divers. Pour Tahar Djaout, l'Enfance était l'instant à reconquérir. Pour Djamel Amrani, la dictature de la mémoire représentait la gestuelle à faire valoir, rappelez-vous jusque dans les rues et les terrasses de café.
Vous dites que la poésie ne sert pas exclusivement de refuge. A quoi d'autre sert-elle?
La poésie permet justement ce refus d'abdiquer au quotidien de tous les jours. Elle transforme notre «animalité», et tous ses besoins humainement ataviques, en une quête éternelle de soi. Cette équation permet de réveiller l'homme de son long endormissement devant ses multiples conquêtes, y compris celle de l'espace, comme si nous avions besoin de tout cela, et le tracter vers la philosophie de l'Etre et de la Terre.
La poésie algérienne vit-elle ses moments difficiles? Pour quelles raisons? Problèmes de l'édition? Concurrence des autres modes d'expression?
Oh oui, la poésie vit des moments difficiles. Elle n'est plus à la mode, comme peut l'être le roman. C'est un procédé de discours qui n'attire plus les foules. Le cercle s'est restreint, ce n'est pas pour me déplaire personnellement. La poésie tend à être l'apanage des seuls initiés. Pourquoi pas?
Bien sûr, nous sommes à l'ère des nouvelles technologies de communication qui implique, forcément, une nouvelle façon de consommer et d'induire la paresse intellectuelle. Il est plus simple d'écouter Léo Ferré dire que de le lire.
Vous revenez de Beni Yenni où vous avez participé aux journées Racont'Art... Parlez-nous de cette éxpérience.
A Beni Yenni, j'ai retrouvé le temps de quelque jours les regroupements de l'ancien temps de la Tajmaât. C'était convivial, humain et intéressant. J'y vais chaque année. J'irai encore cette année.
Que préparez-vous actuellement pour les lecteurs?
Je suis à la saisie d'un agenda culturel après celui que j'ai édité cette année sous le titre Ephémérides de Kabylie. Je lui donne une suite avec d'autres noms de personnalités, d'autres faits et d'autres gestes de la Kabylie. Un recueil de poésie est prêt pour l'édition, Poème éclopé.


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